Affichage des articles dont le libellé est Nadine Monfils. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Nadine Monfils. Afficher tous les articles

dimanche 10 mars 2019

Elvis Cadillac en Normandie

Nadine Monfils n’abandonne jamais rien. Ni les expressions de Belgique qu’elle a importées à Montmartre et dans ses séries policières loufoques ni les artistes qu’elle apprécie. Aux premières comme aux seconds, elle consacre des notes dans lesquelles elle tutoie ses lecteurs parce que, écrit-elle, « je considère d’emblée ceux qui s’intéressent à mes livres comme des gens intelligents, merveilleux, formidables et fabuleux comme Amélie Poulain ou l’inventeur du tire-bouchon. » Elle ne lâche même pas les personnages rencontrés dans des livres précédents. Elvis Cadillac, le héros de la série en cours, croise Mémé Cornemuse dans Ice cream et châtiments, roman au terme duquel le sosie belge de Presley quitte les Marolles pour s’installer à Montmartre où a vécu, lui dit-on, « le célèbre commissaire Léon, un flic qui tricotait en cachette ».
C’est donc de Paris que Le rocker en pantoufles se prépare à partir dans sa longue Cadillac rose pour aller chanter à Dives-sur-Mer, en Normandie, où est enterré un fan d’Elvis Presley. Il n’est pas fâché de s’éloigner de Bouli, son manager. Celui-ci le harcèle parce qu’il l’a inscrit aux auditions de The Voice et comprend mal pourquoi son poulain apprend la nouvelle sans enthousiasme. Elvis Cadillac n’a pas la folie des grandeurs : « il préférait chanter dans des petites salles de patronage plutôt qu’à Bercy s’il en avait eu l’occasion. » Il est resté simple, alors que Bouli rêve de succès…
A Dives-sur-Mer, le jour de l’enterrement, surprise : ils ne sont que quatre dans l’église, en comptant le curé, Elvis et le cadavre. Une seule femme pour accompagner le défunt. Duquel, par ailleurs, les villageois ne semblent pas beaucoup vouloir parler. Parce qu’ils le connaissaient peu ou parce qu’ils ne l’aimaient pas ? Il y a un mystère là-dessous. Quand on a lu les deux premiers volumes des enquêtes très personnelles d’Elvis Cadillac, on devine qu’il va avoir envie de le percer. D’autant plus qu’il y a, dans un passé récent, la mort de deux adolescentes, l’une décapitée, l’autre éventrée, dont les corps ont été retrouvés dans une balise à proximité des falaises.
En s’intéressant à la personnalité du disparu, soupçonné du double meurtre, Elvis Cadillac ouvre une boîte de Pandore – une expression que la romancière aime bien. L’affaire est bien plus complexe qu’il y paraît. Nadine Monfils prend soin des articulations d’un récit qui conduit de rebondissement en rebondissement sur un rythme qui s’ajoute à son habituelle fantaisie.

