jeudi 29 avril 2010

Siri Hustvedt : le 11 septembre au présent

Intégrer les attentats du 11 septembre 2001 comme une donnée définitivement inscrite dans ce début de 21e siècle et dans la mémoire collective. Donc, aussi dans la littérature qui témoigne de notre époque. En France, Luc Lang et Frédéric Beigbeder avaient été les plus rapides à le faire avec, respectivement, 11 septembre mon amour et Windows on the world. La belle vie, de Jay McInerney, a suivi en traduction. Il y en a eu, il y en aura encore, personne n’en doute.
Mais la distance chronologique permet maintenant de ne plus focaliser tout un roman sur la chute des tours du World Trade Center. Dans Elégie pour un Américain, l’image apparaît brièvement au début: Inga et Sonia, sœur et nièce d’Erik, le narrateur, fuient l’incendie, la fumée et les décombres. On apprend plus tard qu’Inga, qui a consacré un chapitre d’un livre à la représentation de ce jour-là dans les médias, s’interroge sur ce que l’adolescence de sa fille aurait été sans l’événement. Un peu plus loin, encore, que Sonia éprouve des difficultés à intégrer un huitain consacré au 11 septembre dans un poème qu’elle écrit. Et c’est aux trois quarts du roman seulement, deux ans après, que Sonia craque d’un coup: «Je ne veux pas de ce monde! Je n’en veux pas!», hurle-t-elle…
C’est la marque d’un temps où les blessures sont cachées sous la peau, mais très près de la surface, et peuvent se rouvrir à n’importe quelle occasion. C’est aussi la marque d’un superbe livre où les morts restent présents parmi les vivants. Présence parfois amicale, souvent envahissante, avec laquelle vit Erik, psychiatre et psychanalyste qui porte, outre ses propres démons, ceux de ses patients. Il revoit souvent son père et les carnets que celui-ci a laissés racontent la génération précédente, laissant entrevoir quelques-uns de ces secrets qui font le mystère de toute vie.
Max, le mari d’Inga, écrivain célèbre, est mort lui aussi en laissant un secret. Sa veuve tente de le percer. Mais elle se trouve en compétition, sur ce terrain, avec d’autres personnes, moins bien intentionnées, plus insensibles à la douleur que la révélation pourrait provoquer chez Sonia.
Ainsi se dessine un territoire humain sur lequel chaque fait a laissé une trace indélébile, aux effets imprévisibles. Siri Hustvedt – l’épouse de Paul Auster – fait preuve d’une sensibilité grâce à laquelle les émotions de tous ses personnages deviennent palpables. Qu’ils soient placés sous le regard d’un psychanalyste n’est bien sûr pas innocent: rompu aux fouilles dans des esprits encombrés d’un fatras illisible, Erik décode ce territoire avec une générosité qui nous le rend aussi sympathique qu’il est fragile. Car, comme souvent, c’est dans ses propres sentiments qu’il lit le plus mal…
Une œuvre de mémoire où les couches superposées des générations forment l’assise de notre présent.

mercredi 28 avril 2010

Quelques souvenirs de Pierre-Jean Rémy

Comme je l'écrivais à l'instant en commentaire de l'excellent blog de Pierre Assouline, La république des livres, il ne m'a pas été facile de passer, dans la même journée, entre ce matin et cet après-midi, d'un article sur le formidable roman de Paul Verhaeghen, Oméga mineur (dont parle Pierre Assouline et que je vous avais annoncé en interviewant Claro, son traducteur) à un autre pour "enterrer", comme on dit dans notre jargon de journalistes, Pierre-Jean Rémy.

