dimanche 31 mai 2009

Avec vue sur la rentrée littéraire (11) - Flammarion, août

Le programme est copieux. Je vous le donnerai en deux parties. Commençons par le commencement, c'est-à-dire les romans du mois d'août.

Serge Joncour, L'homme qui ne savait pas dire non (19 août)

Parfois le soir, seul devant la glace, il avance ses lèvres pour dire le mot, il les rassemble comme pour une moue ou un demi-baiser, il tend la bouche vers l'avant et cale les incisives pour souffler la décisive consonne, mais là, le mot ne vient pas, il lui reste sur la langue comme un chewing-gum qui refuserait de buller, un noyau de cerise.

On n'imagine pas dans quel embarras de ne plus pouvoir recourir à ce simple petit mot de négation si pratique dans la vie courante. C'est pourtant ce qui arrive à Beaujour, simple employé dans un institut de sondage. Grâce à un atelier d'écriture, il part à la recherche du mot perdu, quitte à remonter toute l'histoire.
Avec la sensibilité qu'on lui connaît, Serge Joncour multiplie les situations cocasses et compose un véritable roman des origines.

Serge Joncour est l'auteur de sept livres, parmi lesquels UV (Prix France Télévision 2003), L'Idole (Flammarion, 2005), Combien de fois je t'aime (Flammarion 2008). Il collabore à l'émission Les Papous dans la tête sur France Culture.

Pierre Stasse, Les restes de Jean-Jacques (19 août)

J'étais désarçonné. Manon venait de faire feu sur moi à deux reprises et pleurait comme une adolescente en proie au doute du premier amour. Ou simplement pleurait-elle comme n'importe qui ? N'importe qui avec un fusil.
Je ne pus prononcer le moindre mot et sortis avec un sac de vêtements. J'étais comme ivre de peur comprimée. Je ne cessais de murmurer, assez bas pour être mon unique confident : "Je suis Paul Léonard et je suis en vie, je suis Paul Léonard et je suis en vie."
Clairement, nous devenions tous fous.

Dans cette aventure réjouissante et fantasque, Paul Léonard, rêveur en attente d'une situation financièrement plus favorable, aura pour complices une fratrie russe et déjantée, une romancière de gare, un éditeur new-yorkais, quelques miliciens, et un teckel convaincu d'être un berger allemand. Bien entendu, il enterrera les mauvaises personnes et aimera, aimera inconsidérément, les bonnes.

Pierre Stasse est né en 1986. Les Restes de Jean-Jacques est son premier roman.

James Frey, L.A. Story (19 août)
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Marc Cholodenko

L'un des auteurs les plus célèbres et controversés des États-Unis nous livre ici son premier roman: une chronique audacieuse du Los Angeles contemporain. Des dizaines de personnages défilent sous les yeux du lecteur - certains ne font qu'une unique apparition - tandis que James Frey s'attache à narrer les vies dramatiques d'une poignée d'âmes perdues de Los Angeles: une jeune Latino-Américaine brillante et ambitieuse qui voit s'écrouler ses espérances dans un moment d'humiliation cuisante; un acteur de films d'action narcissique à l'excès que la poursuite d'une passion impossible risque de détruire; deux jeunes gens de dix-neuf ans qui fuient l'atmosphère étouffante de leur ville natale et se battent pour survivre aux marges de la grande ville; un vieil alcoolique de Venice Beach dont la vie est bouleversée par l’irruption d’une adolescente toxicomane à demi morte devant les toilettes où il a élu domicile.
Ce roman puissant résonne des millions d’autres vies qui, mises ensemble, décrivent une ville, une culture et une époque. L.A. Story, en un tour de force ébouriffant, déroule les joies, horreurs et hasards inattendus de la vie et de la mort dans la cité des Anges.

James Frey est originaire de Cleveland, Ohio. Il est l’auteur de Mille morceaux (Belfond, 2004) et Mon ami Leonard (Belfond, 2006). Il vit à New York.

Rabih Alameddine, Hakawati (19 août)
Traduit de l'anglais par Nicolas Richard

«Écoute. Permets-moi d'être ton dieu. Laisse-moi t'emmener dans un voyage au-delà de l’imagination. Laisse-moi te raconter une histoire.»
Le grand-père d’Osama était un conteur, un hakawati, et ses histoires ensorcelantes – son arrivée au Liban, orphelin des guerres turques, l’obtention de son nom de famille, al-Kharrat, qui signifie le « hâbleur » – se mêlent à des légendes classiques du Moyen-Orient, revisitées avec une verve éblouissante: Abraham et Isaac; Ismaël, père des tribus arabes; la légendaire Fatima; et Baïbars, le prince esclave qui vainquit les Croisés.
À la manière d’un authentique hakawati, Rabih Alameddine nous livre les Mille et une nuits du vingt et unième siècle – un roman drôle et captivant qui vous enchante et vous tient en haleine dès les premières lignes.

Rabih Alameddine est né à Amman en Jordanie de parents libanais, a grandi au Koweït et au Liban puis a étudié en Angleterre et aux États-Unis. Il est journaliste peintre et écrivain, auteur d’un recueil de nouvelles ainsi que de trois romans: Koolaids, I, the Divine, et Hakawati. Il partage son temps entre San Francisco et Beyrouth.

Simon Liberati, L'hyper-Justine (26 août)

Le mot de déréliction désigne un état de solitude morale, un abandon de Dieu. Pierre al-Hamdi avait beau ne plus croire en Dieu depuis une période de troubles qui avait suivi sa communion catholique, il trouvait que la déréliction lui allait comme un gant. L’image du gant, un peu convenue, lui vint alors qu’il regardait une vitrine au biais de la rue Saint Honoré et de la rue Duphot. Pas de gants, mais des bracelets et des ornements de coiffure si jolis, si compliqués, qu’ils arrêtèrent le sanglot qui lui envahissait la gorge. Les vêtements de femme, surtout ce qui s’attache à la parure ou à l’accessoire, avaient sur lui une vertu apaisante.

Décembre 2007, Pierre al-Hamdi, un petit escroc cogneur de femmes cherche une fille à aimer ou à rançonner dans le faubourg Saint-Honoré. Fasciné par une jeune Anglaise qu’il aperçoit à un balcon de la rue de Castiglione, il découvre qu’elle est mêlée à un curieux projet cinématographique: l’hyper-Justine. Sofia Coppola pressentie pour le diriger s’est associée avec une artiste contemporaine de renommée mondiale mais de réputation sulfureuse : Thérèse Legros de son vrai nom Marie Thérèse Adélaïde Atalante de Vermandois, marquise des Vertus. Jusque là rien qui puisse intéresser Pierre; le choc vient quand il découvre que le scénario du film librement inspiré de Sade raconte l’histoire de la mort de sa mère, mannequin volant, assassinée au Yemen en 1977 alors qu’il avait huit ans. Pierre se retrouve en face d’un adversaire redoutable, une séductrice sans foi ni loi dont la devise rien n’est vrai tout est permis résume le mode de vie. Bien qu’affaiblie par un début d’Alzheimer, Thérèse reste une intelligence de premier plan dont la perfection structurale n’a d’égal que l’hostilité à l’encontre de qui se met sur sa route. Par un curieux effet du hasard les deux adversaires que tout oppose sont unis par plusieurs liens mystérieux: le fétichisme, le goût de la cruauté, une hypersensibilité de prédateur et l’amour vorace des filles faciles. Une nuit de dupes, et de jeux de miroirs fascinants et pervers, va les mettre aux prises.

