Affichage des articles dont le libellé est Jean Rolin. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Jean Rolin. Afficher tous les articles

samedi 23 novembre 2019

L’ornithologie, c’est la guerre

Les livres de Jean Rolin, souvent, nous prennent par surprise. Même et peut-être surtout quand le titre est explicite. Le traquet kurde, par exemple. N’importe quelle encyclopédie, au hasard, Wikipédia, fournira la liste de tous les traquets, du traquet motteux au traquet de Perse, en passant par le traquet à tête grise et celui à queue noire. Les Œnanthes, si l’on préfère le nom scientifique. Encore le traquet kurde (ou Œnanthe xanthoprymna, au choix) n’est-il pas le mieux documenté puisqu’il n’a pas droit à sa page personnelle. Jean Rolin devait le savoir puisqu’il fournit, au début de son ouvrage, un superbe dessin de l’oiseau – car, oui, nous ne l’avions pas encore dit, il s’agit d’un oiseau – dû à Brian Small. Il précisera, un peu plus tard, le poids de l’animal, de 20 à 25 grammes, dont l’image ne permet pas une estimation.
Voici donc le personnage principal. Moins connu que Britney Spears, certes, dont l’absence illuminait les pages du Ravissement de Britney Spears. Mais pourquoi pas cet oiseau puisque Jean Rolin a forcément les moyens romanesque de l’utiliser pour nous séduire ?
Le narrateur, dans les premières lignes, se trouve devant « une jonchée de petits oiseaux morts, inodores, vidés de leurs entrailles et bourrés de coton, les yeux blancs, les couleurs de leur plumage un peu ternies, sans doute, mais pas au point que l’on ne puisse reconnaître dans ces dépouilles les choses vivantes qu’elles ont été. » Quelle apocalypse est-ce là ? Pas du tout : nous sommes au Bird Room du Museum britannique d’histoire naturelle, où les oiseaux morts sont étiquetés avec soin. Parmi les informations portées sur l’étiquette, le lieu de la collecte et le nom de la personne qui a trouvé l’oiseau. Sur les quatorze traquets kurdes rangés là, cinq sont attribués au colonel Richard Meinertzhagen. Il ne sera pas, dans cette histoire, le gentil ornithologue de service : très vite, ses actes sont qualifiés de « méfaits » et, quelques lignes plus loin, le voici convaincu de vol dans la salle où nous nous trouvons.
La guerre entre scientifiques, ce n’est pas nouveau. Plusieurs d’entre elles ont nourri la littérature de sujets saignants où l’ambition humaine fait fi de la rigueur supposée régner dans ce milieu. Il ne manque pas non plus de goût pour la victoire chez certains ornithologues, et ce Meinertzhagen, un sale bonhomme au fond, est capable de toutes les traîtrises pour mettre son nom à côté d’un ridicule petit piaf – mais assez rare pour provoquer le désir singulier d’hommes passionnés par les oiseaux et par la gloire.
Dans ce qui devient une véritable enquête, le narrateur, c’est-à-dire à coup sûr Jean Rolin lui-même, part sur le terrain, se livre à des observations au cours desquelles l’inattendu n’est jamais à exclure. Ou le prévisible : quand on se promène près de la frontière kurde, dans des paysages occupés par les combattants du PKK, une paire de jumelles peut être considérée comme l’outil d’un espion plutôt que d’un ornithologue amateur… Ils sont ainsi, les inconscients : ils prennent des risques inconsidérés pour… pour quoi, au fond ? Observer un traquet kurde, ou écrire quelques pages de haute volée ?
Les deux vont de pair, comme vont de pair, souvent, dans le récit de temps plus éloignés, toujours à propos des oiseaux, la traque d’une espèce peu commune et des activités moins licites liées aux intérêts de pays curieux d’en savoir plus sur des territoires à surveiller. Voilà pourquoi le détestable Meinertzhagen croise le célèbre Lawrence d’Arabie, qu’il prétend avoir fessé dans le couloir d’un hôtel. T.E. Lawrence lui rendra d’ailleurs cette fessée en décrivant Meinertzhagen qui prend le même plaisir à « tromper son ennemi [ou son ami] par quelque astuce peu scrupuleuse qu’à défoncer un à un, dans un coin, les crânes d’une troupe d’Allemands, avec son casse-tête africain ».
L’ornithologie passait pour une passion calme ? Jean Rolin nous détrompe avec virtuosité.

