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dimanche 26 mai 2013

Olivier Adam, le même malaise

C’était dit avec insistance l'an dernier, à la parution du livre : Olivier Adam était désigné comme favori du prix Goncourt avec son nouveau roman, Les lisières. C’était murmuré aussi : il ne s’agissait pas de son meilleur livre, mais l’écrivain se trouvait à la tête d’une œuvre qui méritait bien, et depuis longtemps, ce couronnement. C’était le plus souvent passé sous silence : il avait changé d’éditeur (quittant L’Olivier pour Flammarion) et l’argument, pour échapper au lecteur, n’était pourtant pas sans poids dans les grandes manœuvres de la rentrée littéraire.
On sait que le Goncourt ne l'a pas couronné. Contentons-nous donc de littérature. Les lisières est un roman long et qui traîne en longueur, se dit-on en le refermant avec un peu de soulagement d’en avoir terminé. Tout avait pourtant plutôt bien commencé. Paul Steiner, écrivain et scénariste, se trouve à un moment clé de son existence. Il est partagé entre l’amour qu’il éprouve encore pour son ex-femme, le sentiment puissant de ses devoirs de père envers les enfants dont il est comme amputé, et sa difficulté à trouver une place dans le monde. En lisière de la société où son travail lui donne un statut à part, en lisière géographique de la capitale depuis qu’il habite en Bretagne, en lisière de sa famille… Il parle de son « incapacité à être vraiment là à l’instant même où les choses se passaient » et de sa nature « périphérique », une explication qui pourrait suffire mais ne le satisfait pas. Il souffre d’une incomplétude à laquelle il ignore comment remédier et s’emploie donc à chercher la voie de sa rédemption. Il cherche surtout à se réhabiliter à ses propres yeux, en fait.
A bien y regarder, le malaise n’est pas nouveau chez Olivier Adam. Il tourne autour de lui dans à peu près tous ses livres. Mais il ne l’avait jamais exploré avec autant de constance, ni creusé si loin, au-delà des apparences. A-t-il eu raison de le faire ? L’auto-analyse sauvage à laquelle se livre son narrateur est assez riche en découvertes intimes pour mériter d’être suivie jusqu’au bout. Mais cette démarche, par sa nature même, entraîne des répétitions qui tournent au ressassement. Le romancier s’est peut-être laissé entraîner trop loin par son personnage, il n’a pas gardé la main sur un livre qui lui échappe par moments – les moments où le lecteur se demande dans quoi il s’est laissé entraîner.
Il n’en reste pas moins qu’Olivier Adam est assez doué pour présenter plaisamment un menu banal. Son sens de la formule le sauve de l’ennui. Et nous en même temps.


lundi 1 mars 2010

Zapculture, entre Césars et Oscars

On change de semaine, on change de mois, on ne change rien au rendez-vous de Zapculture, toujours en téléchargement (lien dans l'illustration ci-contre) pour une dizaine de minutes d'un menu varié: cinéma en entrée, littérature en plat consistant, musique au dessert.

On commence dès l'indicatif terminé (00'00"-00'25") avec la cérémonie des Césars qui a couronné samedi, je vous l'avais bien dit mais c'était assez facile à prévoir, Un prophète, de Jacques Audiard. Avec neuf récompenses sur vingt possibles (quinze, en réalité, puisqu'il ne s'agit ni d'un court métrage, ni d'un documentaire, ni d'un premier film, ni d'une adaptation, ni d'un film étranger), ce chef-d'œuvre a été justement récompensé. Je vous propose, pour retrouver une partie du casting d'Un prophète, quelques échos de la soirée avec Tahar Rahim, meilleur espoir masculin et meilleur acteur (00'25"-01'12"), Niels Arestrup, meilleur second rôle (01'12"-01'59") et le réalisateur Jacques Audiard lui-même (01'59"-02'36").