Simon Liberati est né en 1960 à Paris. Études de grammaire latine à la Sorbonne. Un peu de journalisme dans la presse de mode. Il a déjà publié deux romans chez Flammarion, Anthologie des apparitions (2004) et Nada exist (2007).

Thomas Lélu, Le Parisien (26 août)

Bonjour. J'ai trente-trois ans et depuis deux ans et demi je n'ai plus de cerveau. La raison en est simple, je suis tombé amoureux. J'étais blasé et cynique, je ne croyais en rien. Elle, elle était très belle mais avait dans le regard comme un genre d'étincelle. Je compris plus tard que si moi j'étais un peu con, eh bien elle, elle était complètement barge. Voici le récit de mes six derniers mois, présenté sous la forme d'un journal. Ainsi mon intention est de vous faire partager ce qui anime une passion amoureuse et ses effets désastreux sur l'organisme. Écrire ce livre fut mon salut, ou pas. C'est bien simple, je n'avais pas d'autres solutions. C'était écrire ou mourir. Ou pas…

Avec humour (on s’en doutait) et sincérité (ça c’est nouveau), Thomas Lélu raconte les affres et les joies de l’obsession amoureuse, les up et les down d’un couple qui ne cesse de se quitter pour mieux se retrouver. Ou pas.

Thomas Lélu est écrivain et artiste. Il est l'auteur du Manuel de la photo ratée et de Je m'appelle Jeanne Mass.

Alain Monnier, Je vous raconterai (26 août)

Dans une société laminée par la pauvreté et la violence, un homme misérable est au bout de ce qu'il peut endurer. Mais alors qu'il s'apprête à en finir, un mafieux lui propose de venir jouer à la roulette russe dans un luxueux cabaret, contre une forte somme d'argent. Il accepte, en sort indemne, mais totalement fasciné d'avoir frôlé la mort. Dès lors, il n'a de cesse de revenir jouer et de prendre de plus en plus de risques. Mais à force de défier avec tant d'insolence les lois de la probabilité, le héros du livre va devoir repenser son passé, déterrer des secrets profondément enfouis, et même se confronter à une passion flamboyante dont il se croit indigne. Ainsi va-t-il peu à peu reconstruire sa légende et reprendre pied dans la vie. Par ce jeu mortel, il va renouer avec le désir et avec la vie, avec le doute métaphysique et peut-être redevenir un simple mortel, un homme parmi les hommes.
Une fable sociale comme Alain Monnier en a le secret.

Alain Monnier est l'auteur de sept ouvrages parus chez Climats et d'un roman, Givrée, chez Flammarion, en 2006 (5 000 exemplaires en grand format, sortie J'ai lu à la rentrée). Il explore au travers de formes narratives variées, en jouant de contraintes toujours renouvelées, les zones floues de l'humaine condition moderne où se côtoient normalité et turpitudes.

Alexandre Lacroix, Quand j'étais nietzschéen (26 août)

Quand j'étais nietzchéen, je ne savais même pas écrire l'adjectif. J'hésitais toujours sur ces foutues consonnes, sur l'ordre exact dans lequel il faut placer le s, le z, le c, le t et le h: schzt? chszt? zchtzschzt? (…) Quand j'étais en pleine crise d'adolescence, que je vouais un culte à l'ennemi de tous les cultes, je me trompais à chaque coup sur le nom de mon idole. Mais peu importe. Quand j'étais nitszchéain, je m'estimais largement au-dessus des règles et des conventions en tous genres. Un surhomme n'a pas besoin de l'orthographe.

Début des années 1990. À 16 ans, quelques jours après son anniversaire, le héros découvre les oeuvres de F. Nietzsche. C'est le choc. Ce premier contact avec la philosophie va produire une déflagration, et modifier de fond en comble la trajectoire de ce jeune homme rangé. D'élève plutôt sérieux et obéissant, il devient du jour au lendemain un «nietzschéen pratiquant» et traduit toutes les idées iconoclastes qui lui bouillonnent dans la cervelle en actes: qu'il simule son suicide en cours d'allemand, interrompe par des vociférations une messe de Pâques à Notre-Dame de Paris, joue à l'«homme fort» en multipliant les agressions gratuites, frappant un chat errant ou blessant au visage une passante, l'adolescent s'efforce de mettre en pratique l'«inversion de toutes les valeurs». En toile de fond, sa vie sentimentale s'égare dans des intrigues étranges.
À l'heure où l'on voudrait nous faire croire que la philosophie a des vertus thérapeutiques, où les écoles de sagesse antiques sont présentées comme des remèdes possibles à la perte des repères contemporaine, ce roman remet les pendules à l'heure. Non, la philosophie n'est pas une médecine douce, mais une drogue dure.

Rédacteur en chef de Philosophie Magazine, Alexandre Lacroix signe un roman d'apprentissage inattendu. Après De la supériorité des femmes, qui retraçait une rupture amoureuse à l'âge adulte, ce livre est le 2e volet d'une trilogie autobiographique dans laquelle l'auteur raconte, sans ménager personne et surtout pas lui-même, ses passions.

Hadrien Laroche, La restitution (26 août)

Venu à Vilnius pour assister à une conférence sur la spoliation des œuvres d'art pendant la Seconde Guerre mondiale, Henri Berg séjourne dans une modeste pension dont les propriétaires organisent en sous-main un trafic d'enfants abandonnés ou kidnappés qui, en attendant leurs placements, transitent dans l'établissement. Il se lie à la jeune réceptionniste, Letitia, elle-même sans papiers et à la merci des truands, qui s'occupe des orphelins et conserve méthodiquement une trace de leur passage. En marge de la conférence il retrouve son ami Herbert Morgenstern qui consacre sa vie à tenter d'accepter le drame vécu par son propre père lors de la Shoah: musicien émérite, celui-ci fut, après son internement, contraint de participer à l'organisation méthodique de la spoliation des biens artistiques des familles juives, triés et entreposés entre le Quai de la Gare d'Austerlitz et le musée d'Art moderne, avant d'être expédiés à l'étranger.
La vie des objets et des enfants orphelins fait écho à celle d'Henri comme au destin de son propre père,
fils d'une grande famille de banquiers qui l'a brutalement écarté et rejeté. Ces événements invitent le fils à relire son histoire pour sortir enfin d'une servitude imaginaire dont il ignorait jusqu'alors les ressorts. Alors que la conférence s'achève, Letitia, Henri et Herbert se retrouvent pour tenter de mettre un terme à la tragédie vécue par les orphelins de l'hôtel…
Une enquête sur la filiation, la mémoire et l'identité au XXIe siècle, servie par une prose puissante et dense, alimente une réflexion subtile sur la spoliation, l'argent et la dette.

Né à Paris en 1963, ancien élève de l'École normale supérieure, Hadrien Laroche a publié des essais (Le Dernier Genet, Seuil, Fiction & Cie, nominé pour le prix Femina du meilleur essai; traduction anglaise et japonaise) et, depuis 2003, des romans (Les Orphelins, Allia, J'ai Lu; Les Hérétiques, Flammarion). Il a été correspondant des Inrockuptibles pendant dix ans. Il est aujourd'hui chargé de mission pour le Ministère des affaires étrangères.

