Dans le précédent roman de J.M. Erre, la fin du monde avait
du retard. Mais la fin du monde se joue à chaque page de cet étrange écrivain.
La fin du monde tel que nous le connaissons, du moins, car Erre détourne, avec
autant d’application que de talent, les codes selon lesquels fonctionnent nos
cerveaux imprégnés de séries B en tous genres – il a écrit un Série Z qui portait bien son titre. Avec
Le grand n’importe quoi, il lorgne du
côté de l’anticipation, de la science-fiction sans la science, quoique…
Nous sommes le 7 juin 2042, qui serait un soir comme un
autre si Alain Delon, fondateur des Homonymes Anonymes, ne l’avait choisi pour
se pendre. Il a tout raté dans sa vie, il compte réussir son suicide. Puisque
cela se produit dans les premières pages, nous pouvons vous le dire :
c’est un modèle du genre, le nœud coulant était parfait. Du coup, Alain Delon,
passionné par la vie extraterrestre à la recherche de laquelle il a consacré
son existence, manque la rencontre du troisième type qui s’offrait à lui au
moment où il n’arrivait plus à respirer. Difficile d’avoir le beurre et
l’argent du beurre (on s’arrêtera là pour l’instant).
Il y a trop d’humains sur la planète, sans compter les
extraterrestres, pour les suivre tous au cours d’une soirée qui, décidément, ne
sera pas comme les autres. On en suit quand même un certain nombre, voire un
nombre certain. Le casting a prévu d’autres Homonymes Anonymes. L’imaginaire galope,
toutes les collisions sont possibles, et on n’oubliera pas l’hypothèse d’une
fin du monde. En attendant, il y a trois cents pages à traverser, en un temps
ramassé : il est 20 h 42 quand Arthur, épuisé par les conneries qu’il a pu
faire ou voir et leurs conséquences, car il s’est déjà passé pas mal de choses
étranges, trouve l’enseigne d’un bar qui semble accueillant malgré son
nom : Le Dernier Bistrot avant la
fin du monde. Mais on ne va pas en faire une obsession…
Il sera plusieurs fois 20 h 42 ce soir-là, ce qui ne tombe
pas si mal puisque c’est l’heure du « Pas Très Normal Show » à la
télé, le moment dont profite Angelina Poyotte, maire de Gourdiflot-le-Bombé où
se passe l’essentiel du roman (si l’on fait abstraction de quelques incursions
hors du système solaire), pour préparer quelques surprises à ses administrés.
Leur pourrir la vie, en somme, assez pour qu’ils ressentent, en découvrant par
exemple que leurs nains de jardin ont été déplacés, la nécessité d’être dirigés
par une femme comme elle. Côté jour, pas côté nuit, bien entendu.
Des intrigues inracontables se trament, que pourtant le
romancier raconte très bien, probablement parce que l’improbabilité est une
science inexacte qu’il maîtrise avec un humour constant et une effrayante
précision. Il est donc 20 h 42, rien n’est encore arrivé, il est déjà arrivé un
gros paquet d’événements. Et ce n’est pas fini, le temps s’écoule,
contrairement aux apparences.
Un roman à consommer, cependant, avec modération : le fou-rire est parfois mortel.
Un roman à consommer, cependant, avec modération : le fou-rire est parfois mortel.
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