mardi 14 mai 2019

David Foenkinos, c’est presque ça

La fréquentation de Charlotte Salomon, personnage de Charlotte (2014), a fait de toute évidence grandir David Foenkinos, lui a donné une gravité qui manquait à la plupart de ses livres précédents, miracles plus ou moins réussis de funambulisme où les effets de manche masquaient l’essentiel du propos. C’était peut-être le but, d’ailleurs : disparaître derrière les phrases comme Antoine Duris, dans Vers la beauté, progresse « dans l’art de l’invisibilité ». Il était un maître de conférences apprécié, voire adulé par les étudiants, le voici gardien de salle au musée d’Orsay. Evidemment surqualifié pour ce travail, ce qui ennuie un peu la DRH, Mathilde Mattel. Plus exactement, elle ne comprend pas pourquoi, sur le chemin d’une brillante carrière, auteur d’articles remarqués, il se place ainsi en retrait.
Antoine lui-même ne semble d’ailleurs pas savoir ce qui l’a conduit à cette décision qu’il a dissimulée derrière une fausse piste : il a dit à tout le monde qu’il prenait un congé sabbatique d’un an dans un endroit isolé, sans contacts avec son réseau de relations, pour écrire un roman. Seule sa sœur ne l’a pas cru. « Eléonore était trop proche de lui pour admettre qu’il ait pu partir ainsi, sans même dîner avec elle une dernière fois. Sans même passer embrasser sa nièce avec qui il adorait jouer. »
Eléonore n’a pas tort. De là à percer un mystère sur lequel Antoine a jeté un voile, il y a du chemin à faire et David Foenkinos y passera la presque totalité de Vers la beauté. Fournissant au passage, à plusieurs reprises et avec variations, une justification de son titre. Ce n’est pas le plus ardu : Antoine est historien de l’art, il travaille désormais au musée d’Orsay, il se perd dans un dialogue muet avec une toile de Modigliani : « Face à un tableau, nous ne sommes pas jugé, l’échange est pur, l’œuvre semble comprendre notre douleur et nous console par le silence, elle demeure dans une éternité fixe et rassurante, son seul but est de vous combler par les ondes du beau. »
Et il y a Camille, surtout Camille. Dont on ne dira rien, presque rien, bien qu’elle soit centrale dans un roman où la première apparition de son nom, au quart de l’ouvrage, se fait sur une pierre tombale. Elle est la force autant que la faille de Vers la beauté. D’une part, elle incarne une sorte de pureté idéale dont on sait qu’elle est aussi le lieu idéal de la souillure pour certains, voilà pour la force. Mais elle est, en raison d’événements trop prévisibles, la faille qui traverse le récit avant sa fin et en rend la dernière partie moins solidaire de l’ensemble, comme une pièce rapportée en dernier recours, faute d’avoir trouvé mieux.
On s’est donc plutôt emballé pour l'avant-dernier roman de David Foenkinos, jusqu’au moment où il est retombé dans le travers de la facilité. Après avoir, il faut quand même le souligner, avoir tenu presque toute la distance, de quoi susciter des applaudissements modérés.

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