lundi 28 janvier 2019

Les vagabondages de Jean Rolin


Peleliu, le nom vous est probablement inconnu à moins de vous être intéressé de près à la guerre américano-japonaise du Pacifique. Une carte de cette île peu étendue, appartenant aujourd’hui aux Palaos, est fournie au début du livre. Quant à la situer en Micronésie, à l’est des Philippines et au nord de l’Indonésie, voilà qui exige une brève recherche… ou la lecture de Peleliu.
Jean Rolin nous plonge dans le tourbillon historique d’un point géographique, en prenant appui sur « la mort mystérieuse de Pete Ellis, survenue en 1923 à Koror, capitale de l’archipel des Palaos ». Un ivrogne de grande envergure, ce Pete Ellis, qui est néanmoins chargé, sous couvert de démarches commerciales, d’une mission d’espionnage militaire : « étudier les dispositions prises par les Japonais dans les îles du Pacifique qu’ils ont soustraites aux Allemands dès 1914 ». L’excès de boisson et le secret étant peu compatibles, Jean Rolin craint que l’envoyé discret ait livré des détails de sa mission à des compagnons de beuverie…
Avec un luxe de détails dans lesquels les faits avérés et les hypothèses se côtoient sans jamais se mélanger, l’écrivain pose les bases de son enquête. Une partie dans les livres écrits à l’occasion de la bataille de Peleliu, une autre partie, la meilleure, dans ses pérégrinations cyclistes, ou pédestres en cas de crevaison.
Comme souvent, il observe tout de biais, s’intéresse aux poules, aux crabes, fait un détour par William Styron. On se balade avec lui en se demandant ce que deviendront des chiots abandonnés.
Sans avoir jamais mis les pieds sur Peleliu, la petite île nous devient familière, voire attachante.

lundi 25 avril 2016

Jean Rolin et la guerre civile française

La France est en guerre intérieure dans Les Evénements. La FINUF – Force d’Interposition des Nations Unies en France – est impuissante à maîtriser un conflit où les belligérants nouent des alliances éphémères. Le narrateur, qui quitte Paris en direction du sud, traverse des zones marquées par les combats. Ici des débris, là des cadavres. Dans le passé, il a connu Brennecke, devenu colonel et chef d’un mouvement en lutte. Mais tout est loin, même les événements du présent qui, à ses yeux comme aux nôtres, restent assez opaques. Ce qui n’empêche pas d’en suivre le mouvement avec une passion suscitée par la fine ironie de Jean Rolin.
On a l’impression que vous allez où vous pousse le vent… Quel vent vous a-t-il poussé vers cette France en guerre civile ?
Oui, habituellement, je vais un peu où le vent me pousse, mais dans le cas des Evénements il s’agit d’un projet fort ancien – déjà esquissé dans un texte (Cherbourg-Est/Cherbourg-Ouest) publié à la fin du siècle dernier – et qui résultait de l’impression, ou de l’une des impressions, retirée de la guerre dans l’ex-Yougoslavie. A savoir que la guerre pouvait aussi survenir, et presque sans crier gare, dans un pays proche du nôtre non seulement géographiquement mais surtout humainement, culturellement, etc. En somme, en Yougoslavie, comme aujourd’hui en Ukraine, la guerre perdait le caractère exotique auquel nous nous étions habitués pour se rapprocher de la maison (par où elle était déjà passée, d’ailleurs, à maintes reprises auparavant).
Beaucoup de vos livres se situent entre la fiction et le récit. Cette fois, l’imaginaire semble avoir pris complètement le pouvoir…
Certes, il s’agit cette fois d’une fiction, mais d’une fiction documentaire, en quelque sorte, et d’un récit inspiré par un réel décalé, ou transposé, tel que l’ont éprouvé récemment, j’y reviens, des pays très semblables au nôtre. Il est probable (et évidemment souhaitable…) que jamais de tels événements ne se produiront en France, mais il me semble (car on ne sait jamais très bien pourquoi on écrit telle chose plutôt que telle autre) que j’aie également voulu signifier qu’il n’en faudrait pas tant – parce que sont déjà réunies certaines des conditions propices à leur surgissement – pour qu’ils se produisent malgré tout.
Quel sens donnez-vous au titre, Les Evénements ?
Le titre reprend la terminologie officielle s’agissant d’une guerre non-déclarée et non-assumée – « les événements d’Algérie » –, ou d’un phénomène socio-politique si étrange et si imprévisible qu’on ne sait comment le désigner : « les événements de Mai 68 ». Mais je pensais plutôt au précédent de la guerre d’Algérie…
Vous fournissez de nombreux détails géographiques. Dans quel but ?
Les détails géographiques et toponymiques me semblent nécessaires pour que le lecteur se représente les lieux que j’évoque – et d’autant plus qu’ils existent réellement –, et aussi pour ménager un effet supplémentaire d’étrangeté (de familière étrangeté). Car si c’est une chose d’imaginer une guerre civile en France, ç’en est encore une autre, plus choquante, et plus burlesque aussi, d’imaginer qu’elle implique des lieux aussi précis, et aussi insignifiants, ou du moins aussi éloignés de toute idée de violence guerrière, que le trottoir de gauche du cours Sablon ou le confluent du Langouyrou et de l’Allier.
Par ailleurs je suis toujours très soucieux de détails, et d’exactitude dans la description des lieux ou des objets, par goût des nomenclatures, sans doute, mais aussi, me semble-t-il, par égard pour le lecteur, voire pour les lieux ou les objets décrits.

