lundi 22 août 2016

Vivre, chanter et mourir

Super Mama Djombo est un groupe de Guinée-Bissau dont les grandes heures de gloire remontent à la fin des années 70. Les membres de la formation originelle ont connu des destins divers, deux sont morts, plusieurs sont installés à l’étranger – dont deux à Bruxelles. Il est bon de savoir que Sylvain Prudhomme s’est inspiré de la réalité dans Les grands. La piste musicale n’est pas sans intérêt. On pourrait cependant la négliger : le roman tient aussi très bien tout seul, en l’absence de ces références.
Couto, placé au centre du récit, est d’ailleurs un membre imaginaire du groupe. (Et probablement ne porte-t-il pas par hasard le nom d’un grand écrivain africain lusophone.) Il apprend, on est dans la fiction, la mort de Dulce, son ancienne compagne et chanteuse du groupe avant d’épouser un général qui est l’homme fort d’un coup d’Etat en préparation. Le même soir, Super Mama Djombo doit donner un concert. On l’annule en mémoire de Dulce ou, au contraire, on donne le meilleur en son hommage ? Ce sera au moment où, toute la ville bruisse de cette rumeur persistante, le général lancera ses hommes armés pour prendre le pouvoir et rompre le cercle vertueux des élections en cours…
Toute la journée, Couto traîne sa misère, ses souvenirs et ses questions. La ville apprend la mort de Dulce, ceux qu’il rencontre ne lui parlent que de cela, même un groupe de jeunes rappeurs qui se produit aussi le soir. Les craintes liées à l’agitation à venir se dissolvent dans l’alcool. Le corps d’Esperança, sa jeune compagne d’aujourd’hui, diffuse du plaisir. Mais Couto est égaré entre le passé et le présent, le succès populaire de chansons qui ont accompagné les soubresauts de son pays et ce soir encore, comme si la vie, l’amour, la politique n’étaient que recommencements.
Empli de présences fortes et de débats avortés, le roman de Sylvain Prudhomme se tient prudemment à l’écart de tout exotisme et nous transporte, par la magie de son écriture, en un lieu où l’on vit, chante et meurt.

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