mercredi 25 février 2015

Nadine Monfils fait la Foire du Livre de Bruxelles

Demain, et jusqu'à lundi, la Foire du Livre de Bruxelles donne rendez-vous aux auteurs, aux lecteurs, aux éditeurs, aux gourmands (car il n'y a pas que des livres). A qui veut... Pendant quelques jours, je vais donc faire comme si j'y étais et présenter quelques écrivains - ou leurs livres - qui, eux, seront vraiment sur place.
Nadine Monfils va débarquer à la Foire du Livre de Bruxelles avec sous le bras deux nouveaux livres. Cette semaine sortent Maboul Kitchen (Belfond) et la réédition de Mémé goes to Hollywood (Pocket) - enfin, ce dernier, c'est peut-être plutôt la semaine prochaine. Il y a un peu plus de trente ans, des cours de morale qu’elle dispensait, elle était passée d’un coup, d’un seul, à Laura Colombe, un des deux premiers ouvrages publiés au Cri, sous-titré : « Contes pour petites filles perverses ». Elle pratique toujours le merveilleux, teinté de tendresse et d’érotisme. Mais elle a évolué vers le polar, accueillie pour deux titres à la Série noire chez Gallimard avant d’arriver avec Babylone dream chez son principal éditeur actuel – sans oublier les dix enquêtes du commissaire Léon, rééditées… Pour la faire courte, cela donne une soixantaine de titres, et des incursions du côté du cinéma, du théâtre, de la BD.
C’est le résultat d’un travail que Nadine Monfils ne lâche jamais longtemps : « Ecrire, c’est une passion. J’adore tellement ça ! Le changement, c’est un certain confort, parce que ça marche bien et l’angoisse des fins de mois a disparu. » En moyenne, ses nouveaux romans se vendent à 30.000 exemplaires, avec un pic à près de 200.000 pour Les vacances d’un serial killer, en comptant la réédition en poche. C’était la première apparition de Mémé Cornemuse et l’occasion d’un sérieux coup de pouce d’un libraire très médiatisé, Gérard Collard.
La romancière lui voue, depuis, une amitié fidèle. Et elle le défend avec virulence quand on dit que sa manière de présenter des livres à la télévision se résume à affirmer que l’un est « génial de chez génial » (catégorie où il range les romans de Nadine Monfils) et l’autre, « nul de chez nul ». « Il ne fait pas de concessions, il aime ou il déteste. Sans lui, je ne publierais plus. Je ne le connaissais pas et mon éditeur ne croyait pas vraiment aux Vacances d’un serial killer. Je pensais que, si ce livre-là ne marchait pas au moins correctement, c’était fini. Il y a eu un petit miracle quand Gérard Collard l’a porté à bout de bras. Les ventes ont décollé, et ça a suivi. Ce type est très attachant, c’est un vrai passionné. »
Nadine Monfils aime ceux qu’elle appelle des fêlés, un peu comme elle, au fond. En Belgique, où elle se trouve quand elle n’est pas à Montmartre, elle cite Noël Godin, Jan Bucquoy, Jean-Jacques Rousseau. Et Jean-Claude Van Damme quand il est capable de se moquer de lui-même. Puisqu’elle pense toujours au cinéma, sans trop en dire tant que les choses ne sont pas faites, elle a gardé autour d’elle une bande d’acteurs parmi lesquels Michel Blanc, Dominique Lavanant à qui elle a dédié son avant-dernier roman, ou Rufus, qui l’a encouragée à écrire sur le Facteur Cheval. Ils ont tous un point commun : ils la font beaucoup rire. Comme elle nous fait rire aussi dans ses livres, il doit y avoir une certaine logique dans tout cela.

