jeudi 29 juillet 2010

Relire Voltaire, ou plutôt le lire

L'hebdomadaire L'Express, cette semaine, est pour moi une madeleine proustienne, qui me renvoie à un autre temps et à un autre climat, à l'époque où je m'étais transformé en graphomane. Vivant, comme on dit, "de ma plume", j'écrivais des livres sur tous les sujets qu'une maison d'édition amie voulait bien porter sur un contrat. Je signais, je me documentais, je fournissais un manuscrit, le livre sortait - j'étais déjà passé à autre chose. Les thèmes abordés n'étaient pas chaque fois ceux sur lesquels j'avais envie de travailler, mais il fallait bien vivre. Il n'empêche que je suis assez fier d'avoir consacré des mois à préparer et à réaliser un petit Aide-mémoire Voltaire pour lequel j'ai lu, je crois, l'intégralité de l'œuvre. L'idée m'amusait - j'ai toujours aimé me placer face à des obligations pour me donner l'occasion de faire ce dont je rêvais. Et lire Voltaire, tout Voltaire, était bien un projet que j'avais longtemps caressé sans savoir comment je pourrais le mener à bien. Écrire ce livre m'en a donné l'occasion. Aujourd'hui encore, j'en éprouve une certaine satisfaction. Certes, l'ouvrage est épuisé depuis longtemps, il me semble d'ailleurs qu'il n'a pas été un succès. Il n'empêche: je suis surpris de le retrouver sur le marché de l'occasion, à des prix qui me semblent excessifs: 11€ à la Librairie du Cardinal à Villenave d'Ornon, 18€ chez Amazon ou même 21€ chez Chapitre.com. Je n'en ai plus un seul exemplaire et probablement n'aurai-je plus jamais l'occasion de le racheter.
Tout ceci pour dire que la couverture de L'Express avec son portrait de Voltaire a tout pour me réjouir. Même si, vous le comprendrez après tout ce que je vous ai raconté (au risque de vous ennuyer), j'ai eu le sourire un peu aigre en lisant, dans la présentation d'un entretien avec Charles Dantzig: "L'auteur du Dictionnaire égoïste de la littérature française (Grasset) a lu les œuvres de Voltaire, que plus personne ne lit." Plus personne? Vraiment? Et moi, alors? Mais, outre que Charles Dantzig n'est pas responsable de cette phrase, il ne dit sur Voltaire que des choses intelligentes - et mieux que moi. Notamment ceci, qui me semble résumer l'image approximative que nous avons de nombreux écrivains connus davantage par ouï-dire que par le rapport entretenu avec leurs textes: "Nous avons sculpté de Voltaire une statue qui ne lui ressemble pas."
Que faire donc pour retrouver un Voltaire authentique? Le lire, pardi! Je conseillerais volontiers de commencer par un de ses livres les plus excitants, et qui vient d'être réédité, son Dictionnaire philosophique, dans lequel j'ai eu le bonheur de replonger il y a peu. Croyez-moi: cela donne envie d'aller plus loin et de retrouver un sacré bonhomme, bien entendu farci de contradictions - le dossier de L'Express ne fait pas l'impasse sur celles-ci - mais susceptible de fournir bien des raisons de penser par soi-même. Le cadeau est inestimable.

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