Je garde un excellent souvenir d'une longue rencontre que nous avions eue, et un souvenir meilleur encore de la lecture de ses premiers livres. Je l'avais découvert peu de temps après son prix Renaudot de 1971 pour Le sac du Palais d'Eté, un roman furieux, emballé, énorme. C'était l'époque où, sortant d'études secondaires pendant lesquelles les professeurs ne m'avaient proposé que de la littérature très sage, je découvrais goulûment le droit de l'écrivain à ruer dans les brancards - et le droit du lecteur à en profiter avec ravissement, ce dont, vous devez vous vous en douter, je ne me privais pas.
Je me souviens surtout de la manière dont Pierre-Jean Rémy, quand je l'ai vu, m'avait parlé des voix de femmes dans les opéras qui lui étaient chers. Je ne crois pas lui avoir raconté, en revanche, que j'avais de mon côté, après le choc que son troisième livre avait provoqué chez moi, mis tous ses livres en fiches (il n'y avait pas encore une bonne soixantaine), avec l'intention d'écrire un article définitif que je n'ai évidemment jamais écrit. Heureusement: avec son rythme de production, la notion de "définitif" avait, par avance, du plomb dans l'aile (si une notion a des ailes, bien sûr).
Son œuvre sera peut-être définitivement close le 14 mai, jour de la parution de son nouveau roman - posthume donc. Comme je ne peux rien vous refuser, voici les premières lignes de Voyage présidentiel:
1er avril
Très vite, une heure à peine après le départ, j’ai ressenti pour la première fois ce sentiment de liberté, cette légèreté que depuis des années je croyais ne plus savoir goûter. Le ciel était clair, à côté de moi Laurent était plongé dans la lecture d’un volume fatigué qu’il avait tiré de sa serviette au moment de s’asseoir. Les Déracinés, Barrès, entre les mains: pourquoi pas? Nous sommes d’une génération qui a aussi lu Barrès. Il y a quelques années, m’a-t-on dit, deux ou trois conservateurs de la Bibliothèque nationale – pour laquelle je n’ai en rien l’attachement qu’on me prête – auraient voulu organiser un cycle de trois expositions consacrées à ce qu’un historien a pu qualifier de «Siècle des écrivains». Le siècle de Barrès, celui de Gide, celui de Sartre. Le bruit en serait arrivé jusqu’à mon cabinet, et je ne sais lequel de ces imbéciles qui montent la garde autour de moi aurait levé les bras au ciel: «Barrès, vous n’y pensez pas?» Quant au petit père Gide, lui, il l’aurait trouvé «bien daté»! En revanche, le pauvre garçon aurait tout à fait apprécié le projet d’une exposition et d’un cycle de conférences, colloques et autres chochotteries sur le seul Sartre.
A suivre, dans deux semaines, en librairie... Si l'impatience est une de vos caractéristiques, profitez de ce temps pour lire Le sac du Palais d'Eté. Vous ne le regretterez probablement pas.

L'agence tous services de Dominique Mainard

Delphine a trente-cinq ans. Elle est la propriétaire de l’agence Pour Vous. Une agence très particulière: demandez-y n’importe quoi, vous l’obtiendrez. De la compagnie pour un grand-père. Un enfant à louer pour quelques heures par semaine. De l’aide pour faire les courses. Du temps à partager, et plus si affinités. La surveillance d’un malade, jusqu’à la fin, et jusqu’à lui donner la mort le moment venu. La conception d’un enfant pour une mère stérile. Rien ne paraît impossible, à une condition: n’espérez pas que Delphine fasse entrer le moindre souffle d’affection dans son travail. Pour le reste, elle est parfaite. Et, c’est le moins qu’on puisse en dire, elle paie de sa personne. Elle n’ignore pas qu’elle est en marge de la légalité pour un grand nombre de ses activités. Mais elle connaît si bien le besoin d’affection éprouvé par ses clients qu’elle trouve normal de leur mentir quand elle la leur procure. En cas de problème, elle sait qu’un contrat a été signé.
La nouvelle héroïne de Dominique Mainard fait froid dans le dos. Elle effectue un calcul cynique. Elle se repose sur des fiches soigneusement mises à jour et une comptabilité bien tenue. S’il est vrai que tout s’achète, en voici encore une preuve. Mais le cynisme est seulement du côté du personnage, pas de la romancière, comme on le verra plus loin dans le récit.
Delphine effectue elle-même l’essentiel des travaux de son agence. Elle a quand même une employée, Marja, la quarantaine, capable, elle, de pleurer et d’éprouver des sentiments. Marja ne comprend pas l’insensibilité de sa patronne. Craque parfois devant ses exigences et celles des clients. Elle se prête à leurs désirs. Prête même son fils. Mais n’en peut plus de se faire traiter de prostituée ou de mauvaise mère.
Marja est le miroir dans lequel Delphine ne se voit pas… «Je ne suis pas une gentille jeune femme, Marja, lui avais-je dit un jour».
La directrice de Pour Vous n’est pourtant pas un être coulé d’une seule pièce. Une faille discrète apparaît en elle quand Jones veut la charger d’un travail qui semble pourtant plus anodin que bien d’autres: dactylographier les cahiers qu’Adorno, un amant de Jones, a écrits pour lui, d’une écriture difficilement lisible. Jones sait le rôle que Delphine a joué dans les derniers mois d’Adorno. Il ignore que l’accompagnatrice du malade a, après la mort de celui-ci, caché les cahiers dans l’espoir qu’ils ne soient jamais retrouvés, qu’elle s’est emparée d’une importante somme d’argent et qu’elle a précipité, à la demande d’Adorno, sa fin.
Delphine, quant à elle, est troublée par une mission qu’elle ne veut d’abord pas accomplir, avant de s’y plonger passionnément, de recopier elle-même le texte en y modifiant quelque peu la vision qu’il donne d’elle-même. Finalement, elle n’apprécie pas trop d’être jugée si froide. Pire: Jones ne la laisse pas indifférente. Alors qu’elle porte l’enfant d’une autre femme, pour la première fois, elle devine en elle quelque chose de si proche de l’amour qu’il faut bien l’appeler ainsi. La femme qui résistait à tout devient pareille aux héroïnes des romans à l’eau de rose qu’appréciait tant sa première employeuse.
C’est le monde à l’envers, à moins qu’il soit remis à l’endroit. Dominique Mainard aime ces pirouettes qui lui permettent de visiter l’intérieur des âmes, de presser ses personnages pour leur faire donner tout leur suc. Une fois encore, elle pratique une gymnastique plaisante qui nous oblige à considérer Delphine d’un autre œil. Et à reprendre espoir dans l’humanité: en définitive, le pire n’est pas toujours sûr.
Ce roman a obtenu le prix des Libraires en 2009.