Julien Capron, Match aller (26 août)

Il s'appelait Fénimore Garamande. Certains disaient: «C'est joli, ça vient d'où?» Et il leur répondait invariablement: «Du mauvais goût de mes parents.» Il avait le genre de gueule qui fait qu’enfant on passe par la gamme complète des surnoms désagréables. Mais que, des années plus tard, pas mal de femmes y lisent l’avenir de l’espèce. Arrivé dans l’ascenseur, il demanda à la glace de quoi il avait l’air. Elle réagit à sa question en chantonnant comme une gamine qu’il était amoureux. Il fit de son mieux pour lui répliquer que non, qu’il était seulement content parce que c’était la première fois depuis son arrivée ici qu’une affaire sérieuse semblait se présenter.

Volmeneur, pointe Nord de la République. Le club de rugby de la ville joue le premier match de la saison. À la fin de la rencontre, un corps carbonisé est retrouvé dans les vestiaires. C'est le premier meurtre d’une série, qui rejouera les scènes les plus sanglantes de la mythologie grecque.
Polar, épopée sportive, Match aller est une aventure peuplée de héros et de dieux, un poème qui dit l’émotion de conquérir son monde. Où l'Enquêteur Garamande mesurera son imagination à bien des énigmes. Dont les moins venimeuses ne sont pas celles qui portent talons aiguilles et rouge aux lèvres.

Julien Capron a fait des études de lettres et de journalisme. Il donne des cours d'écriture à Sciences-Po. Il est l’auteur d’Amende honorable paru chez Flammarion en 2007.

Kate Cambor, Belle Époque (26 août)
Traduit de l'anglais (USA) par Laurent Bury

Belle Époque tisse les biographies croisées de Jeanne Hugo, Léon Daudet et Jean-Baptiste Charcot: nés dans les années 1860, tous trois descendent de familles illustres au XIXe siècle (Jeanne est la petite-fille de Victor Hugo, Léon le fils d’Alphonse Daudet, Jean-Baptiste celui du professeur Charcot). Leurs familles sont très liées et ces jeunes gens grandissent presque ensemble. Léon et Jean-Baptiste vont faire des études de médecine avant de se tourner, le premier, vers le journalisme et la politique, le second, vers la mer et l’exploration scientifique; Jeanne épousera Léon avant de divorcer et d’épouser Jean-Baptiste, dont elle finira par divorcer aussi. Jean-Baptiste mourra en 1936, à bord du Pourquoi-Pas? Jeanne et Léon disparaîtront pendant la Deuxième Guerre.
Mais Kate Cambor possède un tel talent de narration et écrit avec une telle élégance que son livre excède très largement les trois destins qu’il évoque: «filmant» littéralement les événements (l’affaire Dreyfus, le scandale de Panama, la mort de Jaurès, la découverte de l’Antarctique…), fourmillant de personnages et d’arrêts sur image saisissants (par exemple le mariage de Léon et de Jeanne, où se pressent les people de l’époque), son livre se dévore comme un film, comme un roman… le roman de la Belle Époque.

Née en 1975, Kate Cambor a terminé en 2006 sa thèse au département d’histoire de Yale, et collabore par ailleurs à plusieurs journaux. Belle Époque (titre original: Gilded Youth) est son premier livre, à paraître en août 2009 chez Farrar, Straus et Giroux aux Etats-Unis.


samedi 30 mai 2009

Prix Nicolas Bouvier : Lieve Joris

J'ai rencontré Lieve Joris il y a presque vingt ans, en 1990, quand Mon oncle du Congo a été traduit en français. Si mes souvenirs ne me trompent pas, c'était peu avant la première édition du premier Festival Étonnants Voyageurs, dont je vous ai déjà pas mal parlé, puisque c'est maintenant la vingtième fois, par livres interposés. Je l'avais revue à Saint-Malo peu de temps après, c'était logique: elle y avait sa place.

Comme tout est dans tout (et réciproquement, ajoute une petite voix), Lieve Joris et Etonnants Voyageurs sont à nouveau réunis cette année: elle reçoit à Saint-Malo le prix Nicolas Bouvier pour son nouveau livre, Les Hauts Plateaux. Je viens de le terminer.
Elle y raconte un voyage à pied dans l'est de la République démocratique du Congo, une région peu propice au tourisme, troublée par des luttes incessantes pour le pouvoir et où peu de Blancs s'aventurent. Encore moins une femme, cela va sans dire...
Pourtant, elle y va, avec une valise Samsonite que tout le monde lui a déconseillé d'emporter (après lui avoir déconseillé le voyage), mais qui représente pour elle un bloc de certitudes auquel elle peut s'accrocher dans les moments difficiles. Presque un grigri...
Les moments difficiles ne manqueront pas. Personne en revanche ne lui avait prédit des moments de bonheur. Et il y en aura aussi, qui la surprendront parfois. A tel point qu'elle se sentira comme arrivée chez elle sur ces Hauts Plateaux moins inhospitaliers que prévu. Il faut dire qu'elle passe beaucoup de temps à bavarder avec tout le monde. Elle en tire non pas une connaissance approfondie de ce qu'est cette région, mais des impressions qu'elle restitue avec talent - ses lecteurs connaissent la qualité de ses livres.
Le plus intéressant d'un récit de voyage réside peut-être dans ses limites, quand elles sont avouées. La lassitude. L'à quoi bon? Un exemple, alors qu'elle est bloquée dans un village en raison de l'absence provisoire de son guide:
Que vas-tu faire là? Il n'y a rien à voir chez nous. Enfoncés dans leur col, les gens marchent dans les collines et se mettent au lit à quatre heures de l'après-midi tellement ils s'ennuient. Les avertissements de mes amis de la vallée résonnaient en moi. Il était préférable de rester en mouvement ici, car, dès qu'on s'arrêtait, le temps s'immobilisait. Personne n'avait besoin de moi, au contraire, je dérangeais: je ne portais pas de pagne, tenais ma canne dans ma main gauche, ne témoignais pas de ma foi, ne venais pas apporter de moulins ou de médicaments ni lancer des projets ou distribuer des bourses - oui, que faisais-je ici, au fond?
Que faisait-elle là, au fond? Terminer un voyage commencé vingt ans plus tôt, et dont ce dernier volet n'est pas le moins touchant.

D'autres prix sont attribués à Saint-Malo ce week-end:
Le prix Robert-Ganzo de poésie à Franck Venaille pour son recueil Ça.
Le prix Joseph-Kessel de la Scam à Erik Orsenna pour L’avenir de l’eau.
Le prix Gens de mer à Karsten Lund pour Le marin américain.

Avec vue sur la rentrée littéraire (10) - Grasset

Oh! un nouveau Beigbeder! Tiens! PPDA passe par là! Le programme de Grasset, c'est un défilé people. Avec, parfois, de vrais livres sous les noms de ceux qui les signent.
Revue de détail.

José Alvarez, Anna la nuit

Né en 1947, en Espagne, José Alvarez, créateur des Editions du Regard, est spécialisé dans l’art, les Arts décoratifs et l’architecture du XXe siècle. Il a notamment participé à la rédaction du Dictionnaire de l’art moderne et contemporain paru aux Editions Hazan, est l’auteur de l’Art de vivre à Paris entre autres, aux Editions Flammarion, et collabore régulièrement à des revues d’art. Il a choisi de s’établir à Paris.

A la fin des années 1960, le narrateur a éprouvé une passion pour une femme sublime que la mort a toujours hantée. Comment vivre un amour quand chaque instant semble menacé? C’est cette relation tour à tour orageuse et radieuse, traversée de tempêtes et d’aurores, de sexe et d’effroi que décrit ce roman. On y croise les Stones, les Beatles, les Doors, Helmut Newton et bien d’autres encore, personnages élégants, bohèmes et souvent désœuvrés qui, entre Paris, Londres et Lanzarote, mènent une vie de plaisir, agitée et brillante.

