Jean Vautrin, que décidément je ne me résous pas à abandonner si vite, c'était une manière de voir la vie et les gens. Son regard et son écriture, en partie commune avec Dan Franck pour les aventures de Boro, ont suscité chez moi, au fil des années, quelques articles dont voici, parmi ceux que j'ai retrouvés dans les archives, les principaux.
Un grand pas vers le
Bon Dieu est un roman ample et touffu, aux rebondissements multiples, à l’écriture
singulière. Bref, un livre inclassable, à moins de suivre Jean Vautrin dans sa
définition du roman « aventureux » où il lui plairait de voir rangé
son nouveau roman.
De Billy-ze-Kick à
La Vie Ripolin, la langue de Vautrin
a toujours traîné assez loin d’un français classique et policé :
— J’adore une expression d’argot qui dit qu’un poivrot « creuse
un verre ». Moi, j’ai envie de creuser les mots. Donc mon écriture est
très large, pléthorique, et, dans tous mes livres, les mots ont parfaitement le
temps et le droit de faire la pirouette.
Au cours de ses voyages, Jean Vautrin s’est intéressé à la
Louisiane et au cajun qu’on y parle :
— Le français y est archaïque, il y a une démarche de
défense de la langue française, mais qui n’empêche pas la présence de mots
anglais, par capillarité. Je me suis dit : « Voilà un fantastique
creuset pour toi ! »
Dans ce torrent de mots apparaissent rapidement les
personnages principaux, paysans et bandits…
— Puisqu’on est à la campagne et que j’ai situé ça près
du Texas, ces paysans ressemblent à des personnages de westerns. Il y a les
broncos, les chevaux sauvages. Il y a les gens qui se battent en duel, il y a
des shérifs, il y a des bandits, et des chasseurs de primes aussi, bien sûr.
Situons le point de départ en deux mots – ce qui est bien
peu. Edius Raquin, très attaché à sa terre, a épousé Bazelle il y a dix-huit
ans. Leur fille Azeline est très belle… Et le bon temps roulait. Jusqu’au jour
où arrive à la ferme le bandit Farouche Ferraille Crowley, blessé mais beau aux
yeux d’Azeline, et sûr à ceux d’Edius. Voilà un mariage en perspective, sous le
regard de Palestine Northwood, un chasseur de primes qui a attaché ses pas à
ceux de Ferraille. La fête commence, la fête est finie, une autre histoire
prend naissance…
— J’ai voulu qu’il y ait aussi cet autre itinéraire, de
la campagne à la ville, et que cela se joue sur plusieurs générations. En outre,
la musique est là, sous-jacente, qui débute en country et qui va elle aussi
vers la ville, vers le jazz.
Pour goûter ces réjouissances langagières et aventureuses, il
suffit de s’y laisser aller. Le rythme du roman fait le reste. Les personnages
ont une telle manière de traiter sur le même pied leur vie quotidienne et les
valeurs éternelles qu’on se sent, avec eux, dans le partage du monde. Ambitieux,
Jean Vautrin est allé jusqu’au bout de ce qu’il voulait réaliser, avec la
sérénité d’un artisan qui se sait en pleine possession de ses moyens. Quand il
parle maintenant, avec un peu de recul, d’Un grand pas vers le Bon Dieu, il le
fait avec un plaisir gourmand :
— Je voulais renouer avec une grande tradition tout à
fait perdue en France, qui va de Marquez à Irving en passant par Conrad – je
les cite volontairement en vrac, en mélangeant les valeurs –, avec de grands
romans où le temps passe, où on assume une multitude de personnages, où on peut
se situer dans un quotidien terre à terre, presque folklorique, et puis fiche
le camp à des hauteurs… et devenir brusquement lyrique, employer un langage qui
n’est pas tout à fait de la prose…
Souvenez-vous : il y a quatre ans, un nouveau héros de
feuilleton naissait sous une plume tenue à la fois par Dan Franck et Jean
Vautrin – en réalité, on n’arrête pas le progrès, plutôt sous les touches de
leur Macintosh, avec échange de disquettes pour se communiquer les versions successives
du texte. Un héros séducteur jusque dans son défaut physique : une jambe
raide qu’il attribue, selon les interlocuteurs, à différents hauts faits de sa
vie aventureuse. Hongrois, Blèmia Borowicz, dit « Boro », a connu la
gloire en 1933, quand il a photographié « le
chancelier Hitler la main sur la croupe d’Eva Braun ». Depuis, il a
fait son chemin, fondant avec deux amis une agence de presse qui fournit les
journaux du monde entier en clichés sensationnels.