mercredi 22 octobre 2014

Les rêves sanglants de Nadine Monfils

Méfiez-vous d’un Babylone dream signé Nadine Monfils, dont on connaît depuis les débuts la propension à blesser les petites filles perverses. Elle n’oublie jamais que les roses ont des épines. Que le cauchemar est encore et malgré tout un rêve. Que la passion se décline aussi en lettres de feu et de sang.
Son roman s’ouvre sur une première phrase dont la poésie n’est pas absente et qui prélude à une scène de boucherie : « Le voile de la mariée gisait, déchiqueté, sur le sol ensanglanté, comme les ailes d’un goéland qui se serait fracassé contre un rocher. » Il ne faut que quelques lignes pour oublier la poésie et découvrir l’ampleur du carnage par les yeux de l’inspecteur Lynch. Il croyait en avoir vu d’autres et découvre une dimension inédite de l’horreur. Nous aussi.
D’autant que la cruauté du double meurtre semble n’avoir aucun sens : les bras coupés de la jeune femme et son corps déchiqueté par une grenade sous le regard de son mari tué après elle… La mise en scène doit cependant forcément correspondre à quelque chose. Peut-être la « profiler » Nicki, aux méthodes peu conventionnelles, sera-t-elle capable de comprendre grâce à sa réceptivité aux « ondes » émises sur les lieux d’un crime.
Peu conventionnels, les autres personnages le sont aussi, qui constituent une galerie de portraits plus surprenants les uns que les autres. A commencer par le commissaire Lynch lui-même, célibataire presque endurci qui trouve le réconfort entre les bras d’une fidèle prostituée, Coco. Celle-ci est amoureuse d’un chauffeur de taxi dont elle ne connaît pas le nom. Elle réconforte aussi, c’est son métier, l’adjoint de Lynch, quitté par sa femme. Et amoureux d’une autre… dont il ne connaît pas le nom. Tandis que sa femme de ménage connaît, étrangement, le nom du chat trouvé dans la maison des premiers crimes. Il y en aura d’autres, presque pareils. Dans un affolement croissant devant les pièces d’un puzzle qui tardent à se mettre en place.
La construction du récit n’est pas le meilleur de Babylone dream. Elle est presque transparente. Nadine Monfils a d’autres arguments, puisés dans son univers romanesque. Ainsi, elle a conservé tout son goût pour la fantaisie : les rats sont sacrés à Pandore, la ville où se passe le livre ; les prémonitions d’une vieille font froid dans le dos ; il y a des marguerites accrochées à un plafond…
Ces échappées sont brèves, rapidement réprimées par l’inquiétude qui sourd d’un mystère pesant. Fildefériste en équilibre instable entre l’excès de merveilleux et de tragique, la romancière fait un pas de danse, salue le public auquel elle lance des bonbons acidulés de toutes les couleurs et sort sur un dernier coup de théâtre.

samedi 22 février 2014

Pandore, la ville de Nadine Monfils où tout est possible

Une trentaine d’années après Laura Colombe, le recueil de contes érotiques et cruels qui l’avait fait connaître au public belge, Nadine Monfils n’a rien perdu de sa fantaisie. Elle a, dans le même temps, accru sans cesse le nombre de ses lecteurs. Si bien qu’elle occupe aujourd’hui, sur le terrain d’un polar imprégné de sa singulière poésie, une place majeure pour les amateurs d’un imaginaire libéré de toutes contraintes. Comme elle a en outre beaucoup publié, ses livres arrivent en rafale chez les libraires et à la Foire duLivre, des rééditions accompagnant une nouveauté.
Son éditeur a remis en selle le commissaire Léon, héros de dix romans (et d’un film, Madame Edouard) resservis en cinq volumes en cours de réédition. A Montmartre, son port d’attache, ou à Rome, il tire les fils d’enquêtes improbables tout en nouant ceux des lainages qu’il tricote pour son chien homosexuel, Babelutte.
En poche l'an dernier, La petite fêlée aux allumettes rappelait que Pandore n’est pas une ville de tout repos. Cela se confirme dans La vieille qui voulait tuer le bon dieu (en poche cette année) que Nadine Monfils y a situé. Les premières lignes plantaient, sinon le décor, le thermomètre à une altitude élevée : « Ce jour-là, le soleil avait dénoué son écharpe et inondait Pandore de ses rayons dorés. L’après-midi touchait à sa fin et il faisait une chaleur à cuire un œuf sur le dos d’un pitbull. »
On n’a pas fini de chauffer, en particulier Ginette, femme de ménage dans une entreprise de pompes funèbres, épouse fidèle de Marcel qui l’attend chaque jour à la maison, confiant dans sa ponctualité. Ce jour-là, Ginette, qui n’est pas exempte de coquetterie (bien qu’elle s’appelle Plouf) et qui rêvait du destin de Lady Di, s’est offert une paire de chaussures jaunes. Magnifiques. Eblouissantes. Et ancienne propriété de Lady Di, lui a dit le vendeur. Il n’en fallait pas plus pour se laisser convaincre, craquer deux cents euros détournés du compte commun, et repartir guillerette mais en retard. Un homme la suit, lui parle en poète (à deux balles), la séduit, la saute sur le capot d’une Mercedes et disparaît. Ginette a perdu une chaussure et gagné une rare allégresse. Quelle belle journée ! Gâchée au retour, cependant : Marcel, son Marcel qui s’empiffrait de bières et de pizzas, a été assassiné…
C’est le début d’une intrigue foutraque que Nadine Monfils tire dans tous les sens où son imagination la mène – et elle a l’imagination débordante. Elle est considérablement aidée dans son entreprise par Mémé Cornemuse, devenue un des personnages récurrents les plus impressionnants de la série de polars en cours. Concierge dans l’immeuble où habite Ginette, Mémé Cornemuse ne jure que par Jean-Claude Van Damme, ne se détend qu’en matant des films pornos et ne fait de projets qu’illégaux. Le dernier en date, qui justifie son poste de concierge, consiste à faire percer par un complice un tunnel menant tout droit à la bijouterie voisine. L’affaire était bien engagée mais voici qu’arrive dans le quartier, hébergée dans un couvent, « Micheline Martini, complice de son mari pédophile qui avait laissé mourir des gamines de faim dans sa cave ». Ce n’est plus la place d’une bijouterie haut de gamme. Déménagement, fin du beau projet de Mémé Cornemuse. Et rebondissements en pagaille.
A suivre, d'ailleurs, dans un nouvel épisode des aventures de Mémé Cornemuse, Mémé goes to Hollywood, tout frais paru.