Aux Césars français succèdent, cette semaine, les Oscars américains. Tout le monde parle du gigantesque Avatar, de James Cameron. Un peu trop souvent à mon goût en termes de technique (la fameuse 3D) ou de recettes. Un business, en somme. Mais ni la 3D ni les chiffres ne suffisent à donner une âme à un film. Et celle que j'entrevois dans ce long métrage (dont je n'ai regardé que quelques extraits) ne m'attire guère.
Je fais donc le pari, certes risqué, que Démineurs, de Katrhyn Bigelow, nommé d'ailleurs autant de fois que le film de son ex-mari (eh! oui, le divorce continue), fera mieux qu'Avatar (j'ai toutes les chances de me tromper, tant pis).
En tout cas, Démineurs vient de sortir en DVD et montre qu'on peut filmer la guerre du côté des hommes, avec la peur et le courage, l'inconscience et la réflexion. Il y a, inévitablement, des scènes très dures, mais jamais gratuites. Au centre du récit, l'équipe de démineurs en Irak est un exemple magnifique de ce dont l'humanité est capable: le meilleur et le pire.
A défaut des images, écoutez le son - musclé - de la bande annonce (02'36"-04'14").

Côté livres, ceux d'entre vous qui connaissent ma volonté à signaler l'existence de rééditions au format de poche ne seront pas surpris d'entendre ici une séquence de Laissez-vous tenter (RTL) consacrée à deux titres parus dans ce format (04'14"-06'52").
Le premier, Des vents contraires, a d'ailleurs valu le prix RTL/Lire à Olivier Adam. L'écrivain y envisage la paternité sous un jour non pas inédit, mais inhabituel quand même. Je vous redis une partie de ce que j'écrivais l'an dernier, après l'avoir lu:
C'est un livre dans lequel je suis entré comme on pousse la porte d'une maison dans laquelle on est allé souvent, autrefois, et qu'on retrouve avec son air familier. Sinon que, petit à petit, une boule douloureuse naît dans le ventre. Plus rien n'est pareil à ce qu'on a connu, les manques sont criants. La tension monte. Et il me fallait la musique de Bach pour la faire retomber.
Olivier Adam donne au concret une force incroyable. Aucun détail ne lui échappe. Il peint avec précision les moments et les gestes, leur donne le poids du réel. Et ce poids entraîne vers le fond...
Bon, ce n'est pas rigolo, comme livre. Mais c'est formidable.

L'autre poche évoqué dans la même séquence sort cette semaine, et je ne l'ai pas encore lu - mais il est dans mon programme de lectures, et le plus vite possible. Jean-Louis Fournier a reçu le prix Femina en 2008 pour Où on va, papa?
Jean-Louis Fournier, qui fut longtemps le complice de Pierre Desproges, parle de choses tristes. Sur un ton qui, on s'en doute, ne l'est pas. Humour et tendresse, dès les premières lignes:
Cher Mathieu,
Cher Thomas,
Quand vous étiez petits, j'ai eu quelquefois la tentation, à Noël, de vous offrir un livre, un Tintin par exemple. On aurait pu en parler ensemble après. Je connais bien Tintin, je les ai lus tous plusieurs fois.
Je ne l'ai jamais fait, ce n'était pas la peine, vous ne saviez pas lire. Vous ne saurez jamais lire. Jusqu'à la fin, vos cadeaux de Noël seront des cubes ou des petites voitures…
Les livres sont parfois frappés par la censure, évoquée il y a deux semaines. Particulièrement en 1857, année terrible pour quelques écrivains: Madame Bovary, de Gustave Flaubert, Les fleurs du mal, de Charles Baudelaire et Les mystères du peuple, d'Eugène Sue - trois grands livres de trois auteurs majeurs - ont été convoqués au tribunal. Emmanuel Pierrat revient sur ces affaires dans Accusés Baudelaire, Flaubert, levez-vous!
Présentation de l'éditeur:
"Par ces procès, le régime de Napoléon III entend juger le poète et les deux romanciers pour leurs outrages et leur insubordination à l'ordre politique et moral. À l'aide de documents d'archives, d'articles de presse, des plaidoiries et des réquisitoires, des correspondances que s'échangent les écrivains pourchassés par Pinard, Emmanuel Pierrat nous replonge dans cette année 1857. Dans un décor saisissant, il fait revivre les procès intentés par le procureur impérial à des écrivains de génie soudainement pris dans l'implacable mécanique de la censure. Le lecteur découvrira donc la galerie de créateurs devenus depuis célèbres et des journalistes qui se lancent dans la bataille, tout comme l'état de la censure sous le Second Empire (et ses prolongements actuels). Jamais le tableau de ces quelques mois qui vont durablement marquer le milieu des Lettres n'avait été dépeint avec autant de force. Les pièces du dossier (plaidoiries, réquisitoires et jugements) sont publiées en annexe de cette saga tout autant judiciaire que littéraire."
On retrouve l'avocat écrivain dans une réflexion sur notre époque inspirée par ces affaires, sur Europe 1 au micro de Frédéric Taddéi pour Regarde les hommes changer (06'52"-07'59").