L’actualité du temps qui passe leur procure, il est vrai, un
matériau de choix. Surtout si on choisit, comme l’ont fait les créateurs du
personnage, de remonter le temps à petits bonds : Le Temps des cerises, deuxième volume d’un cycle qui devrait en
compter cinq et nous conduire jusqu’en 1956, plonge dans l’époque du Front
populaire et des débuts de la guerre d’Espagne. En France, des clans fermement
campés sur leurs positions s’affrontent dans l’ombre, et parfois même dans la
rue. La belle Ashton-Martin de Boro subit la loi des casseurs et, aux galeries
Lafayette, il se passe toujours quelque chose. De mystérieux flacons de parfum « Rouge
Sang », qui se révèlent contenir de l’acide, mettent Boro sur la piste d’un
trafic d’armes qui le conduit en Italie. L’internationale fasciste possède ses
réseaux, que notre reporter-photographe, fidèle au moins autant à son sens de
la justice qu’à son goût du scoop, suivra jusqu’à connaître même l’humiliation
de devoir « planquer » dans une maison de passe italienne pour
démonter tous les rouages de ce trafic. Humiliation, c’est une manière de
parler, car en fait, il aime plutôt ça, Boro. Les dames appartiennent à sa vie
quotidienne comme la photographie. Il n’est pas cynique, il serait même plutôt
généreux, mais il ne cesse de tomber amoureux, d’un visage, d’une peau, d’une
pose… quand ce n’est pas de la fraîcheur de Liselotte, dix-sept ans, embarquée
bien malgré elle dans une aventure où elle n’avait rien à faire. Entre ses
études de droit et son emploi de vendeuse aux… galeries Lafayette (vous l’aviez
deviné !), elle devient un témoin gênant qu’il faut éliminer. Devant elle,
Boro se comporte en père – elle vient de perdre le sien suite à un accident
minier, dans le Nord – plutôt qu’en amant. Avec, néanmoins, quelque dépit de se
comporter de la sorte. Elle est mignonne, Liselotte. Mais elle sera pour quelqu’un
d’autre…
Simple, pour respecter la règle du feuilleton qui permet au
lecteur de ne pas se poser trop de questions sur le pourquoi et le comment des
réactions des personnages, Boro n’est
cependant pas simpliste. Et comme Franck et Vautrin n’ont pas oublié non plus
qu’ils étaient écrivains – pas seulement des tâcherons qui tirent à la ligne
pour remplir leur contrat –, on se régale sur tous les plans : le scénario
est parfaitement au point, la documentation est précise sans être envahissante,
et l’ensemble du récit est tenu par un style réjouissant qui aide à traverser, l’œil
rivé sur le viseur du vieux Leica de Boro, les temps de troubles dont la
dimension est véritablement romanesque.
Courage, chacun (1992)
Jean Vautrin aime les gens et ne s’en cache pas. Il leur
invente des histoires. Un visage, une attitude, et le voilà qui démarre au
quart de tour : « C’était. C’était
banal comme une bougie éteinte. Un homme penché sur une femme. Un couple arrêté
non loin du parapet d’un pont. » C’est le début de la nouvelle la plus
courte de son recueil : Courage, chacun,
en regroupe neuf, neuf doux délires qui parfois basculent dans « Ma Haine
mortelle », parce qu’ainsi va la vie et qu’il ne faut pas toujours se
laisser manipuler par les autres.
Jean Vautrin aime les gens et le leur dit à sa manière. Une
manière bourrue, histoire de ne pas pleurer avec les autres mais de les engager
au contraire à résister quand quelque chose vous fait mal, quand on croit que
tout va bientôt s’arrêter. Il arrive que cela s’arrête, d’ailleurs : il ne
faut pas imaginer que les choses durent éternellement.
Jean Vautrin aime les gens et ne se contente pas des romans
pour les raconter. Animateur de la collection de nouvelles où il publie ce
recueil, il reste le défenseur d’un genre auquel on se demande pourquoi le
public ne fait pas davantage confiance. Alors que les nouvelles, et celles de
Vautrin en particulier, permettent de multiplier les rencontres, d’avoir en
kaléidoscope une vision de notre monde, entrevu parfois sous des angles tout à
fait inattendus.
Jean Vautrin aime les gens, il serait juste que les gens le
lui rendent en restant ou en devenant ses lecteurs.
Il nous a déjà entraînés dans quelques aventures hautes en
couleur, ce reporter-photographe à la jambe folle (une seule jambe, heureusement,
abîmée après une histoire dont les versions diffèrent selon les interlocuteurs
auxquels il la raconte). Boro, dans La
Dame de Berlin, photographiait Hitler avant son grand avènement, dans une
position compromettante. Dans Le Temps
des cerises, il démontait la conjuration de la Cagoule et, déjà, donnait un
coup de main aux Espagnols, côté République.
Car voici l’Espagne en plein, et même en pleine guerre, dans
Les Noces de Guernica, troisième
épisode des aventures de Boro dont Dan Franck et Jean Vautrin nous régalent
depuis 1987. Le photographe boiteux et néanmoins talentueux a été fait
prisonnier et se retrouve dans une sorte de nid d’aigle dont il paraît
difficile de sortir autrement qu’en subissant l’envol final, celui qui
précipite les corps des condamnés sur les rochers, beaucoup plus bas.