jeudi 7 mars 2013

Foire du Livre : Nadine Monfils et ses polars hors normes


Fêlée, un mot du titre, La petite fêlée aux allumettes, convient parfaitement à décrire la romancière belge. A condition de le prononcer avec une nuance de respect dans la voix. Car Nadine Monfils ose tout sans s’inquiéter de l’effet presque hallucinogène qu’aura son imagination délirante sur le lecteur. Il fallait s’y attendre : cette littérature provoque un tel effet d’accoutumance qu’il devient impossible de s’en passer. D’où le succès, il y a deux ans, des Vacances d’un serial killer, pourtant un de ses livres les plus faibles, péchant par une mise en scène bricolée où les ficelles étaient trop visibles.
Rien de tel, heureusement, dans son avant-dernier roman republié en poche, où elle a pris la peine de resserrer les boulons tout en dégrippant les articulations qui grinçaient. Il n’y a donc que du bonheur à reprendre, sans risques, une bonne lampée de l’excellent cocktail dont elle seule est capable de doser les ingrédients.
Les personnages, plus déjantés les uns que les autres, sont en première ligne dans sa recette. Nake, une jeune barjo. Mémé Cornemuse, dont certains connaissent déjà le grand âge autant que l’extrême vitalité. Max, l’ivrogne vengeur. Cooper, l’inspecteur dont le seul amour, son chien, vient de mourir. Michou, son collègue (collègue de l’inspecteur, pas du chien !), flic le jour, travelo la nuit et pour qui, au contraire de Magritte dont la peinture influence la vie à Pandore, une pipe est une pipe !
Un brin de fantastique ne nuit pas au décor hanté par des hommes en chapeau boule. Le tricot est un outil de voyance. Et les allumettes aussi, bien sûr, pour des flashs effrayants. Car des meurtres ponctuent la vie à Pandore, il faut de l’hémoglobine pour donner la couleur du polar à La petite fêlée aux allumettes. Polar à nul autre pareil, dont l’intrigue est assez construite pour tenir en haleine les amateurs du genre. Mais intrigue qui passe à l’arrière-plan d’un livre tout en soubresauts inattendus, provoqués par une romancière qui ne se lasse pas de surprendre.

En même temps paraît le nouveau roman de Nadine Monfils, La vieille qui voulait tuer le bon dieu.

dimanche 7 mars 2010

Foire du Livre : Nadine Monfils et sa Coco givrée

J'ai eu la chance, il y a une trentaine d'années, de découvrir les premiers textes en prose de Nadine Monfils. Elle n'avait publié à ce moment, si mes souvenirs sont bons, que deux recueils de poèmes à compte d'auteur. Les nouvelles que j'avais reçues ont fourni un des premiers titres d'une maison d'édition dans laquelle je travaillais alors. Depuis, elle n'a plus arrêté, oscillant entre l'érotisme et le polar sans se soucier de genre, entrant au catalogue de la Série noire, créant un commissaire Léon qui allait vivre dix aventures dans autant de volumes et fournir le sujet de son premier film, trouvant depuis quelques années un nouvel éditeur chez qui elle vient de sortir son quatrième roman, Coco givrée. Un livre bien givré, en effet...

