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lundi 25 mars 2013

Cette semaine en librairie : Tom Wolfe et Jean-Noël Schifano

Très attendu, salué par un long entretien dans Libération samedi, le nouveau roman de Tom Wolfe est au programme de la semaine. Mais pas que.

Tête de gondole

Tom Wolfe, Bloody Miami

Portée par une prose électrique, cette grande fresque en 3D de la vie à Miami est un miroir de l'Amérique des années 2010, comme le fut pour les années 1990 le New York du Bûcher des vanités
Brillant, culotté, à l'humour corrosif: un Tom Wolfe très grand cru.

«Une invasion armée, c'est une chose, évidemment. Mais Miami est la seule ville d'Amérique – et même du monde, à ma connaissance – ou une population venue d'un pays étranger, dotée d'une langue et d'une culture étrangères, a immigré et établi sa domination en l'espace d'une génération à peine – par la voie des urnes. Je veux parler des Cubains de Miami. Dès que j'ai pris conscience de cette réalité, j'ai trépigné d'impatience: il fallait que j'y aille. C'est ainsi que j'ai passé deux ans et demi dans la mêlée, en plein coeur de l'immense foire d'empoigne qu'est Miami. Il faut le voir pour le croire; ou bien (oserais-je le suggérer?) le lire dans Bloody Miami. Dans ce livre – ou il n'est pas question d'hémoglobine, mais de lignées –, Nestor, un policier cubain de vingt-six ans, se retrouve exilé par son propre peuple de la ville d'Hialeah, la véritable «Little Havana» de Miami, pour avoir sauvé de la noyade un misérable émigrant clandestin de La Havane; Magdalena, sa ravissante petite amie de vingt-quatre ans, leur tourne le dos, à Hialeah et à lui, pour des horizons plus glamour en devenant la maîtresse d'abord d'un psychiatre, star des plateaux télé et spécialiste de l'addiction à la pornographie, puis d'un «oligarque» russe dont le plus grand titre de gloire est d'avoir donné son nom au Musée des beaux-arts de Miami (en lui vendant des faux pour soixante-dix millions de dollars...); un professeur haïtien risque la ruine pour que ses enfants mulâtres soient pris pour des Blancs; un chef de la police noir décide qu'il en a assez de servir d'alibi à la politique raciale du maire cubain; le rédacteur en chef WASP de l'unique quotidien anglophone encore publié à Miami, certes diplômé de Yale mais qui ne comprend rien aux contradictions intrinsèques et complètement cinglées de cette ville, meurt de peur de perdre sa place – et ses privilèges; tandis que son jeune reporter vedette, également sorti de Yale – mais qui, lui, a tout compris –, s'échine (avec succès et avec l'aide de Nestor, notre jeune policier cubain) à traquer le scoop qui lui permettra de se faire une place à la hauteur de son ambition... et je n'évoque là que neuf des personnages de Bloody Miami, qui couvre tout le spectre social de cette mégapole multiethnique. J'espère qu'ils vous plairont. C'est un roman, mais je ne peux m'empêcher de me poser cette question: et si nous étions en train d'y contempler l'aurore de l'avenir de l'Amérique?»
Tom Wolfe

Fondateur du «nouveau journalisme» dans les années 1960-1970, auteur d'une quinzaine de livres, immense romancier depuis le succès planétaire du Bûcher des vanités, Tom Wolfe est une grande voix de la littérature contemporaine, qui ne cesse de s'amuser de son rôle de «poil à gratter du monde littéraire américain». En France, ses romans, dont Un homme, un vrai et Moi, Charlotte Simmons, sont publiés chez Robert Laffont, dans la collection «Pavillons».
Son site Internet : www.tomwolfe.com.

A voir de près,
et même de très près

Jean-Noël Schifano, E.M. ou La Divine Barbare
Rome, novembre 1984-novembre 1985. 
Peut-on tout se dire, dans la tendresse amoureuse qui, quelques jours durant, laisse à découvert les secrets les mieux gardés de deux vies, en miroir l’une de l’autre? Tomber les masques, au vrai plus que Rousseau, plus que Lamiel, plus que Leiris, même? 
Le jeu secret quand la vie et l’amour ne tiennent qu’à un fil: aveu contre aveu. 
Que se passe-t-il d’essentiel entre Elisa, l’immense écrivain, qui survit un peu de temps encore à son suicide, et son traducteur, Giannatale, qui désire, après l’œuvre, traduire la plus voilée des vies?... 
Il y a deux amours fusionnels dans ce petit livre, mots et chairs, qui se passent entre deux chambres, et se poursuivent au cœur des milliers de pages écrites par Elisa. Éphémère, l’amour de Giannatale avec Polina. Éternel, l’amour pour Elisa. Tous deux partagés à la passion. Il y a le jeu jusqu’à la mort des vérités enfin dites.

vendredi 5 mars 2010

Foire du Livre : les dix ans de Continents Noirs

Écrivain résolument baroque, longtemps ancré sur les terres napolitaines, traducteur (entre autres) d'Umberto Eco, Jean-Noël Schifano a pris un virage fondamental il y a dix ans, quand il est devenu le directeur d'une nouvelle collection chez Gallimard, «Continents Noirs». En ce début 2010, il fête avec gourmandise l'anniversaire de cet espace où se sont révélés déjà bien des écrivains.
Conversation par email, tenue quelques jours avant son passage à la Foire du Livre de Bruxelles aujourd'hui...