L’essentiel du roman nous entretiendra de cela : de
cette détention qui prendra des aspects bien particuliers, dont il convient de
ne pas trop parler ici pour laisser fonctionner l’effet de surprise. Disons
seulement que la très belle Solana a bien des arguments pour troubler Boro, homme
destiné à tomber d’un amour dans l’autre, comme à répétition. Car, tandis que
Boro se morfond dans sa cellule avec un petit espoir d’en sortir (et, dans la
cellule d’à côté, devinez qui on trouve ? Arthur Koestler !), sa
cousine, la très belle, elle aussi, Maryika, amour de jeunesse dont il reste
plus que des traces dans les sentiments partagés entre ces deux personnages, remue
ciel et terre pour retrouver l’homme de sa vie…
Documentées comme seuls les meilleurs romans historiques le
sont, Les Noces de Guernica nous
emportent une fois encore dans des aventures à n’en plus finir, avec, d’ailleurs,
la promesse, reçue avec plaisir, d’épisodes suivants, dès avant le traditionnel
« À suivre » qui clôt l’épisode. Quelques allusions sont faites déjà,
en effet, à ce qui se produira ensuite, au cours de la seconde guerre mondiale,
dans le maquis du Vercors. Il ne faut même pas demander le programme, il nous
est offert, et on est heureux de prendre rendez-vous.
En attendant cette suite, les cinq cent et quelques pages
que voici méritent bien d’être placées sous les yeux gourmands. Elles ont tout
pour séduire les amateurs de grands destins conjugués sur le ton du feuilleton.
On retrouve, comme dans tout feuilleton qui se respecte, des
personnages déjà rencontrés précédemment, mais les auteurs ont soin de résumer
leur parcours, à l’intention des lecteurs qui prendraient le train en marche. De
sorte que chacun, familier ou non de la série en cours, peut trouver ici de
quoi titiller son imagination, sur plusieurs registres qui vont de l’histoire
au roman d’amour, sans négliger un engagement politique qui n’hésite pas à se
faire du bon côté…
Mademoiselle Chat (Franck & Vautrin, 1996)
En 1987, Dan Franck et Jean Vautrin, qui avaient déjà
derrière eux et poursuivent depuis une œuvre personnelle de romancier, se
lançaient dans l’écriture à quatre mains, imaginant un personnage de
reporter-photographe boiteux mais très séduisant, originaire de Hongrie et, à
partir du début des années trente, présent sur tous les terrains de l’actualité
européenne. La dame de Berlin avait
ouvert le bal, puis avaient enchaîné Le
temps des cerises et Les noces de
Guernica. Voici le quatrième volume de ce feuilleton de notre temps, Mademoiselle Chat, toujours aussi
plaisant, plein de rebondissements, d’humour, écrit d’une plume très sûre et
pas du tout à la va-comme-je-te-pousse. Autant dire qu’on ne se lasse pas de
retrouver Boro, de loin en loin, dans sa traversée de l’histoire contemporaine.
La Seconde Guerre mondiale se prépare, mais tout le monde ne
le sait pas encore. Même Boro, comme fatigué de l’actualité après la guerre d’Espagne,
est allé s’égarer en Inde pour un reportage exclusif qui ne donnera pas
vraiment de résultats, sinon par la bande : il a eu accès, par hasard, à
un des secrets les mieux gardés de l’Allemagne, le système de codage Enigma.
« Au début, nous
avons une idée qui tient en un demi-feuillet », explique Dan Franck (tout
seul ce jour-là mais il nous avait averti : Je fais très bien Franck &
Vautrin tout seul, comme Jean, d’ailleurs). « Sur
cette idée de base, l’un des deux se lance. Quand il est fatigué, il passe le
manuscrit à l’autre, qui réécrit un peu le texte et continue. Ainsi de suite
jusqu’à obtenir un gros roman dans lequel chacun essaie d’étonner son premier
lecteur – l’autre auteur. »
Depuis le début de ce grand feuilleton, la technique de
travail n’a pas vraiment varié, mais des habitudes se sont prises, qui aident à
obtenir un résultat plus cohérent. Car Dan Franck et Jean Vautrin n’ont pas
vraiment, dans leurs propres ouvrages, le même type d’écriture, et il faut bien
que se crée un style « Franck & Vautrin », quelque part entre les
deux. « Au début, on essayait de s’imposer
une sorte d’écriture blanche, mais c’était impossible. Il fallait repasser sur
chaque chapitre. Encore maintenant, mais il y a moins de travail d’unification.