Michka Assayas, Solo

Michka Assayas est romancier (Exhibition, paru chez Denoël en 2002) et référence absolue dans l’univers musical contemporain. Il est l’auteur du Dictionnaire du Rock dans la collection «Bouquins» et co-auteur avec le chanteur Bono de U2, de Bono par Bono (Grasset).

Le héros de ce roman, micro-star de la culture rock underground, trouve, un jour, un étrange message sur la boîte vocale de son téléphone: une fille, ancienne fan de son émission de radio et qui fut brièvement sa maîtresse, lui apprend que, cinq ans plus tôt, elle a été enceinte de lui, qu’elle a avorté, et elle lui demande de «payer» les frais – dérisoires, en vérité – de son IVG. Or, ce message, jailli d’un passé depuis longtemps enseveli, plonge le narrateur de cette histoire dans un désarroi sans pareil: où en est-il avec sa vie? Pourquoi flotte-t-il dans son destin? Qu’a-t-il fait de ses espérances? A qui, à quoi, s’accrocher pour survivre dans ce monde bruyant où, par une facétie de la providence, son destin l’a jeté?
A partir de là, cet anti-héros va se souvenir, revoir des amis et des amours, écouter de la musique, regarder la télé, partir à la recherche de lui–même au fil d’une épopée dérisoire, drolatique, pathétique… On s’avise bientôt que ce narrateur est véritablement «possédé» par tous les sons (politique, médiatiques, musicaux…) qui forment la patrie inconsciente de sa génération. D’où l’écriture de ce roman, qui se décline sur plusieurs registres, du dialogue au délire, de l’harmonie au chahut, de l’idéologie au «people»…
Au final, ce narrateur atterrira, plus ou moins cabossé, sur son identité en vrac. Il se résoudra à n’être que lui-même, un peu maussade mais serein. La voix lointaine de cette fille – retrouvée dans des circonstances saugrenues, à la fin du roman – lui aura, au moins, permis de trouver sa place dans le monde.

Frédéric Beigbeder, Un roman français

Né à Neuilly sur Seine, chroniqueur à Lire et animateur du Cercle à Canal Plus, Frédéric Beigbeder est l’auteur chez Grasset de : Vacances dans le coma (1994), L’amour dure trois ans (1997), 99 francs (2000), Windows on the World (2003, Prix Interallié), L’égoïste romantique (2005), Au Secours pardon (2007).

Cela pourrait commencer ainsi: «Je venais d’apprendre que mon frère était promu chevalier de la Légion d’Honneur, quand ma garde à vue commença». Ou ainsi: «Je ne me souviens pas de mon enfance». Mais en fait ce serait le même livre: celui de la mémoire et de l’enfance retrouvée, un Du côté de Guethary dans l’été inachevé de la côte basque où les parents de Frédéric se rencontrèrent, mais aussi le passage à l’âge d’homme, la mue d’un gamin immature en adulte pacifié.
Le 28 janvier 2008, Frédéric l’écrivain media-choc, le personnage public, le noceur, est interpellé pour usage de stupéfiants sur un capot de Chrysler noire, dans la rue; il aggrave son cas en fuyant la patrouille de police! En garde à vue, dans une cellule puante de deux mètres carrés, on a le temps de réfléchir. Qui est-on? Qu’a-t-on pu faire entre 0 et 13 ans? De qui suis-je né? Pourquoi suis-je amnésique?
Commence alors un roman français, une généalogie aux doux noms de pays qui va chercher du côté du Béarn (le père) où une élégante maison familiale, la Villa Navarre, reçoit Paul-Jean Toulet et Paul Valéry, et touche à l’aristocratie désargentée par la mère. Alors que gémissent les compagnons de cellule, Frédéric se souvient enfin, de l’histoire de France et d’un slow, d’une plage à Biarritz et du divorce, de la timidité et de la célébrité.

Samuel Benchetrit, Le cœur en dehors

Samuel Benchetrit est écrivain (Chroniques de l’Asphalte, tomes 1 et 2 parus chez Julliard), cinéaste (Janis et John, et son dernier film: J’ai toujours rêvé d’être un gangster, prix du scénario du Sundance Film Festival) et acteur. Il est, par ailleurs, auteur de théâtre: Comédie sur un quai de gare. Elevé en banlieue, en «cité», il a choisi ce décor, mais en en faisant, contrairement aux discours en vogue, un séjour heureux et poétique, pour servir de toile de fond à son écriture nerveuse et froissée.

Ce roman, c’est l’histoire de Charlie Traoré, un gamin, dix ans, black d’origine malienne, adorable, vivant en banlieue, entre la Tour Rimbaud et la Tour Simone de Beauvoir, et dont tout l’univers se résume aux copains, à une amoureuse prénommée Mélanie, à son frère drogué, et à sa mère surtout - qui, au début du livre, est «appréhendée» par la police car ses papiers ne sont pas en règle. Pendant toute cette journée (les chapitres du livre, d’ailleurs, se contentent d’être titrés par l’heure qui tourne), Charlie va errer dans sa cité. Il va chercher son frère Henry, rendre viste à des braves gens, frôler des voyous, jouer au foot, sécher l’école, rêver, suivre ses folles associations d’idées, ses digressions d’enfant-adulte, attendre sa mère, si douce, si aimante…
Mais ce roman, c’est surtout une langue, un style, une vision innocente du monde. Ici, c’est Charlie qui parle, pense, regarde – et il est alors difficile de ne pas évoquer à son sujet le légendaire Attrape-cœur de Salinger. Car le petit Charlie est vraiment attachant et le regard qu’il pose sur sa «cité» sordide et magnifiée est, à chaque ligne, rempli de drôlerie et d’éblouissement. Au début du livre, il croit que Rimbaud n’est qu’une Tour. A la fin du roman,  il saura que c’était un poète qui dit des choses qui lui semblent vraies et proches. Son Odyssée de l’aube jusqu’au soir, est de celles qui ne s’oublient pas. Pas l’ombre d’un misérabilisme ici: un enchantement de tendresse et d’humour.

Sorj Chalandon, La légende de nos pères

Sorj Chalandon, 55 ans, a été journaliste à Libération. Il a couvert des événements comme la guerre du Liban, le Tchad, le drame de Bhopal, la Somalie, l’Afghanistan, la guerre Iran-Irak ou la guerre du Golfe, mais aussi les faits de notre quotidien. Ses reportages sur l’Irlande du Nord et le procès Klaus Barbie lui ont valu le prix Albert Londres en 1988. Il a publié Le petit Bonzi (2005), Une promesse (2006, Prix Médicis) et Mon Traître (2008).