lundi 26 avril 2010

lundi 19 avril 2010

Zapculture : le Printemps de Bourges comme si vous y étiez, ou presque

J'ai retrouvé ma voix - c'est-à-dire que j'ai enfin branché la bonne fiche dans la prise adéquate pour intercaler quelques mots entre les sons venus d'ailleurs. Il n'y avait pas de quoi se fatiguer trop aujourd'hui puisque j'ai décidé de vous proposer des extraits de chansons en liaison directe avec le Printemps de Bourges. Neuf artistes, donc, qui étaient sur scène à cette occasion, dans l'ordre des pochettes que je vous montre ci-dessous. Et, pour télécharger l'émission, pas de changement: le casque ci-contre sert à cela.








lundi 12 avril 2010

Zapculture, le retour

Me revoici. Avec un numéro de Zapcultures que j'ai eu bien du mal à faire parvenir jusqu'à vous - connexion paresseuse - mais dans lequel les curieux devraient trouver quelques sujets d'intérêt, du côté de la musique et de la littérature. Une bonne journée après son montage, cette "émission" datée d'hier vous appartiendra en suivant le lien du caque audio...

On ouvre avec Arno, le chanteur belge à l'accent flamand à couper au couteau, à la voix chargée d'alcool et de fumée, pour son nouveau disque, Brussld, titre sobre (oui!) et incompréhensible, sauf si l'on se souvient que ce Bruxellois, originaire d'Ostende, revendiquait son appartenance à l'Europe il y a longtemps déjà et que les barrières de langue ne lui ont jamais fait peur.
Je n'ai pas écouté le disque en entier - une chanson par-ci, par-là, couleur sombre et rythmes paresseux - et les critiques rassemblés par Télérama n'ont pas aimé. Ils ont peut-être raison. A moins que le journaliste de Tout arrive (France Culture) qui a, lui, apprécié, soit dans le bon...
Sous sa diction... particulière, vous comprendrez peut-être comment Arno écrit ses chansons, en puisant autour de lui et sans trop bosser, puisqu'il n'aime pas ça. (00'25"-02'34")

Place à la littérature, trois sujets aujourd'hui, avec de mon côté un faible pour le premier: le nouveau roman de William Boyd, Orages ordinaires. Comme l'annonce l'émission, Tout arrive, "la discussion porte d’abord sur sa méthode de travail avant d’entrer plus précisément dans les questions que posent le roman: «Que reste t-il quand on a tout perdu?» «A-t-on encore une identité?». Adam Kindred, personnage principal de ce thriller humaniste, n’a plus rien et doit «se réinventer pour survivre» comme le précise l’auteur."
Boyd, c'est - les moins jeunes s'en souviennent peut-être - cet écrivain britannique dont Bernard Pivot proposa un jour de rembourser lui-même le livre aux acheteurs qui auraient été déçus. Je ne sais pas s'ils furent nombreux à venir trouver l'animateur d'Apostrophes dans ce but. En tout cas, il n'y a rien de décevant, bien au contraire, dans ce roman londonien à l'atmosphère de thriller auquel j'ai consacré, la semaine dernière, un article dans Le Soir. (02'34"-05'06")