On a trouvé un style. En raison de cela, je crois que ce quatrième volume est
un bon Boro. »
Impression confirmée par la lecture, agrémentée de clins d’œil
plus ou moins discrets, comme une rencontre avec d’autres personnages
romanesques, Léa Delmas et François Tavernier (les héros de La bicyclette bleue, de Régine Deforges),
ou le fait de croiser sans cesse, d’une aventure à l’autre, un André Malraux
dont Boro oublie toujours le nom.
Et puis, bien entendu, il y a les péripéties elles-mêmes, enlevées
en chapitres brefs au cours desquels la tension ne se relâche jamais, si bien
qu’on galope à travers ces pages avec le sentiment que ce n’est jamais trop
long, et on en redemande.
Si tout va bien, on en aura encore. Franck Vautrin n’arrêteront
que s’ils s’ennuient, et c’est loin d’être le cas actuellement. Comme ils
avaient le projet de mener Boro jusqu’en 1956, histoire de lui faire retrouver
sa Hongrie natale, en cinq volumes, et qu’après quatre volumes il n’est encore
qu’en 1939, on peut penser qu’il aura encore à vivre bien d’autres événements, pour
notre plus grand plaisir…
Jean Vautrin se souvient qu’il a écrit des romans noirs, très
noirs, et repique au jeu avec un plaisir qu’il nous fait partager en même temps
qu’il perd son prénom. Le roi des ordures
se passe autour des décharges de Mexico, sur lesquelles des familles entières
récupèrent les matériaux les plus divers. Ces activités se déroulent sous l’autorité
toute-puissante d’un roi des ordures, un parrain local au pouvoir absolu, droit
de cuissage compris. Don Rafael Gutierrez Moreno choisit des femmes en échange,
pour leurs familles, d’un droit d’exploitation sur une parcelle. Ce monde est
la parfaite illustration d’une déliquescence sociale née d’une course aux
profits qui annihile tout espoir de sursaut moral.
Il n’est pas de meilleur contexte pour agiter quelques
personnages dans un bocal empli d’eau trouble. Car nul n’est net dans ce sac de
nœuds où s’accumulent les ennuis. D’abord pour le personnage clef du détective :
Harry Whence est arrivé au Mexique parce que, plus au nord, cela sentait
mauvais pour lui. Habité par des pulsions malsaines, il a besoin de changer d’air
régulièrement, mais rien ne s’arrange jamais pour lui. Il n’a guère d’affaires
à traiter, il continue à se jeter comme un damné sur les femmes et la voix
imaginaire de son père mort ne cesse de lui dire qu’il n’arrivera jamais à rien.
Même son modèle, Philip Marlowe, ne peut pas grand-chose pour lui. Harry Whence
est décidément trop nul…
Malgré tout, il se prend parfois d’affection pour un client,
comme ce nain malade dont on a volé la chaise roulante. En authentique héros, qui
joue le rôle de celui qu’il voudrait être en permanence, Whence affronte les
pires ennuis pour parvenir à son but…
Il y a, dans ce roman, des scènes extraordinaires, dignes du
cadre dans lequel elles se déroulent. Voici, par exemple, comment Harry Whence
se défoule parfois à la tequila, dans les moments de tension, avant de relever
quelque défi imbécile à l’issue trop prévisible :
« Un peu de sel, une
rondelle de citron. Sous sa calotte blanche, Tête-de-poivron me regarde boire
le premier verre. Il sait qu’un bronco va entrer dans le corral de mon estomac
et attend de voir monter mes larmes. L’étalon effectue une série de ruades, mais
je garde le cavalier. »
Quelques tequilas plus tard, Harry Whence est prêt à
regarder la mort en face : « Quand
le temps s’accomplit, nous sommes sans défense. »
Harry Whence est un loser magnifique (et non un looser, comme
l’orthographie malheureusement Jean Vautrin). Le temps que nous passons avec
lui est gagné non seulement sur sa mort mais aussi sur la nôtre.
Jean Vautrin a toujours été sensible aux mécanismes de haine
qui, souterrainement, minent notre société. Un
monsieur bien mis, roman très bref, presque un conte – illustré par
lui-même –, relate un moment dans la vie d’une cité pareille à toutes les
autres, où les gens se côtoient, venus d’horizons divers, et constituent des
familles de bric et de broc, des ensembles sans autre intersection qu’une
curiosité malveillante.
Arrive, dans ce jeu déjà complexe, « Un monsieur bien
mis ». Il passait par hasard, sur un quai de la gare locale, et il n’a pas
supporté l’attitude de Locomotive Baba N’Doula, viré depuis six mois mais qui
continue à balayer nonchalamment les quais. L’homme au chapeau noir a mis le
pied sur un tas de poussière, a glissé, a failli tomber, et l’Africain l’a
rattrapé. Le monsieur bien mis est entré dans une colère… noire, l’Africain a
rigolé. Crime contre la France, n’est-ce pas, qui se passerait bien de tous ces
immigrés !