lundi 20 avril 2015

Jean Rolin, romancier géographe

Jean Rolin observe le monde sous plusieurs angles simultanément. Il est un géographe transversal, comme dans Un chien mort après lui, ou il pratique l’épuisement d’un lieu, presque à la Georges Perec – Los Angeles dans Le ravissement de Britney Spears. L’espace et le temps se confondent en un voyage (L’explosion de la durite) ou dans la préparation du voyage (Terminal frigo). Il construit, entre récit et roman, une œuvre caractérisée aussi par l’extrême précision de son écriture.
Ormuz est un de ses meilleurs livres. Le nom du détroit, par lequel transitent « environ 30 % de la production mondiale d’hydrocarbures, ou plus précisément de la part de celle-ci qui est acheminée par la voie maritime », fournit la donnée géographique. Et même, dans ce cas, géostratégique, comme le prouvent les manœuvres d’intimidation presque incessantes auxquelles assisteront les deux personnages principaux, à travers un jeu de « guerre navale asymétrique » entre, pour le dire vite, l’Iran et les Etats-Unis. Le prétexte romanesque est fourni par Wax, qui n’est plus de première jeunesse mais qui s’est mis en tête de traverser le détroit à la nage. Pas sûr qu’il en soit capable physiquement, moins sûr encore qu’il soit possible de lever les multiples obstacles diplomatiques qui s’opposent à son projet. Inutile d’ailleurs d’installer l’artifice d’un suspens qui n’existe pas, annulé dès les premiers mots : « Après sa disparition, je me suis introduit dans la chambre de Wax à l’hôtel Atilar afin d’y inventorier ses affaires. » C’est dit, l’affaire est mal barrée…
Plutôt que Wax, voué à la disparition, bien que le doute revienne à la fin, c’est le narrateur qui retient toute l’attention. Chargé d’aplanir quelques difficultés insurmontables, et qui le resteront, ce narrateur est une sorte d’assistant chargé de missions ponctuelles, souvent abandonné à lui-même et à un esprit d’indécision qui lui va bien. D’autant que ces temps de latence lui permettent d’exercer sa curiosité, le genre de curiosité qui ressemble à celle de Jean Rolin : une scrupuleuse attention à certains détails, élus en vertu d’on ne sait quels critères, et beaucoup de flou autour. On croirait un regard de myope obligé de s’accrocher à ce qu’il voit pour ne pas perdre pied dans ce qu’il ne voit pas, ou moins bien. Cette manière d’accommoder sans cesse, comme le fait un œil, fournit à l’écriture un moteur d’une redoutable efficacité. Toute en pleins et en déliés, en moments compacts et en creux, elle appelle le questionnement à travers ses failles construites en labyrinthe. De ce labyrinthe, Jean Rolin a habitué ses lecteurs à ne jamais sortir tout à fait. Il restera un peu de chacun de nous dans le détroit d’Ormuz, où nous croiserons Jean Rolin, à moins que ce soit ses personnages.

