Brillante journée les Boys !
(De l’envoyé spécial du Petit Journal.)
Front britannique,
19 septembre.
Il ne suffit pas de remporter des succès, il faut en plus qu’ils soient
de conséquence. De crainte que les Britanniques ne jugent pas le leur d’hier à
sa juste importance, les Allemands eux-mêmes ont tenu à le leur signaler. Ils
ont réagi comme des diables qui se verraient sur le point d’être jetés à la
porte des enfers. Leurs enfers en l’occasion étaient la ligne Hindenburg.
Si nos amis des grandes îles ont fait effort pour les repousser sur ces
défenses c’est qu’ils y avaient probablement intérêt en vue de projets futurs.
Et ce que redoutaient les Allemands c’était moins de regagner ces
retranchements que justement d’être attaqués plus tard et bousculés. Leur ligne
Hindenburg dans l’esprit du peuple et du soldat allemands demeure leur
sauvegarde. C’est comme une frontière pour eux, la frontière de leur victoire,
quand même ! Le commandement ennemi le prouve bien dans ses ordres du jour
à ses troupes. Pour tout ce qui est de notre côté de la ligne Hindenburg, il
dit : « Jusqu’à nos positions désignées d’avance tenons le plus
possible par nos arrière-gardes l’ennemi en échec. » Tragiquement le ton
change dès qu’il s’agit de l’autre côté de la ligne. Les ordres du jour portent
alors : « Pour la défense de nos foyers, de notre patrie, etc. »
Puisque c’est à partir de cette ligne qu’ils les sentent menacés,
assurons-les qu’ils ne tremblent pas en vain.
Cinq
contre-attaques, cinq échecs
Hier, à la fin du jour, pour éviter ce qui leur est arrivé et dont vous
saisissez le sens, ils ont cinq fois contre-attaqué.
Première attaque : ils reprennent le bois Gauche. On le leur
reprend.
Deuxième attaque : ils se jettent en force dans le secteur
Villers-Guislain. On les rejette.
Troisième attaque : celle-ci désespérée. Elle est faite avec une
division toute fraîche, la 6e, arrivant des Flandres ; ils la
lancent au sud d’Havrincourt. Ils ont quarante batteries concentrées sur ce
secteur. Ils déclanchent un tir de barrage des grands jours. Ils y vont violemment.
Ils y laissent quantité de morts. Repoussés.
Quatrième attaque : ils la lâchent au nord d’Havrincourt, entre le
chemin de fer Bapaume-Cambrai et le canal du Nord. Ils réussissent, ils
prennent pied. On les déloge.
Cinquième attaque : cette cinquième au nord de Mœuvres. On les en
chasse.
Ils sont vaincus ; mais que l’Allemagne ne leur en veuille pas à ces
Allemands de la Somme, ils ont fait ce qu’ils ont pu.
Les
Australiens repartent en avant
Pendant ce temps, les Australiens qui avaient atteint leur objectif ne se
trouvaient pas fatigués. Comme en plus il faisait clair de lune et qu’en vérité
on n’entreprend pas le voyage d’Australie pour s’arrêter sur le simple prétexte
qu’on a l’ordre de s’arrêter, à onze heures du soir, les Australiens
repartaient. Ils attaquaient à l’ouest de Bellenglise et de Bellicourt les
avant-postes de la ligne Hindenburg. Ils les ont enlevés.
Plus de dix mille prisonniers. Brillante journée, les Boys !
Le
Petit Journal, 20 septembre 1918.
Aux Editions de la Bibliothèque malgache, la collection Bibliothèque 1914-1918, qui accueillera le moment venu les articles d'Albert Londres sur la Grande Guerre, rassemble des textes de cette période. 21 titres sont parus, dont voici les couvertures des plus récents:
Dans la même collection
Jean Giraudoux
Lectures pour une ombre
Edith Wharton
Voyages au front de Dunkerque à Belfort
Georges Ohnet
Journal d’un bourgeois de Paris pendant la guerre de 1914. Intégrale
ou tous les fascicules (de 1 à 17) en autant de volumes
Isabelle Rimbaud
Dans les remous de la bataille
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