De ce sursaut d’indignation nourri de thèses dignes de
celles du Front national va naître, selon une logique d’autant plus implacable
qu’elle est irréfléchie, un de ces actes inqualifiables comme il s’en commet
discrètement dans des pays développant un phénomène de rejet de l’autre. Jean
Vautrin ne tire pas de conclusion, le lecteur est assez adulte pour le faire
lui-même. Mais, sous le plaisir d’une lecture agréable, quel malaise salutaire !
Il y a chez Jean Vautrin une générosité qui s’étend à toutes
les catégories humaines, sans la moindre restriction. Comme un avocat peut être
amené à défendre l’indéfendable assassin, l’écrivain porte la responsabilité de
donner la parole à ceux qui n’ont pas le droit à la parole. L’homme qui assassinait sa vie est un
roman si bouleversant, si perturbant, que l’auteur s’est senti obligé de le
faire précéder d’un bref avant-propos qu’il est utile de citer en partie avant
d’aller plus loin : « Gigolettes,
rebuts, transfuges, paumés, otages, beurettes, obèses, négros exportés-Boeing, funkies,
junkies, prolos ou petites gens en quête d’un moyen bonheur, j’aime la terre
entière. J’ai peur, je ris, je vomis, je m’éraille, je proteste pour elle. C’est
l’homme qui m’intéresse. Sa noblesse souillée. Sa vérité violée. Sa dignité
détruite. Et aussi ses chemins douloureux. La contradiction de ses pas. Son
devenir incertain. Ses fantasmes, sa fornication, qui le soumettent au troupeau.
Ses gestes qui trahissent ce qu’il enferme dans son cœur. »
Et ce sont des pensées bien sombres qui habitent le cœur de
l’homme au volant d’une Mercedes. Il s’arrête pour tuer, avant de s’arrêter
tout à fait, ceux qui appartenaient au cercle de sa vie. Le malheur profond a
gagné son esprit, il n’en sortira plus – mais les autres ne doivent pas s’en
sortir non plus. Anti-héros par excellence, il n’a plus d’autre but dans la vie
que la destruction, la sienne pour finir.
L’homme qui
assassinait sa vie est une saleté d’histoire. Surtout pour Gus Carapate, détective
privé, qui se trouve embringué dans une sorte de molle complicité dont il ne
peut se défaire. L’empathie qui rapproche les hommes dans la douleur peut ne
pas avoir de limites. Celles qu’on pourrait imaginer sont franchies à toute
berzingue, dans un roman fou qui « s’autoroute » avec le frémissement
du vent et de la peur.
Il pleut beaucoup dans les pages de ce livre. Au cas où on
serait inattentif, Vautrin le répète même trois fois dans la première page, ajoutant
pour faire bonne mesure des filles qui s’abritent sous les porches, un homme
qui s’essuie le visage avec la main et finit par se couvrir la tête de son bras
replié, des hachures de pluie, l’averse, les flaques.
Ça n’a l’air de rien, mais, pour un début de roman noir, c’est
une sacrée manière de façonner le rêve. Un rêve en forme de cauchemar éveillé, et
on n’a pas le droit de dormir. Le récit n’en laisse pas le temps, qui court à
travers les heures et les jours sans désemparer, jusqu’à extinction totale de l’espèce
humaine la plus proche du tueur.
Tel est le climat, et on ne s’étonnera pas de ce que la
dernière phrase est la même que la première : « Il pleut. » Bordeaux et ses environs sont le théâtre d’un
drame dont le lecteur ne se relèvera pas. L’embellie n’est pas annoncée de
sitôt.
Greffées sur le récit principal, d’autres histoires dérapent
sur les bas-côtés. Ce n’est guère plus joyeux. Dans le fatras nauséabond d’un
monde qui se retient à grand-peine de hurler, Vautrin puise à pleines mains et
nous jette au visage les résultats de ses trouvailles. On a envie de lui
demander d’arrêter, et on se presse pourtant de continuer, avec lui, sur les
chemins de cette vie à laquelle nous appartenons, bon gré, mal gré.
Se souvient-on que le même écrivain a publié, il y a une
douzaine d’années, un recueil de nouvelles dont le titre était Dix-huit tentatives pour devenir un saint ?
Nous voici à l’extrême opposé du titre, c’est-à-dire peut-être, sur le cercle
des possibilités réduites offertes à l’homme, au même endroit. C’est sa façon d’embrasser
la totalité des hypothèses, dans une œuvre qui ne laisse pas de marbre et se
distribue, de livre en livre, comme autant de coups de poing destinés à
réveiller les (bonnes) consciences endormies.
Il convient d’être reconnaissant à Vautrin de ne pas
ronronner, comme le font tant d’autres, et de secouer avec fracas les idées
reçues. Si, une fois le roman terminé, on se trouve déçu de l’homme, c’est qu’on
refusait de voir la vérité de celui-ci. La voici en pleine lumière, pour notre
édification personnelle.