Après avoir été journaliste à la Voix du Nord, Marcel Frémaux est devenu biographe familial. «Toute vie mérite d’être racontée», disent ses publicités, et c’est pour cela que ses clients se confient à lui. Il les écoute, met en forme leurs souvenirs, les rédige puis fait imprimer un livre destiné aux amis ou au cercle familial.
Un matin, Lupuline Beuzaboc se présente au biographe.
Tescelin, le père de Lupuline, ancien cheminot du Nord de la France, était un Résistant, un partisan de l’Armée des ombres. Dédaigneux des hommages, il n’a raconté sa bravoure qu’à sa fille. Alors, pour ses 85 ans, Lupuline veut offrir à son père les mémoires de son combat. Elle veut ramener son passé glorieux en pleine lumière. Le vieil homme est réticent. Embarrassé. En colère même de tout ce tapage. Et puis il accepte.
Marcel Frémaux va s’atteler à cet ouvrage avec passion. Pierre Frémaux, son père, fut un Résistant. Comme le vieux Beuzaboc, un partisan de l’Armée des ombres, silencieux et dédaigneux des hommages. Mais son père n’a jamais rien raconté. Et il est mort, laissant son fils sans empreinte de lui.
En écoutant Beuzaboc, c’est son père que le biographe veut entendre. En retraçant sa route, il espère enfin croiser son chemin. Mais rien ne se passe comme il le pensait. Et plus Beuzaboc raconte, plus le doute s’installe. C’est par une poignée de mains, que le biographe et le vieil homme avaient scellé leur pacte de mémoire. Ensemble, ils franchiront les portes de l’enfer.

Dany Laferrière, L’énigme du retour

Né à Haïti en 1953 et vivant au Canada depuis plus de trente ans, Dany Laferrière a publié trois romans chez Grasset qui ont rencontré un grand succès critique : Le Goût des jeunes filles (2005), Vers le Sud (2006), Je suis un écrivain japonais (2008). Il pose d’une manière toute personnelle la question de l’identité et de l’exil.

L’Enigme du retour (référence au livre de V.S. Naipaul, L’Enigme de l’arrivée, mais aussi au tableau de Giorgio De Chirico portant le même titre) est le grand roman de la maturité de Dany Laferrière. On y retrouve son personnage de l’écrivain qui ne fait apparemment rien que prendre des bains dans son appartement à Montréal. Un matin, on lui téléphone: son père vient de mourir. Son père qui, dans un parallèle saisissant, avait été exilé d’Haïti par le dictateur Papa Doc, comme le narrateur, des années plus tard, l’avait été par son fils, le non moins dictatorial Bébé Doc.
C’est l’occasion pour le narrateur d’un voyage initiatique à rebours. Le narrateur part d’abord vers le Nord, comme s’il voulait paradoxalement fuir son passé, puis gagne Haïti pour les funérailles de son père. Accompagné d’un neveu – qui porte le même nom que lui –, il parcourt son île natale dans un périple doux et grave, rêveur et plein de charme, qui le mène sur les traces de son passé, de ses origines. Mais revient-on jamais chez soi?
Un roman d’une facture extrêmement originale: il est en vers libres, d’une lecture très fluide, rythmée et toute en séduction.

Jean-Pierre Milovanoff, L’Amour est un fleuve de Sibérie

Né à Nîmes d’un père russe et d’une mère provençale, romancier, dramaturge, poète, Jean-Pierre Milovanoff est l’auteur d’une œuvre importante où l’on retiendra, entre autres, L’Offrande sauvage (Prix des Libraires 2000), La mélancolie des innocents (2002, Prix France Télévisions), Le Pays des vivants (2005) et Emily ou la déraison (2006).
   
Au départ de ce beau roman, écrit dans la langue même de la mélancolie, mais corrigée par le sens de l’absurde, il y a une voix qui apostrophe le sosie de l’auteur, M. Milianoff: «On se connaît depuis longtemps. Vous fréquentiez le café-hôtel de La Bélugue. Ma mère vous réservait toujours sa meilleure chambre».
La voix, c’est celle de Silvio, gardien d’un camping au bord de la mer en Camargue, entre ses caravanes vides et ses bungalows clos, un rêveur, un doux perdu, l’un de ces personnages hésitants que l’auteur affectionne. Silvio n’a pas connu son père et croit le retrouver en Milianoff. Mais sommes-nous certains de nos désirs de fils? Commence alors une enquête sentimentale qui nous mène à la fois dans le passé, sur une plage venteuse de Camargue, décor d’un hôtel au charme fragile, mais aussi au présent des protagonistes retrouvés. Ressuscitent les figures d’un passé englouti, comme submergé par les inondations qui finiront par l’emporter: la mère de Silvio, belle femme de 38 ans à la solitude tendre, Johnny Wood, vrai-faux guitariste à l’accent de l’Alabama mais en fait un plus banal fils de famille du Languedoc au cœur volage, le Yachtman, un skipper à terre qui attend indéfiniment qu’on répare le gouvernail de son voilier et sirote son vin blanc, et Silvio bien sûr, enfermé dans sa chambre à écouter de la musique, si peu réaliste qu’il deviendra le gardien des ruines.

Gérard Oberlé, Mémoires de Marc-Antoine Muret

Gérard Oberlé est l’auteur chez Grasset de Retour à Zornhof (Prix Découvertes Le Figaro Magazine, Prix des Deux magots, 2004), Itinéraire spiritueux (Prix Mac Orlan, Prix Edmond de Rotschild, Prix Rabelais, 2006) et d’un recueil de chroniques musicales (La vie est ainsi fête, 2007). Expert en livres anciens, il est aussi chroniqueur à Lire.

«Les esprits sérieux penseront que pareilles fantaisies ne méritent pas d’être rapportées par écrit. Je leur répondrai que mon récit n’est rien d’autre que bavarderie et digressions, autrement dit vagabondages de geai ou de pie sur les sentiers d’à côté. Quand mon héritier flânera dans vingt ou trente ans dans ces cahiers, il feuillettera ses souvenirs d’enfant et se souviendra de moi en souriant».
Marc-Antoine Muret a vécu «deux vies de même durée, mais fort dissemblables, car la seconde fut comme l’antithèse de la première». Humaniste, professeur, maître de Montaigne et orateur des Papes, il fut aussi hédoniste, poète, grand amateur des plaisirs charnels – ripaille et lupanar. Muret raconte son amour pour toutes les nourritures terrestres, évoque l’esprit de la Renaissance, ses amis de la Pléiade, les réjouissances inspirées de l’Antiquité. Il rencontre, au gré de son errance, une foule bigarrée de personnages hauts en couleurs, gentilshommes et canailles, femmes savantes et courtisans. Dans ce siècle baroque (XVIème siècle), l’Europe renaît! Mais l’Europe vit aussi avec ses vieux démons, la morale exigeante et les guerres de religion. Marc-Antoine Muret traverse le meilleur comme le pire, mais reste toujours fidèle à ses principes: «Le plaisir était mon idéal, jouir était ma loi».
Entre élégance du style et jargon coquillard, bacchanales et rites phalliques, la liberté grivoise et l’érudition vive, jamais pédante, de ces mémoires sont contagieuses. Un roman admirable, plus moderne qu’il n’y paraît: la passion amoureuse d’un homme pour un autre, chassé de Toulouse, condamné au bûcher, forcé de fuir Paris pour Rome.

Patrick Poivre d’Arvor, Fragments d’une femme perdue

Patrick Poivre d’Arvor est l’auteur d’une trentaine d’ouvrages, seul ou en collaboration avec son frère Olivier, qui ont souvent rencontré les faveurs du public.