Dans la préparation du lancement de «Continents Noirs», il y a donc un peu plus de dix ans, vous étiez-vous fixé une ligne éditoriale claire ?

À raison d'environ sept livres par an, toute forme d'expression littéraire - je dis bien littéraire: ce qui se fait rare de nos jours, - roman, nouvelles, poésie, essais, quelle que fût la langue. Bref, une exigence toujours plus exigeante, si je peux dire, de qualité créatrice sans que nulle sorte de censure, même commerciale, intervienne. Un lieu de liberté où les écritures africaines, afro-européennes et diasporiques puissent exprimer le meilleur de la plus jeune littérature du monde. Les cinq derniers ouvrages publiés en janvier 2010 en témoignent - mais aussi ces dix années de publication...

Êtes-vous particulièrement fier d’avoir publié certains écrivains? Ce qui ne signifie pas que vous reniiez les autres…

De José Eduardo Agualusa (écrivain angolais traduit pour la première fois en français dans «Continents Noirs») à Abdourahman A. Waberi qui a voulu passer dans «Continents Noirs» avec deux ouvrages remarquables, en attendant le troisième promis, je ne peux qu'être fier d'avoir été choisi comme éditeur par tant d'écrivains qui avaient besoin d'une renaissance ou, tout simplement, de naître aux joies et aux tourments de la publication. J'ai publié les premiers livres d'un bon nombre d'écrivains qu'on admire et qui ont leur place dans l'histoire littéraire des cinq continents: Fabienne Kanor, Théo Ananissoh, Nathacha Appanah, Ousmane Diarra, Libar M. Fofana, Scholastique Mukasonga, Antoine Matha, Donato Ndongo ( écrivain de Guinée-Equatoriale pour la première fois traduit de l'espagnol), Amal Sewtohul, et bien d'autres qui attendent de voir le jour d'ici quelques mois...
Pour les dix ans de «Continents Noirs», les témoignages de reconnaissance des écrivains ont été émouvants, y compris ceux qui ont, pour diverses raisons, comme cela se passe dans toutes les maisons d'édition et dans toutes les collections, quitté «Continents Noirs»: Nathacha Appanah m'a téléphoné de Mayotte, Sylvie Kandé (dont j'attends un manuscrit) de New York, Jean-Luc Raharimanana (admirable compagnon de route) me dit "cette formidable aventure de «Continents Noirs»"... Ananda Devi m'écrit: "je n'oublierai jamais combien les choses ont changé pour moi depuis mon passage chez «Continents Noirs»..."

Quand Ananda Devi, par exemple, pour reparler d'elle, passe de «Continents Noirs» à la «Blanche», avez-vous le sentiment d’une perte ou d’une consécration ?

J'ai été l'éditeur d'Ananda Devi pour quatre livres - et quels!... -, parmi eux, ce chef-d'œuvre absolu, réédité ces jours-ci: La vie de Joséphin le fou. Quatre livres dans «Continents Noirs» et puis, alors qu'Ananda était sur le point de signer à l'Olivier, je l'ai accompagnée, toujours avec le sigle fondamental de NRF sur la couverture, dans la «Blanche» où j'ai continué d'être son éditeur pour ses deux ouvrages suivants... Editer six grands livres d'un auteur, c'est, avec lui ou elle, un déjà très beau parcours, et je ne vois pas de promotion littéraire d'une collection à l'autre quand on est sous le signe permanent NRF Gallimard...
Dans «Continents Noirs» - au pluriel -, il y a un mouvement - un mouvement littéraire - une vraie dynamique. Les auteurs que je choisis - et qui me choisissent - pour un ou dix livres, sont sans compromis en littérature. Pas d'autocensure, pas de literary correct, chacun, chacune, va jusqu'au bout de lui-même, de la société, du monde... L'écrivain compromis reste dans un juste milieu conventionnel, écrit ce que le public et, souvent, son éditeur attendent de lui, comme une politesse bien huilée dans un salon... L'écrivain-courtisan, quel que soit son continent d'origine, tient le haut du pavé en France. L'ange gardien du conformisme règne sur les littératures du compromis qui sont, n'en doutons pas, les plus applaudies de l'establishment. Le compromis littéraire donne une littérature fossilisée à peine née... Prenez ces deux écrivains - qui ont tous deux voulu publier dans «Continents Noirs»: l'un des deux, je l'ai accueilli bras ouvert avec une admiration sans bornes, c'est l'un des plus grands de sa génération; l'autre me proposait un manuscrit inabouti malgré le travail sur l'écriture que je demandais à l'auteur. Bref, Alain Mabanckou occupe l'espace médiatique, quand Sami Tchak, depuis Place des Fêtes («Continents Noirs» NRF Gallimard), occupe l'espace littéraire.

P.S. Un autre pan de cet entretien est publié aujourd'hui dans Le Soir.