Cher Boro (Franck & Vautrin, 2005)
Depuis les débuts de ses aventures, le photographe boiteux d’origine
hongroise auquel Franck et Vautrin ont donné vie il y a bientôt vingt ans est
marqué par la Seconde guerre mondiale. Elle n’était pas commencée dans La dame de Berlin mais Hitler était déjà
un personnage qui allait imprimer sa marque sanglante sur l’époque. Et un
cliché à la sauvette avait fait de Blèmia Borowicz le précurseur des paparazzis
en même temps qu’une vedette dans sa profession.
Ce farouche défenseur des libertés devait, en raison de son
métier autant que de ses convictions personnelles, traverser les grandes pages
historiques de ces années-là : le Front populaire, la guerre d’Espagne et,
bien sûr, celle dans laquelle il se trouve encore en plein pour le sixième
épisode de la série, Cher Boro.
Le 1er janvier 1942, au milieu de la nuit, Boro
est largué d’un avion anglais dans le sud de la France, avec quelques autres
personnes chargées de diverses missions très secrètes. Si secrètes qu’il ne
connaît aucun de ses compagnons, et qu’il ne connaîtra même pas le nom de celle
à côté de qui il atterrit. Pendant tout le roman, au hasard de leurs rencontres
qui déboucheront sur une belle liaison amoureuse, elle sera Bleu Marine, à
cause de la couleur de ses yeux, mais se fera appeler par une multitude de
prénoms, promettant de lui révéler l’authentique le jour où il livrera lui-même
la vérité sur ce qui est arrivé à sa jambe – selon les moments, il imagine des
histoires plus invraisemblables les unes que les autres pour l’expliquer.
Voilà ce qui fait le charme de Boro : les petites
histoires qui tissent une familiarité avec le personnage au fil des épisodes, une
cohérence parfaite dans la désinvolture apparente avec laquelle il traverse les
événements. Ceux-ci tiennent pourtant du tragique puisqu’il est recherché par
des Allemands d’une rare cruauté pour lesquels la torture est un jeu. Auquel
succomberont plusieurs protagonistes de Cher
Boro.
Il est peu probable que nous lisions un nouvel épisode dès l’an
prochain, puisque nos auteurs n’ont jamais mis moins de deux ans à terminer un
volume. Mais Boro reviendra quand même en librairie dès 2006, grâce à Enki
Bilal, qui dessine les couvertures depuis le début et qui reprend la série en
bande dessinée chez Casterman.
Jean Vautrin est depuis
toujours un homme en colère, un rebelle. Il l’est resté. « Je ne suis pas un écrivain convenable », rappelle-t-il,
au cas où nous l’aurions oublié, dans La
vie badaboum. Ce recueil de textes jette quelques coups de projecteur sur
des épisodes de sa vie. La découverte de l’Inde, de la photographie, du cinéma
avec Rossellini. Le roman noir au moment où fleurissait le « néo-polar »
français, en compagnie de Manchette ou d’ADG. L’art de la nouvelle, genre
pratiqué avec bonheur par son maître Raymond Carver. Le goût pour les mots :
« Toujours, il faut que j’aille
fouiller les mots. Que je les détrousse, gratte, repeigne, attise. C’est un
exercice musculaire, presque. Un très puissant bazar. » Rabelais n’est
pas loin, ni Céline, ni Queneau…
Vautrin raconte ses coups de
cœur pour des maisons et les régions où elles sont posées, où il s’est implanté
pleinement avant de migrer ailleurs. Il prouve sa fidélité en amitié, notamment
dans deux très belles lettres à Jean-Paul Kauffmann, du temps de sa détention
au Liban, ou dans un hommage à Yves Gibeau.
Il marche avec le monde, avec
son époque, en élevant la voix quand il le pense nécessaire. Même si « un écrivain est un explorateur, pas
un endoctriné », il dénonce l’ère du fric roi, appelle la jeunesse à
se révolter, plaide en faveur d’une Europe culturelle plutôt qu’économique. Il
ne supporte définitivement pas les inégalités, les injustices. Et, tout aussi
définitivement, il tend la main, dans un mouvement spontané qui n’a pas besoin
d’être justifié, aux faibles, aux démunis.
Jean Vautrin serait un
magnifique personnage de roman. Cet autoportrait éclaté en dessine les grands
traits. Les détails complémentaires sont à imaginer à travers ce qu’il a écrit,
à puiser dans les vies imaginaires proposées par ses fictions.
Précisément, en voici
quelques-unes dans Maîtresse Kristal et
autres bris de guerre. Ce recueil de nouvelles, un des trois livres publiés
par l’auteur en ce début d’année très faste, est animé par une autre de ses
détestations capitales : la guerre. « Ce
qui compte à mes yeux / C’est qu’on a eu tort de la faire », écrit-il.
