mardi 17 janvier 2012

Carlos Ruiz Zafón : Grand-Guignol à Barcelone

Comme beaucoup d’écrivains dont le public s’étend de 7 à 77 ans, Carlos Ruiz Zafón comprend mal ce que signifie «roman pour la jeunesse». Comme beaucoup d’écrivains qui ont été de grands lecteurs précoces, il avait tendance à éviter les livres qui portaient cette mention. Voilà probablement pourquoi Marina est sorti simultanément en France sous deux présentations, comme pour l'édition de poche actuelle.
A Barcelone, deux adolescents se rencontrent à la fin des années soixante-dix. Oscar vit dans un collège dont il ne cesse de s’échapper pour goûter dans de longues promenades le charme vénéneux des rues étroites et des vieilles bâtisses. Marina, seule avec son père dans une maison poussiéreuse qui paraît abandonnée, semble veiller sur un malade, autrefois peintre célèbre, reclus depuis la mort de son épouse.
Il y a tout ce qu’il faut d’ombres et de brouillards, de bruits étranges et d’odeurs suspectes, de mystères inquiétants et de personnages ambigus pour répondre aux codes du roman fantastique. Il y en a tant qu’il y en a trop. Oscar et Marina, aventuriers dignes du Club des Cinq, ne se lassent pas de secouer des portes fermées sans se dire jamais ce que nous avons pressenti, qu’ils feraient mieux de ne pas entrer là-dedans. Ils se précipitent sur le moindre indice comme un affamé sur un bout de pain, alors qu’on se demande bien, au fond, pourquoi ils s’intéressent à une histoire qui ne les concerne en rien. Oscar s’enfonce dans les égouts alors qu’un policier lui a conseillé de n’en rien faire…
La machinerie sophistiquée est celle du Grand-Guignol, coulées de sang comprises dans le forfait (identique pour les deux éditions) qu’on vous demande avant de commencer une visite très inhabituelle de Barcelone. Faut-il ajouter que les décors, en partie ceux d’un somptueux théâtre inachevé, sont à la hauteur du reste? Un genre de carton-pâte non ignifugé, comme le prouve une des dernières scènes.
Il n’est pas interdit de s’amuser aux efforts de Carlos Ruiz Zafón. Au second degré, Marina est d’ailleurs un livre assez drôle. Ce n’était peut-être pas l’intention de l’auteur.

2 commentaires:

  1. Ben dites donc, vous n'y allez pas de main morte quand vous n'aimez pas, vous ! Vous feriez presque peur...

    Aimez-vous les classiques, et les chroniquez-vous parfois ?

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  2. Je dis ce que je pense, y compris quand je suis déçu - j'avais apprécié d'autres romans de Zafón.
    Quant aux classiques, j'aime, oui, et j'aime surtout avoir, parfois (rarement), le temps de retourner vers eux. Mais, quand on s'occupe de livres (comme de n'importe quelle autre domaine), l'actualité est envahissante. (Je ne m'en plains pas.)

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