Depuis Laura Colombe, il y aura bientôt trente ans, quelle évolution perçois-tu dans ton imaginaire et dans ton écriture?

Je pense que Laura Colombe contenait l’imagination foisonnante de la femme-enfant que je suis restée et qui avait emmagasiné les mondes d’Alice au pays des merveilles qui aurait eu Barbe Bleue comme amant, et celui de la Comtesse de Ségur tombée amoureuse du marquis de Sade. Avec çà et là des moments de vécu parsemés de fantasmes. Disons que la vie et le temps m’ont mis un couteau dans la main. Pour me défendre, mais aussi pour continuer à couper des plaques de caramel. Avec mes Contes pour petites filles perverses, j’étais dans la poésie, le surréalisme et l’érotisme. Maintenant, j’ai gardé un peu de tout ça, avec quelques labyrinthes en plus. Ceux d’amener le lecteur dans une toile d’araignée, de le faire prisonnier de mon histoire. En quelque sorte de le prendre en otage du début à la fin. Pour moi ça relève à la fois du jeu et du plaisir de surprendre, de dérouter jusqu’au bout. Le goût des surprises. Mais aussi celui de tenter d’entrer dans la tête des tueurs parce que c’est la chose qui pour moi est la plus incompréhensible. Si je comprends le cheminement qui peut amener certains à tuer, je reste complètement perdue devant la violence. Donc, à travers l’écriture, je tente de survivre à ce mystère que sont les âmes gangrenées. D’où mon sens de la dérision, seule échappatoire pour moi. Mon écriture a forcément évolué vers plus de réalisme, mais toujours avec quelques racines bien ancrées dans mes premiers livres.

Coco givrée est, si je ne me trompe pas, le troisième roman que tu situes à Pandore. Est-ce parti pour une longue série?

Oui, Coco givrée est le troisième roman situé à Pandore. Je n’avais pas écrit le premier (Babylone Dream) avec l’intention de reprendre les personnages et cette ville mystérieuse dans d’autres livres. C’est venu comme ça. Disons qu’ils ne voulaient pas me lâcher... Mais là, pour moi c’est en principe fini. Je suis en train d’écrire un nouveau thriller où ils n’apparaissent pas. Je ferai peut-être un clin d’œil à la chienne Téquila qui a commencé à picoler dans Téquila frappée. Avec ma série du Commissaire Léon, le flic qui tricote, à un moment donné, j’ai voulu le tuer. Mais comme j’en avais fait un film (Madame Edouard) où Michel Blanc que j’aime beaucoup a incarné le personnage, j’ai eu peur qu’il lui arrive quelque chose. J’ai quand même grandi dans un village où la sorcellerie existait. Ça marque!

Où en est le projet de deuxième long métrage après Madame Edouard?

Mon projet de film tiré de Nickel Blues, également publié chez Belfond, est en montage financier. Vu la frilosité des producteurs français – et aussi des belges! -, j’ai monté ma propre boîte de production en Belgique (Chapeau Boule) et je travaille avec un producteur luxembourgeois, Pol Cruchten, qui croit à fond à ce projet et apporte une participation financière. J’aurais déjà pu le monter depuis longtemps car, comme pour Madame Edouard, j’ai un gros casting. Mais le sujet est tellement barré que les Français ont peur de s’engager même si j’ai eu le Prix des Lycéens de Bourgogne, ce qui devrait les rassurer car j’ai un gros public de jeunes lecteurs. Mais comme j’oscille entre C’est arrivé près de chez vous et Bernie... Si j’avais fait des concessions, c'est-à-dire si j’avais édulcoré mon histoire, elle serait déjà tournée. Mais je ne me suis pas battue jusqu’ici pour garder ma sacro-sainte liberté et baisser mon froc! Je préfère escalader une montagne et rester libre que de prendre le train avec des menottes.