Toujours et partout. Lui qui a « joué,
tendre enfant, sur la tombe du uhlan de la mort et du cuirassier français qui s’étaient
mutuellement embrochés au milieu des sépultures et reposent désormais côte à
côte », ne s’est jamais remis de la violence des hommes. Ne s’est
jamais remis d’avoir filmé, alors qu’il était « griveton » (simple
soldat) en Algérie, le premier essai nucléaire français.
Alors, il raconte, dans Maîtresse Kristal, comment le jeune Ali
Bouchaieb, treize ans, fils de harki, décide de changer le cours de son
existence. Ali a pris le revolver de son père, qui a pris l’habitude de frapper
sa mère. Ali braque une femme dans la rue. Il ne lui fait même pas peur. Madame
Ben Bouzrara, réputée riche en raison de sa profession – elle est prostituée –,
l’invite chez elle, le séduit, lui raconte la Maîtresse Kristal qu’elle fut, dans
une autre vie. La guerre qui grondait dans la tête d’Ali se défait sur les
draps trempés par l’amour…
Ailleurs, les morts d’un
cimetière militaire se rebiffent. L’armistice de 1918 est annoncé avec bonne
humeur par le frère du chauffeur d’un général, qui a transmis la nouvelle avant
son officialisation. Mais la bonne humeur ne dure pas : Poupette, la femme
du chauffeur, retourne dans les bras de son mari et une belle aventure
amoureuse se termine.
Jean Vautrin souffle le chaud et le froid. Ne fournit pas
toutes les explications. Les situations sont assez claires pour amener le
lecteur à se poser les bonnes questions, et à y répondre pour lui-même. Ce qui
fait bouger le cœur des hommes est, au fond, universel. Les guerres et leurs
conséquences exacerbent partout le désir et les sentiments, quand elles ne
provoquent pas un abattement duquel il est difficile de se relever. Le chaud et
le froid… Côté température, l’écrivain possède un thermomètre d’une rare
précision. On aura compris qu’il ne mesure pas en degrés, mais en unités
beaucoup plus sensibles, enfouies dans l’intimité de chacun.
D’une dame à une autre, de La dame de Berlin qui ouvrait le cycle à La dame de Jérusalem qui le prolonge aujourd’hui après six autres
volumes, Boro, intermittent de l’amour et permanent de la photographie, a
traversé bien des guerres. En reporter chasseur d’images inédites, son
enthousiasme reste pourtant entier. Quand il reçoit un coup de téléphone
anonyme lui demandant d’être à Jérusalem le 22 juillet 1946, Boro saute
dans un avion sans savoir ce que cela lui réserve. Il n’aura pas à le regretter :
à midi vingt, l’hôtel King David, qui abrite le commandement britannique en
Palestine et devant lequel il se trouve, explose. Un nouveau scoop pour la
presse internationale. Et le premier moment fort d’un roman où s’en annoncent
beaucoup d’autres. Sans oublier la rencontre avec Lika, qui lui avait fixé le
mystérieux rendez-vous.
La suite, au fil d’événements qui appartiennent aux manuels
d’histoire mais sont envisagés ici comme de l’actualité très brûlante, conduira
Boro à s’intéresser de près à ce bout de territoire très convoité. L’occupation
britannique et ses excès – avec un deuxième séjour en prison pour le
photographe, qui avait déjà goûté des geôles espagnoles. Les voyages
clandestins des survivants juifs aux camps de la mort. La tension croissante
entre Arabes et nouveaux occupants. Les enjeux politiques de la reconnaissance
d’un nouveau pays qui n’a pas encore de nom – Israël ou Sion ? La guerre
qu’il faut préparer…
La documentation, abondante et précise comme de coutume, n’empiète
pas sur le caractère éminemment romanesque d’une vie privée agitée. Boro et les
femmes, c’est à chaque fois un nouveau chapitre ouvert sur de nombreuses
possibilités. Outre Lika, déjà signalée, il y aura aussi et surtout Sasha, une
jeune médecin qu’il se décidera à aimer pour toujours – mais pas toujours. D’émouvantes
retrouvailles avec sa cousine Maryika se produisent à New York, où il est enfin
obligé de reconnaître que Sean, le fils de son amour d’enfance, est aussi le
sien. Et non celui de Dimitri, son presque frère, lui aussi passé dans la vie
de Maryika. Dimitri qui meurt au combat, après que Boro s’est en outre trouvé
un oncle dont il ignorait tout, mais qui savait tout de lui. C’est beaucoup d’émotions
pour un seul homme.
Mais quel homme ! Un héros digne des grands feuilletons
du dix-neuvième siècle, qui parcourt les champs de bataille avec sa canne et
son Leica. Quand il revient à Paris et retrouve les complices de l’agence qu’il
a fondée, il sait aussi faire la fête et briser d’un bon mot quelque tension
naissante.