Je n'ai pas lu, en revanche, le nouveau roman de Guillaume Musso, La fille de papier. Et - pardonnez-moi - je ne crois pas que je le ferai. Ou alors, plus tard, quand il sortira au format de poche. Je n'ai pourtant aucun mépris pour le succès, j'aime des livres qui se trouvent placés très haut dans les listes de meilleures ventes - pas tous, quand même, faut pas exagérer. Dans ce cas-ci (comme dans d'autres), je suis quand même légèrement irrité par l'argument commercial qui repose presque exclusivement sur le tirage - énorme, je vous l'accorde, bien que j'aie oublié le chiffre exact.
En ce qui me concerne, je préfère les arguments littéraires pour juger de la qualité d'un livre.
Dans Les livres ont la parole (RTL), ce que j'ai entendu à ce sujet ne me rassure pas complètement. Il paraît que Guillaume Musso a un culot monstre, qu'il ose tout. Pensez donc! Il introduit un personnage de fiction dans la fiction! Quelle audace!
Et je me trompe probablement en ayant la vague impression que cela a déjà été fait quelque part, et souvent... (05'06"-06'02")

J'ai davantage de sympathie pour Katherine Pancol dont le troisième (et dernier?) volet de l'énorme feuilleton commencé avec Les yeux jaunes des crocodiles est l'autre énorme succès du moment. Je ne vous donnerai pas non plus les chiffres du tirage, de la mise en place chez les libraires, des réimpressions, etc. Mais j'ai lu Les écureuils de Central Park sont tristes le lundi, comme j'avais lu les deux volumes précédents (celui-ci est le plus épais). Et je peux donc vous en dire un mot. (Pour le détail, il faudra se reporter à cet article.)
On ne s'ennuie pas chez Pancol. Pas souvent. Je me suis parfois dit qu'elle aurait pu couper deux ou trois cents pages (enfin, c'est peut-être parce que je me devais d'aller jusqu'au bout avant d'en parler, et que cela m'aurait permis de lire autre chose). Mais l'histoire tient la route, les personnages sont bien campés - surtout si on a pris le temps de s'habituer à eux depuis le début et Joséphine, l'héroïne, est attachante.
D'ailleurs, écoutez comment la romancière raconte, dans Regarde les hommes changer (Europe 1), la naissance de Joséphine. (06'02"-09'01")