Cette fille «perdue» (pour elle-même? pour celui qui prend le risque d’en être follement épris?) s’appelle Violette, comme l’héroïne de la «Traviata». Elle est très belle, insaisissable, fourbe – mais, malgré cela, à cause de cela, elle devient l’obsession d’un homme, Alexis.
Précision: ce roman, qui illustre un genre très classique, depuis La femme et le pantin de Pierre Louys, jusqu’à Un amour de Dino Buzatti ou La vilaine fille de Mario Vargas Llosa) a, ici, une forme particulière, éclatée, «fragmentée», faite de lettres, de composition «polyphonique». Par brèves séquences, on passe ainsi d’un point de vue à l’autre. Personne ne détient la vérité. Chacun est libre de s’aveugler à sa guise…
Quant à l’intrigue, elle se déroule, inéluctable, jusqu’à un dénouement fatal. Au passage, il en aura vu de toutes les couleurs (mensonges, tromperies, trahisons, passions, déceptions…) pour une fille qui, comme d’habitude, «n’était pas son genre».

Bruno Tessarech, Les sentinelles

Bruno Tessarech, né en 1947, a animé un établissement d’enseignement expérimental et enseigné la philosophie avant de se consacrer à l’écriture. Il a publié des romans, parmi lesquels La Machine à écrire, Les Grandes Personnes, La Femme de l’analyste, et des récits littéraires, dont Villa blanche, tous réédités en Folio.
Les Sentinelles est son premier roman publié chez Grasset. 

Il s'agit ni plus ni moins que de l'ambitieuse mise en fiction de la grande question du «qui savait quoi, et quand?» sur la Shoah durant la Seconde guerre mondiale.
L'auteur mêle les personnages inventés (le narrateur Patrice Orvieto, jeune diplomate, son frère Sergio, Françoise, l'épouse d'un responsable du MI-6 anglais, agent double travaillant pour les Soviétiques) et les personnages historiques. On y suit la tentative désespérée des "sentinelles" au destin tragique pour alerter les opinions occidentales sur les atrocités commises à l'Est: le fameux Kurt Gerstein, Ian Karski, résistant polonais qui a assisté au génocide à Belzec, Samuel Zyghelboïm, témoin impuissant des horreurs dans le ghetto de Varsovie... On y retrouve Hitler concevant l'Holocauste, Eichmann le planifiant, von Braun utilisant ses esclaves des camps dans ses usines de Peenemune et de Dora avant de négocier ses archives et sa collaboration avec les Américains pour finir par triompher en parvenant à envoyer en 1969 des hommes sur la lune... On y assiste aux révélations faites puis tues à Churchill, à Roosevelt, et aux dilemmes de chacun des chefs d'Etat face à l'horreur.
De la conférence d'Evian en 1938 à la mort de Karski en 2000, c'est le demi-siècle le plus noir de notre histoire contemporaine que traverse le narrateur de ce roman vrai, tour à tour jeune stagiaire à la Conférence d'Evian, puis, ayant rejoint la France libre à Londres, devenu intermédiaire entre le MI 6 britannique et le 2e bureau français, de plus en plus troublé par les révélations incroyables qui lui sont faites, de plus en plus désespéré de ne pouvoir relayer la parole des "sentinelles" auprès de ceux qui auraient eu le pouvoir de faire cesser le massacre.

Sujit Saraf, Le trône du paon
Traduit de l’anglais par Françoise Adelstain

Sujit Saraf est né dans le Bihar, en Inde, en 1969. Il suit des études à Darjeeling puis à Delhi, où il obtient un diplôme d’ingénieur à l’Institut Indien de Technologie. Il écrit ensuite sa thèse à la prestigieuse université de Berkeley, en Californie. Chercheur scientifique à la NASA pendant quelques années, puis enseignant à l’IIT de Delhi, il est actuellement installé à Palo Alto, en Californie où il mène des travaux de recherche sur les missions spatiales et le contrôle des satellites. Parallèlement à ses activités scientifiques, Sujit Saraf est directeur artistique d’une compagnie de théâtre et de cinéma, Naatak, près de San Francisco. Le trône du paon est son premier roman.

Nous sommes en 1984, à Dehli. Le matin se lève sur le bazar joyeux et bigarré du plus grand marché de la ville, Chandni Chowk, gigantesque complexe de petites boutiques où il se vend de tout. Gopal Pandey, marchand de thé chai, s’éveille en sursaut et s’apprête à ouvrir son échoppe quand il se rend compte que la foule du marché est en émoi… Que se passe-t-il? Bientôt la rumeur lui parvient: le Premier ministre, Indira Gandhi, vient d’être assassinée. C’est très vite la confusion: tous s’agitent, courent en tous sens; il y a ceux qui sont fous de joie en apprenant la mort de la «putain», et ceux qui pleurent leur guide.
Les esprits s’enflamment, les communautés s’affrontent dans un embrasement populaire qui dégénère: les Hindous crient vengeance contre les Sikhs. Dans le chaos, Gopal recueille quelques hommes qui tentent d’échapper à l’émeute – y compris un certain Gyan Singh, dont personne ne sait qu’il est accusé d’être l’assassin d’Indira…
Le roman se déroule en cinq parties, de 1984 à 1998. Des pogroms contre les Sikhs, pourchassés et mis à mort dans Delhi pour venger la mort du Premier ministre au triomphe du BJP, le parti nationaliste hindou qui a fait du refus des Musulmans son cheval de bataille, tout se passe dans le Vieux Delhi, où cohabitent de façon tumultueuse Hindous, Musulmans, Sikhs, Jains et Chrétiens. Cet immense bazar, parcouru d’inextricables ruelles offre un condensé de toutes les populations, castes et sous-castes du pays.

Clive Cussler et Paul Kemprecos, Tempête polaire
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Jean Rosenthal

Clive Cussler est l’auteur de nombreux romans chez Grasset, dont L’Or des Incas, Sahara, Dragon, Atlantide, Odyssée et Pierre sacrée. Découvreur d’épaves, il est membre de la Société Géographique Royale de Londres, du Club des explorateurs de New York et il préside l’Agence nationale maritime et sous-marine (NUMA).
Paul Kemprecos est journaliste et auteur de plusieurs thrillers, pour lesquels il a reçu le prix Shamus. Publié en France par Grasset, il est l'auteur du Meurtre du Mayflower (2002), et de Blues à Cape Cod (2003), romans qui mettent en scène le détective Aristote Socaridès. Il co-écrit également la série des aventures de Kurt Austin avec Clive Cussler, dont sont parus : Serpent (2000), L'or bleu (2002), Glace de feu (2005), Mort blanche (2006) et A la recherche de la cité perdue (2007). Le septième titre paraîtra en 2010.

L’inversion polaire: un phénomène naturel qui s’est produit à maintes reprises par le passé. De faible ampleur, elle ne fera que désorienter la faune marine et les oiseaux, paralyser les systèmes électriques. Mais si l’attaque est forte et que les éléments se déchaînent, elle s’accompagnera d’un véritable cataclysme – glissement des plaques tectoniques, tremblements de terre, éruptions volcaniques – capable de précipiter la fin du monde…
En pleine Seconde Guerre mondiale, Kovacs, un excentrique génie hongrois, découvre comment provoquer une inversion des pôles à l’aide d’ondes électromagnétiques.
Mais on perd toute trace de lui et de ses travaux… jusqu’au jour où le leader d’un groupe altermondialiste essaie d’utiliser les théories de Kovacs en guise d’avertissement aux puissants de ce monde. Or, une fois que le processus est enclenché, plus rien ne peut l’arrêter.
Kurt Austin, Joe Zavala et les autres membres des opérations spéciales de la NUMA vont devoir sillonner les océans et essuyer bien des tempêtes afin de mettre la main sur l’antidote qui pourra sauver le monde…


vendredi 29 mai 2009

La littérature, enjeu géopolitique?