lundi 11 février 2013

Jean Rolin sur la piste de Britney Spears


Le titre du  livre de Jean Rolin est un clin d’œil à Marguerite Duras (Le ravissement de Lol V. Stein). Son argument est romanesque : un agent est envoyé à Los Angeles pour prévenir un éventuel enlèvement de Britney Spears. Mais, comme dans la plupart des autres ouvrages de l’auteur, dont beaucoup étaient des récits plutôt que des fictions, le narrateur officie à la première personne. Et il conjugue, ainsi que le fait Jean Rolin, une subtile nonchalance avec l’art de regarder dans les coins, là où l’œil n’est convié que s’il se méfie des images de façade.
Sur Britney Spears, partons du principe que nous savons tout. Du moins, tout ce que la presse people, relayée par des journaux et des magazines moins présents dans les salons de coiffure, a voulu en dire et que nous serions bien en peine d’ignorer, quand bien même nous ferions mine de nous désintéresser complètement du sujet. Que celui qui n’a jamais entendu parler de Britney Spears sans culotte, ou de sa sex tape, ou du jour où elle s’est rasé les cheveux (dans un salon où peut-être des magazines la montraient en chemisier transparent) nous jette la première pierre, et la deuxième sur le narrateur du roman, et la troisième, tant qu’à faire, sur le romancier.
Mais celui-là (un hypocrite, probablement), capable de balancer à la poubelle, avant de l’ouvrir, Le ravissement de Britney Spears qu’un ami mal intentionné viendrait de lui offrir, renoncerait sans le savoir au plaisir de se laisser aller dans une histoire floue, prétexte à une description entomologique d’un aspect de Los Angeles.
Car Jean Rolin, certes plus enclin, comme son personnage, à se laisser conduire par les événements qu’à essayer de les maîtriser, possède une vertu cardinale qu’il prête à l’agent du roman : une patiente obstination qui finit par payer quand, par exemple, il veut entrer dans un lieu où il n’est pas censé se trouver, mais où il se dit que Britney Spears vient souvent. Cherchant la clé d’un univers clinquant dont il ne connaît pas les codes, ou pas plus que nous qui l’accompagnons dans sa mission, il tente de faire ami-ami avec un paparazzi qui, espère-t-il, maîtrise l’art de passer inaperçu aux endroits où sa profession requiert sa présence alors que personne n’y veut de lui. Mais toute l’entreprise est menée avec une maladresse d’amateur qui contraste avec le sérieux de ses supérieurs quand ils ont envoyé l’agent en protection discrète de Britney Spears. Et l’effet comique, bien que jamais appuyé, surgit comme une irrésistible lame de fond à laquelle il est difficile de résister.
Au rendez-vous des « égéries les plus toxiques de Hollywood, telles Paris Hilton ou Lindsay Lohan », Britney Spears a sa place. C’est leur monde qu’explore un Jean Rolin, ou son personnage, étonné d’être là, étonné de s’étonner devant des comportements qui semblent banals quand l’excentricité est une manière d’exister à défaut de posséder un authentique talent. Qui se souvient du temps où Britney Spears chantait, ou plutôt enregistrait des disques ? Devenue le symbole d’une culture d’où la créativité est absente, elle est aussi celui de la décadence de la civilisation occidentale aux yeux de mouvements islamistes qui auraient beau jeu de la prendre pour cible. D’où l’argument romanesque d’un hypothétique enlèvement…
Bien sûr, l’argument est ténu et disparaît souvent derrière la curiosité de l’auteur. A tel point qu’on se demande s’il a bien fait de se donner un double de fiction.