J'en connais à qui ça va faire plaisir: Jacques Higelin vient de sortir un nouveau disque, Coup de foudre. Ce sera donc, et tant pis si c'est facile, mon coup de foudre de la semaine. (Vrai de vrai: je suis occupé à l'écouter en écrivant ceci.)
C'est Le club chanson de Télérama qui a eu la bonne idée de présenter cet album dont quelques extraits étaient proposés, en particulier New Orleans qui ouvre cette séquence (07'59"-10'22").
L'exemple n'est pas mal choisi. Il s'agit en effet d'un album nomade, tant par la géographie que par l'esprit.
A écouter les yeux fermés, jusqu'à l'arrivée de l'indicatif final qui signe la fin de ce rendez-vous (10'15"-10'28").

A la semaine prochaine pour un autre Zapculture, mais bien avant cela pour d'autres rendez-vous, exclusivement littéraires.

samedi 14 mars 2009

Olivier Adam, prix RTL/Lire, pas mal non plus

Habituellement, je n'écoute pas de musique en lisant. Ni en écrivant, d'ailleurs. Comme l'une et l'autre activité sont à peu près ce qui emplit mes journées, mon appartement est le plus souvent silencieux. Cette fois-ci, pourtant, j'ai hésité. A la page 229 du dernier roman d'Olivier Adam, Des vents contraires, Paul Anderen, écrivain en manque d'inspiration recyclé en moniteur d'auto-école (sans licence), monte dans la voiture de Combe, un policier qui l'a pris en amitié. Je lisais ceci:
Les Suites pour violoncelle emplissaient l'habitacle, la nuit leur allait bien, et le défilé des feux troubles à l'horizon, le ruban des voitures au milieu des champs fuyant vers la ville.
J'ai résisté. Pas longtemps, le temps d'un combat de boxe et de quatre pages supplémentaires:
J'ai monté le volume et j'ai fermé les yeux, le violoncelle vibrait jusque dans mon ventre et l'archet me caressait les veines.
Voilà pourquoi, vingt pages et quelques minutes plus tard, alors que je commence à écrire ceci, j'en suis toujours à la Troisième suite - en réalité, page 233, c'est la quatrième, mais je ne cherchais pas à établir une parfaite coïncidence entre mon environnement et le roman.
Heureusement, d'ailleurs. Je suis loin de Saint-Malo et mon moral est meilleur que celui du personnage principal. Sa vie est en lambeaux depuis que sa femme a disparu, sans explication. Il s'accroche à ses deux enfants, Clément et Manon. Mais ils ont encore plus besoin de lui que le contraire. Et cette famille semble avoir échoué au bord de la mer comme des naufragés qui auraient été dépouillés de leurs biens les plus précieux.
C'est un livre dans lequel je suis entré comme on pousse la porte d'une maison dans laquelle on est allé souvent, autrefois, et qu'on retrouve avec son air familier. Sinon que, petit à petit, une boule douloureuse naît dans le ventre. Plus rien n'est pareil à ce qu'on a connu, les manques sont criants. La tension monte. Et il me fallait la musique de Bach pour la faire retomber.
Olivier Adam donne au concret une force incroyable. Aucun détail ne lui échappe. Il peint avec précision les moments et les gestes, leur donne le poids du réel. Et ce poids entraîne vers le fond...
Bon, ce n'est pas rigolo, comme livre. Mais c'est formidable. Et les jurés du prix RTL/Lire, qui viennent de de le consacrer, ont eu bien raison de le faire. Encore un bon prix, on n'en sort pas!