Le sujet revient régulièrement sur le tapis et la proximité du Festival Étonnants Voyageurs, que j'ai évoqué plusieurs fois ces derniers jours, est une belle occasion. Courrier international traduit ainsi, cette semaine, un article de Jonathan Derbyshire paru à Londres dans le New Statement: Vous avez dit littérature-monde?
Il s'agit d'examiner l'importance relative des langues dans lesquelles s'écrit la littérature d'aujourd'hui - et en particulier de peser les places respectives de l'anglais et du français.

Jonathan Derbyshire rappelle à bon escient que cette littérature-monde n'est pas une invention contemporaine. Goethe parlait déjà de Weltliteratur au début du dix-neuvième siècle. "Il concevait la littérature mondiale comme une série d’échanges entre les littératures nationales qui finirait par donner naissance à une sorte d’“humanité universelle”." Ce concept n'était pas pour autant dénué d'une arrière-pensée plus sournoise. Dans l'esprit de Goethe, il allait de soi que la langue commune à cette littérature universelle devait être l'allemand.
Ou comment détourner une idée apparemment humaniste en moyen d'expansion nationaliste...
J'avoue ne pas avoir creusé les théories de Goethe sur ce thème. Mais la démonstration de Jonathan Derbyshire paraît assez convaincante pour l'accepter.
A défaut de suivre le grand écrivain allemand sur ce chemin, on peut toujours le retrouver en créateur dans ses trois interprétations du mythe de Faust, qui viennent d'être traduites dans un seul volume - il semble que ce soit la première fois.

Je reviens à l'article qui a éveillé ma curiosité ce matin. Jonathan Derbyshire s'en prend (j'ai failli écrire: évidemment) à Le Clézio. Depuis que l'auteur de Ritournelle de la faim a reçu le prix Nobel de littérature à la fin de l'année dernière, il est en effet d'autant plus exposé à la critique qu'il est devenu très visible. Son discours de réception du Nobel n'a pas séduit, c'est le moins qu'on puisse en dire, Jonathan Derbyshire: "La plus grande partie de ce discours, intitulé “Dans la forêt des paradoxes”, est, franchement, assez anodine: une suite de banalités sur les avantages de la mondialisation et de la décolonisation, au cours de laquelle Le Clézio s’interrompt un instant pour se demander si Hitler aurait pu perpétrer ses crimes si Internet avait existé au début des années 1930."
C'est, me semble-t-il, une vision assez courte de ce texte. Passons...
Jonathan Derbyshire relève aussi l'injustice que voit Le Clézio dans le fait que des écrivains pratiquant une langue peu parlée (et, forcément, peu lue) doivent s'exprimer "dans la langue des conquérants - en français ou en anglais" pour être entendus dans le monde. Et l'auteur de l'article d'ironiser sur le fait que Le Clézio considère, en disant cela, le français comme une des langues dominantes.
On l'entend presque ricaner... Pourtant, son argumentation devient à partir de là moins solide.

Il a pourtant reconnu que le prix Nobel de littérature n'était plus allé à un écrivain américain (pays dominant de la langue dominante?) depuis 1993 (Toni Morrison, dont Un don vient de paraître en français). Mais, explique-t-il, c'est seulement en raison d'un fâcheux a priori de l'Académie suédoise pour le secrétaire permanent de laquelle "l'Europe reste le centre du monde littéraire." Ce qui représente, je l'admets volontiers, un jugement à l'emporte-pièce sans base sérieuse.
Quant à cette littérature-monde, poursuit en substance Jonathan Derbyshire, voyez plutôt: après Goethe qui l'a inventée, après les Anglo-saxons, et en particulier les écrivains originaires de l'ex-Empire britannique qui l'ont imposée, elle n'est jamais, en français, qu'une pâle imitation destinée à se diluer dans la littérature de langue anglaise. (Je résume, je ne crois pas trahir.)
CQFD.
Sinon que considérer la création littéraire comme l'enjeu de rapports de force basés sur l'influence réelle ou supposée de telle ou telle langue m'a toujours semblé une absurdité. Les qualités d'un auteur n'ont aucun rapport avec la langue qu'il pratique. Sa notoriété internationale, c'est une autre histoire. Mais parlons-nous de littérature ou de géopolitique? En ce qui me concerne, mon choix est fait depuis longtemps.


jeudi 28 mai 2009

Encore quelques voyages

Je n'en ai pas fini avec les voyages (le premier épisode est ici.) Et j'en profite pour compléter la note que j'avais écrite au début du mois, Satisfait ou remboursé!, puisque le troisième volume de cette opération promotionnelle vient de paraître. Paul Torday nous y emmène dans une Partie de pêche au Yémen.
En réalité, on n'y va pas tout de suite, au Yémen. Il y a même un long travail préparatoire, mais par lequel il faut absolument passer pour tout comprendre - et, puisque c'est passionnant, c'est bien ainsi.
Tout part d'un projet pour le moins farfelu qui consiste à implanter le saumon d'Écosse dans une rivière du Yémen. Alfred Jones, biologiste d'une grande compétence, écarte l'idée d'un revers de la main: absurde, impossible, n'en parlons plus. Sinon que sa hiérarchie et même le gouvernement britannique, semble-t-il, voient la tentative d'un bon oeil. Elle permettrait d'offrir au Royaume Uni une place nouvelle sur des territoires où la présence militaire en Irak ne lui a pas donné bonne presse.
Le pari semble perdu d'avance. Piqué au vif, Alfred Jones donne le meilleur de lui-même, sympathise avec le cheik amateur de pêche dont la volonté doit être faite... Et si, finalement, c'était possible?
Monté en grande partie comme une enquête survenant après des événements qui... que..., enfin, vous verrez bien, c'est d'autant plus drôle que cela a l'air très sérieux.

Un autre roman nous transporte dans la Suite indienne de Paul Theroux. Au fait, le livre ressemble plus à un ensemble de trois nouvelles qu'à un roman. Mais, de l'une à l'autre partie, des personnages passent et repassent, quand ils ne s'installent pas dans le même lieu. Si bien que les échos donnent à l'ouvrage les qualités d'une fiction dans laquelle on s'installe.
D'ailleurs, n'est-il pas agréable de s'installer en Inde? Peut-être, si l'on n'en voit que les meilleurs aspects, ceux que goûtent les touristes ou les hommes d'affaires. Paul Theroux, qui a beaucoup voyagé et aime envisager le revers de la médaille, ne se contente pas des clichés. Son Inde, celle dans laquelle se trouvent les personnages, est un pays opaque pour l'Occidental. Même quand il croit avoir tout compris, il ignore encore les réels dangers qu'il peut courir.
Chacun des trois chapitres - appelons-les ainsi - propose une chute plutôt abrupte, et qui oblige à reconsidérer tout ce que nous pensions avoir découvert dans les pages précédentes. Une certaine vérité est brutalement mise au jour, avec laquelle il n'est plus possible de négocier.
Un livre assez effrayant, somme toute, bâti comme un thriller où l'effet de surprise surviendrait trois fois.

Anna d'Arabie: La cavalière du désert (1878-1879) est un de ces récits dont se régalaient, au dix-neuvième siècle, les lecteurs de la revue Le Tour du Monde. Aventure et exotisme sont au rendez-vous dans un long parcours à travers le désert qui, aujourd'hui encore, peut-être même en raison du gros siècle passé depuis, a tout pour plaire. D'autant que les gravures d'époque ajoutent au charme de l'ouvrage.
Anna Blunt est prête à tout et ne s'étonne de rien. Mais elle observe avec attention la vie des hommes et des femmes. Elle dit la fatigue et les difficultés. Nombreuses, les difficultés: les régions traversées ne sont pas sûres, les pistes sont hypothétiques, les points d'eau, rares...
Elle dit aussi, et surtout, le bonheur d'être là: "C'est un rêve d'être assise là, à rédiger son journal, sur un roc du djebel Shammar. [...] Wilfrid déclare que maintenant il mourra satisfait, même si l'on nous coupe la tête à Haïl."