jeudi 26 février 2009

Les livres des proches

C'est inévitable, quand on baigne depuis aussi longtemps que moi (je n'ose même pas dire combien de décennies) dans le milieu littéraire, quand on rencontre sans cesse des écrivains, d'avoir parfois à lire des livres signés par des personnes qu'on connaît bien - pas seulement signés, d'ailleurs, écrits aussi, car je fréquente peu les "peoples" qui font écrire par d'autres...
Là, je viens d'en lire deux le même jour. Sentiment étrange de renouer une conversation provisoirement interrompue, de retrouver quelqu'un autant que de découvrir un texte.

J'ai commencé par Nadine Monfils, à qui je suis fidèle depuis le début des années 80, quand j'avais été son premier véritable éditeur - elle n'avait auparavant publié qu'un ou deux recueils de poèmes à compte d'auteur. Les manuscrits que j'ai reçus à ce moment n'étaient pas parfaits. Mais ils sortaient d'un imaginaire riche et les images y étaient belles - piquantes, aussi, puisqu'il y était question de petites filles perverses bien que très peu réalistes. L'univers merveilleux de Nadine Monfils a grandi en même temps que l'écrivaine faisait son chemin entre polar et érotisme, publiant un peu partout. Et réalisant même en personne l'adaptation cinématographique d'un de ses romans, Madame Edouard.
Il y a deux ans, elle a reçu le prix Polar du salon Polar & Co de Cognac, pour Babylone dream.
Elle réinvite donc l'inspecteur Lynch, son adjoint Barn et la profileuse Nicki dans une nouvelle aventure, Tequila frappée. Une enquête tordue habitée par des personnages à la Magritte et quelques drôles d'individus. Cela s'ouvre sur l'explosion d'une maison et se termine presque par un coup de couteau. Entre les deux événements, il s'en passe de belles et de moins belles, tout pour plaire aux amateurs de thrillers.

Le deuxième écrivain du jour, William Bourton, en est avec Je plaisante à son premier roman. Il y a vingt ans, je n'aurais pas parié un ariary sur sa capacité à écrire un bon livre. Il était alors journaliste, dans le même quotidien que moi, mais s'occupait de matières qui étaient très éloignées de la littérature. Il a pourtant pris, petit à petit, et toujours dans la même rédaction, une dimension de plus en plus importante. Il a écrit des ouvrages sur la philosophie, un sur le western.
Puis ce roman...
Je peux vous le dire, j'étais très inquiet avant de l'ouvrir. Car enfin, il pouvait tout aussi bien être mauvais que bon. Franchement, cela m'aurait ennuyé, après la conversation que nous avions eue il y a quelques années sur le chemin qu'il avait fait, lui aussi, comme Nadine Monfils, bien que sur une autre voie.
Heureusement pour moi (et un peu pour lui aussi, car s'il avait été mauvais je l'aurais dit), c'est un livre brillant, et même mieux que cela.
D'autant plus qu'aux premiers mots - pardon, aux premières lignes, mais c'est un monologue -, j'avais craint le pire. Cela sentait le bavard qui allait casser les pieds de sa voisine, et du même coup les miens, pendant toute la durée d'un vol entre les Etats-Unis et l'Europe. Et puis, très vite, la mayonnaise prend, le personnage acquiert de la consistance. Plus encore: il séduit. Son vagabondage verbal, qui passe de la philosophie à son voyage en voiture sur le territoire américain, devient une aventure qu'on a plaisir à suivre jusqu'au coup de théâtre final.
Un romancier à découvrir, donc.

Pour finir sur ces deux-là que rien ne semble rapprocher en théorie, j'ajoute une double coïncidence. Dans leurs livres, Nadine Monfils et William Bourton parlent de tequila et, plus étrange encore, de la Fée Clochette. Mais où vont-ils chercher ça?