On va finir comme on avait commencé, en musique - mais pas du même genre -, avec Patricia Petibon qui chante des airs baroques italiens sur Rosso. Elle était invitée au Rendez-vous (France Culture) et la présentation de l'album est si enthousiaste que je vous la livre telle quelle.
"Une chanteuse dont la seule apparition suffit à vous mettre de bonne humeur – même si vous savez que ce qu’elle va chanter sera grave, émouvant ou pathétique, et que l’orchestre déjà vous le fait entrevoir. On prend du plaisir même à la tristesse: n’est-ce pas étrange ? Et il augmente encore dès qu’elle ouvre la bouche. Les difficultés de la vie se sont effacées. Déjà vous les avez oubliées.
Patricia Petibon réussit ce prodige: elle vous rend heureux alors que ce qu’elle chante vous fait venir les larmes aux yeux... Mais le plus étonnant dans le programme qu’elle nous propose sur cet album est que ses qualités particulières correspondent si bien à la musique qu’elle nous offre. Elle chante toutes sortes de musiques, de Lully et Haendel à Bernstein, en passant par Mozart et Debussy, avec une affection particulière pour la musique baroque. Pourtant, ce n’est pas par elle qu’elle a commencé. «Quand je suis arrivée au Conservatoire de Paris, dit-elle, et que j’ai étudié avec Rachel Yakar, j’ai travaillé avec elle toutes sortes de musiques. Je chantais alors Zerbinetta dans Ariane à Naxos de Richard Strauss. Je continue à aimer toutes les musiques ensemble: chanter le rôle d’une religieuse dans les Dialogues des Carmélites de Francis Poulenc, c’est aussi émouvant que donner sa voix à toutes les amoureuses que j’ai enregistrées.» Quant à la musique baroque, c’est la rencontre avec William Christie qui l’a, reconnaît-elle «orientée dans ce sens».
La musique qu’elle nous propose dans cet enregistrement constitue comme un concentré de ce que fut l’opéra, né en Italie et répandu à travers l’Europe. La sensibilité baroque, le goût, le plaisir en ce temps-là, ne pouvaient se satisfaire d’une déclamation musicale spianata (simple et naturelle). Il leur fallait la surprise, l’émotion, l’émerveillement. Les compositeurs, comme leur public – et les chanteurs plus encore – désiraient une sorte de merveilleux, une féérie, et même un peu de folie, par la voix: un style fiorito. La poésie, devenue serva de la musique, cherche à caractériser les affetti et donne naissance à une forme close, l’aria con da capo, permettant la transcription lyrique, dramatique ou légère, du sentiment et donnant au chanteur la possibilité de le développer par la virtuosité. Il doublait ainsi l’émotion par l’émerveillement. L’univers baroque se situe délibérément dans l’irréel, et le merveilleux vocal répond à ce qu’était alors la mise en scène pleine d’apparitions, de vols et de nuages. Il répond par les sons à l’émotion lyrique de la Sainte Thérèse du Bernin, tout comme la virtuosité architecturale de Borromini accompagne celle des chanteurs." (09'01"-11'32")

Générique, fin, et à la semaine prochaine si tout va bien.

lundi 5 avril 2010

Zapculture : aujourd'hui, je zappe...

Désolé pour celles et ceux qui attendaient ma livraison hebdomadaire de sons repiqués dans des émissions de radio: aujourd'hui, je n'ai pas le temps de vous fournir cela. Trop de lectures en cours, trop d'articles à rédiger...
Je reviens aussi vite que possible.

samedi 3 avril 2010

Deux livres exceptionnels

Je ne trouve pas le temps de vous parler de tous les livres que je lis. J'aimerais bien, pourtant. Mais... le travail... vous savez ce que c'est, je suppose. Voici quand même deux ouvrages qui sortent du lot et dont j'estime la lecture indispensable. Le premier est un récit de voyage sur un ton très libre. Le second, un roman hors normes. C'est parti...

Olivier Rolin, Bakou, derniers jours

Tous ses amis avaient déconseillé à Olivier Rolin de séjourner à Bakou en 2009. Par sa faute: dans Suite à l'hôtel Crystal, un ouvrage précédent, il avait mis en scène son suicide («en tout cas celui d'un personnage qui porte mon nom») cette année-là, dans un hôtel de Bakou. L'esprit de contradiction a fait le reste: «La multiplication de ces affectueuses mises en garde fit évidemment naître en moi l'idée que je devais à tout prix me rendre à Bakou en 2009, et y demeurer assez longtemps pour laisser à la fiction de ma mort sur les bords de la Caspienne […] une chance raisonnable de se réaliser.» Le voici donc, lesté d'ouvrages sur le thème de la mort, face à la possibilité de sa propre fin…


René Belletto, Hors la loi

Luis Archer est né le 6 juin 1966. Il est mort à la même date, comprend-il quarante-deux ans plus tard. Les premières lignes du nouveau roman de René Belletto posent cette affirmation, douteuse malgré le cadre enchanteur où le personnage principal la formule. C'est jour de marché à Saint-Maur, il fait beau ce 6 juin 2008, Clara rayonne d'une absolue beauté. Tout semble évident. Même l'affirmation initiale? Presque: il faudra 480 pages pour nous y faire croire.
Hors la loi est bâti sur des coïncidences dont la multiplication suscite les questions, induit quelques réponses et trouble en profondeur. Revient ainsi, de loin en loin, un quatrain inscrit dans la mémoire de Luis Archer qui n'en connaît pas l'origine: «Amours rêvés de ma jeunesse / Se sont enfuis avec le temps / Mais que jamais ne disparaisse / Le souvenir que je t'attends.» Curieusement – c'est loin d'être la seule chose curieuse ici – les mêmes vers sont calligraphiés dans un cahier qui appartenait à la mère de Clara.