Entre-temps, nous aurons eu droit à quelques nouvelles
versions de l’origine de sa claudication. A de mémorables coups de gueule. A
des scènes de bravoure que Franck et Vautrin alignent avec générosité.
Le roman populaire, quand il est de cette qualité, a
toujours raison. Il nous emporte avec ses personnages dans des remous
incessants et lève toutes les réticences que l’on pourrait avoir sur un genre
que l’on dit, à tort, dépassé.
Jean Vautrin a mis en route un sacré feuilleton en 2004
quand il s’est mis en tête de suivre la vie de Quatre soldats français, titre d’un ensemble qu’il a découpé en
autant d’épisodes que de personnages : Adieu
la vie, adieu l’amour, le premier, campait le décor des tranchées en 1917
du côté du Chemin des Dames ; La
femme au gant rouge, sans oublier la boucherie de la guerre, retrouvait la
frénésie parisienne ; La grande
zigouille, fin 1917, était marquée par le complot des quatre personnages
principaux, que l’on retrouve aujourd’hui, après l’armistice, rendus à la vie
civile et poursuivis par leurs fantômes dans Les années Faribole, ultime livraison du cycle.
Une fois n’est pas coutume, il faut dire un mot des
couvertures de cette série. Jacques Tardi y pose son empreinte en familier de
la Grande Guerre dont il a plusieurs fois peint l’horreur, en familier aussi de
Jean Vautrin, dont il a adapté Le cri du
peuple, roman situé à l’époque de la Commune de Paris en 1971.
Revenons à nos quatre soldats, aussi dissemblables que
possible, dont le groupe constitué par le hasard symbolise le rapprochement, sur
le front, d’êtres peu faits pour se rassembler. Ceux-ci, pourtant, se donneront
rendez-vous chaque 1er janvier, à partir de 1920 (le temps
nécessaire pour se remettre des combats) chez l’un d’entre eux, le plus apte à
recevoir fastueusement ses compagnons d’armes. Raoul Montech, propriétaire de
prestigieux vignobles, éleveur de Sauternes, accueillera donc les trois autres :
Guy Maupetit, dit Ramier, « l’ouvrier,
le rêveur, le libertaire », Boris Malinowitch Korodine, « l’émigré russe, le bohème, le bon
géant de Vilnius, le peintre de Montmartre, le chantre du cubisme » et
Arnaud de Tincry, « le séduisant
aristocrate lorrain, le gentleman cambrioleur ».
Ensemble, ils ont assassiné le colonel Hubert Rémuzat de
Vaubrémont dont l’autorité bornée devenait criminelle. Ensemble, ils ont gardé
secret cet acte qui leur vaudrait à coup sûr la cour martiale, mais Alphonse
Charpaillez les soupçonne et les traque. Caporal, il était déjà à l’affût de
tous les renseignements qu’il pouvait glaner ci ou là. Entré dans la police
après la fin de la guerre, il poursuit son œuvre en marge de ses enquêtes
officielles et devient l’auteur de menaçantes lettres anonymes que Tardi a
placé au premier plan sur la couverture…
Jean Vautrin était comme chez lui quand il pataugeait dans
la boue des tranchées. Un dernier épisode le rappelle d’ailleurs au début du
livre. Mais il s’agit cette fois de fraternisation entre les ennemis d’hier. Le
romancier est comme chez lui dans la salle où Fariba Faribole danse presque nue,
ou dans les vignes du Sauternais, ou dans la belle affaire de cambriole montée
par Tincry avec ses complices – parmi lesquels le formidable Désiré
Marie-Joseph Benkélélé, autoproclamé ambassadeur des Grands Lacs, et remplaçant
du quatrième soldat le 1er janvier 1920, pour des raisons très
légitimes qu’il faudra découvrir.
Car tout s’explique au fil de l’écriture torrentueuse de
Jean Vautrin, une sorte d’Alexandre Dumas qui aurait lu Louis-Ferdinand Céline.
Du premier, il adopte le sens d’un récit au cours duquel il tire son lecteur
par la manche. Du second, il a la respiration haletante, le rythme haché. Ajoutons
qu’il ne déteste pas teinter sa langue d’un argot d’époque, que les scènes sur
le vif rappellent ses années de cinéaste et qu’il semble vraiment heureux de
tirer les fils de ces quatre destins croisés. De la même manière qu’on est
heureux de le suivre dans le dédale luxurieux qu’il a organisé.
Jean Vautrin, animé par une noble cause, prête sa plume à
Cornélius Runkele, un jeune gitan que la société place sur de mauvais rails. On
aurait aimé applaudir sans réserve. La langue, inspirée d’un argot qui aurait convenu
il y a un demi-siècle à un roman noir, l’interdit. Il est difficile de croire à
la manière dont s’exprime Cornelius et, par conséquent, le personnage perd l’essentiel
de ce qui aurait pu être sa consistance. Dommage.