lundi 19 janvier 2009

Patrick Deville en Afrique

Il y a quelques jours (un peu plus bas), je vous parlais de Jean Rolin et de ses chiens errants. Parmi les personnes remerciées par l'auteur d'Un chien mort après lui, il y a aussi Patrick Deville, et cela n'a rien de surprenant non plus. Equatoria, son nouveau roman, propose une démarche qui n'est pas très différente. Certes, le sujet n'est pas à la dimension de la planète entière. Un continent suffit. Mais un beau continent, l'Afrique, traversée d'ouest en est par le narrateur - le romancier lui-même - sur les traces de Pierre Savorgnan de Brazza qui voulait être découvreur de fleuves et eut sa place dans l'histoire de l'hydrographie. Il fut aussi l'ornithologue qui décrivit une hirondelle endémique sur les plateaux Batékés. Et, enfin, il eut un rôle plus contesté:
Pour les historiens, il est celui qui, faisant reculer devant la proue de sa pirogue la traite et l'esclavage, traînera dans son sillage la colonisation du Congo.
Brazza, donc, comme l'appelle le plus souvent Patrick Deville, entraîne aussi celui-ci dans un périple au long cours et dans des rencontres multiples. On croise ses contemporains (Stanley, en particulier) et des figures plus proches de nous, comme Che Guevara ou Laurent-Désiré Kabila. On prend des routes infâmes et on ressent la longueur du temps.
Patrick Deville a l'art de nous faire entrer dans le paysage et d'inscrire celui-ci dans la durée. La géographie rencontre l'histoire, dans un livre magnifique où, bien entendu, et pour revenir à Jean Rolin, il est aussi question de chiens errants:
La vie nocturne de Lambaréné est des plus réduites. A cette heure-ci, les estaminets du marché comme Le Joie du Peuple au Port sont depuis longtemps cadenassés, la place abandonnée aux chiens errants et nettoyeurs, qui s'arrachent des bouts d'hippo ou de croco.
Du Gabon à Zanzibar, un itinéraire qui vaut le détour...

mercredi 14 janvier 2009

Les chiens errants de Jean Rolin

Il y a quelque temps - deux ans, peut-être -, Daniel Delas, professeur émérite d'université (c'est ainsi qu'on dit, et il le dit lui-même avec toujours un peu d'auto-ironie) m'écrivait, dans un message, l'admiration qu'il éprouvait pour la démarche de Jean Rolin quand il parlait des chiens errants. Daniel Delas, à cette époque, venait souvent à Madagascar pour des formations d'enseignants, des examens, des conférences, toutes activités qui ressortent de ses compétences. Je voyais moins bien en quoi les chiens de Jean Rolin pouvaient le fasciner. Et, comme je n'ai pas retrouvé son message dans mes archives (il arrive qu'un disque dur lâche sans prévenir), je ne peux qu'essayer de me souvenir: il était question, je crois, d'une manière singulière et littéraire de percevoir la géographie. (Pardon, Daniel, si je me trompe.)
Je n'ai pas été surpris, en tout cas, de retrouver le nom de Daniel Delas dans la longue liste de remerciements, à la dimension plus habituelle dans un ouvrage américain que français.
Jean Rolin a rencontré des chiens errants partout dans le monde, lors d'un périple où il a même été attaqué par l'un d'entre eux. Et il a tout lu sur le sujet, ou presque. Simultanément, je travaillais pour la Bibliothèque malgache à la réédition d'un texte d'Etienne Grosclaude de la fin du dix-neuvième siècle, Un Parisien à Madagascar. J'y trouve ceci:
En fait de musique, nous n'avions que les abois lamentables des chiens sauvages qui environnent le camp; ils finissent par devenir tellement insupportables qu'on en tue un pour lui apprendre à vivre. Nous nous attendrissons sur sa dépouille, en songeant qu'il n'aurait tenu qu'à lui d'être l'ami de l'homme, au lieu de se conduire comme un chacal.
On trouve aussi, chez Raharimanana (dans Rêves sous le linceul, me semble-t-il), des images de chiens dévorant des cadavres en 1947, ce qui me faisait penser au Rwanda où la même chose s'est passée en 1994, tout cela rendant les chiens errants indésirables, pour le moins.
Du Rwanda, Jean Rolin parle, à propos d'un livre terrible de Philip Gourevitch où il avait trouvé cette cruelle anecdote (Nous avons le plaisir de vous informer que, demain, nous serons tués avec nos familles).
Il y a d'autres guerres dans son livre. D'autres chiens affamés. Et beaucoup de moments formidables qui font de son voyage planétaire à la recherche des chiens errants un récit passionnant.