Plus près de nous dans le temps, Romain Gary est parti chercher Les trésors de la mer Rouge. Les a-t-il trouvés? Oui:
Ce ne sont ni les trésors engloutis qui dorment au sein des grands fonds sous-marins que je suis allé chercher pour vous sur ces eaux que l'art des conteurs arabes a peuplées de fabuleuses histoires. Ni les perles que l'on n'y pêche plus guère, ni les rubis, émeraudes et diamants que l'eunuque Murad a jetés, dit-on, dans la mer Rouge par l'ordre de son maître Ibn Séoud, afin qu'ils rejoignent dans l'inaccessible le fils préféré du dernier conquérant d'Arabie des temps modernes. Ni l'or clandestin transporté par les boutres aux mâts obliques vers les coffres des trafiquants indiens.
Les trésors que j'ai ramenés de là-bas sont immatériels et, lorsque la plume ne s'en saisit pas, ils disparaissent à jamais.
Et la récolte est belle sous sa plume...


mercredi 27 mai 2009

Le prix Roger Nimier à Xavier Patier

Les prix littéraires ont du bon: le prix Roger Nimier, attribué hier au Silence des termites, de Xavier Patier, vient de me pousser à lire ce roman paru en janvier, et que j'aurais peut-être tout à fait oublié sans cette récompense. Je n'ai pas perdu mon temps.
Œuvre d'anticipation située vers 2040, le roman présente d'emblée une société qui a bien changé. Le jour où il s'ouvre, la population de Montpellier se livre, sur ordre du pouvoir et plus ou moins consentante, à un gigantesque autodafé de tous les équipements sportifs accumulés depuis des années. Le sport individuel est en effet déconseillé et le sport collectif totalement interdit, comme d'ailleurs le spectacle du sport. Tout le monde n'approuve pas la décision qui, à certains, paraît quand même aller dans le sens d'une humanité plus saine, en raison des dérives provoquées par le sport.
Ce n'est qu'un début. Très vite, un plancher s'effondre, puis une maison, une autre... Les termites ont envahi la ville et rien ne résiste à leur silencieux mais efficace travail de sape.
A partir de là, tout fout le camp. Puisque plus rien ne tient debout, aucun pouvoir ne résiste non plus. Les hommes s'organisent, à moins qu'ils se désorganisent, en milices de quartiers. La violence devient le seul moyen d'expression légitime - l'ironie est féroce, puisque Narcisse, le personnage principal, s'occupait d'une galerie d'art contemporain, forme d'expression désormais révolue et sur laquelle il cultivait, pour le moins, quelques doutes...
Dans cette atmosphère de fin du monde, Xavie Patier s'en donne à coeur joie. Un mois lui suffit à décrire les crises d'autorité qui ébranlent le petit groupe parti chercher, hors de Montpellier, des lieux plus accueillants.
Et comme, quand un monde meurt, un autre peut renaître, il nous laisse sur la possibilité d'une nouvelle aventure humaine conduite avec sagesse par Narcisse et Sylvie:
La France était morte d'avoir vendu son âme à la ville, d'avoir trahi la source paysanne où pendant vingt siècles elle avait puisé son génie. Nous la ferons renaître dans une maison sans étage et sans bois où le termite mourra d'ennui.
Rétrograde? Peut-être. Mais plaisant.

Le prix des lectrices de Elle à Claudie Gallay

Plus d'un an après sa parution, Les déferlantes, le roman de Claudie Gallay fait encore parler de lui. Il avait déjà reçu une douzaine de prix. En voici encore un, et non des moindres, avec le grand prix des lectrices de Elle.
Retour sur un livre dont le succès s'est dessiné petit à petit...

Elle observe les oiseaux et aime les grandes vagues de la tempête – Les déferlantes. Sur fond de mer et de ciel, elle regarde aussi Lambert, qui est arrivé à La Hague il y a peu. Qui y est revenu, plutôt, comme on l’apprend petit à petit. Liquider le passé, et se souvenir de ses parents, de son frère morts dans le naufrage de leur bateau. La lumière du phare était peut-être éteinte volontairement, dit Lambert, de plus en plus certain de ce qu’il affirme. Mais pourquoi?
Dans la petite ville, tout le monde se connaît. Il n’est pas nécessaire de poser les questions pour imaginer les réponses non prononcées: le silence veille au milieu du paysage et des légendes attachées à cette terre. La narratrice, qui n’est pas originaire de La Hague et n’y séjourne que le temps de sa mission, quelques mois ou quelques années, est en manque d’amour. Celui qu’elle a aimé a laissé un vide. Lambert est arrivé. Est-ce pour cela qu’elle s’intéresse à lui, s’en rapproche? Ou pour la blessure qu’elle sent en lui?
Le ballet lent des hommes et des femmes se danse sur le rythme où la mer respire, et révèle ses secrets comme la marée laisse des objets sur la grève. Claudie Gallay laisse faire le temps qui adoucit le chagrin. Elle y met la précision d’un dessin longuement réfléchi, dans lequel tout est montré sans explications superflues. L’ampleur de son roman convient à cette démarche qui épouse la vie. Avec les déceptions et les enthousiasmes qui l’accompagnent.

mardi 26 mai 2009

Avec vue sur la rentrée littéraire (9) - La Table Ronde

La promenade anticipée se poursuit, et pour un bon moment encore, avec quatre romans au programme de La Table Ronde.

Julie Jézéquel, Retour à la ligne (27 août)

Clara Tallane, scénariste de télévision reconnue et appréciée, est bannie du milieu audiovisuel après avoir retourné un bureau sur les genoux d’une conseillère de programmes. Ce crime de lèse-majesté lui vaut une longue traversée du désert. Pour continuer à assumer confortablement l’éducation de son fils de quinze ans qu’elle élève seule, elle décide de proposer, par le biais d’Internet, ses services de nègre. Son premier client, directeur d’une fabrique d’outillage industriel, lui demande de lui inventer une vie. Pourquoi ? Pour qui ? Et surtout, de quelle vie peut bien rêver cet homme froid et taciturne, à mille lieues des fantasmes de Clara ?

Née en 1964 à Boulogne-Billancourt, Julie Jézéquel est comédienne et scénariste. Elle a joué dans une cinquantaine de films et téléfilms. Elle est l’auteur de douze scénarios pour la télévision. Elle vit actuellement en Dordogne avec son mari et ses trois enfants. Retour à la ligne est son premier roman.

Carol Ann Lee, La rafale des tambours (27 août)

Le 11 novembre 1920, le corps du Soldat Inconnu est mis en terre à l’abbaye de Westminster à Londres. Parmi ceux qui assistent à la cérémonie – qualifiée par le Times de «plus grande effusion de larmes que l’Angleterre ait jamais connue» – figure Alex Dyer. Il a dû désigner, parmi des corps trouvés sur les principaux champs de bataille, celui qui incarnerait les millions d’hommes morts sur le front pour leur patrie. Mais ce n’est pas le hasard qui lui a dicté son choix. Et ce Soldat Inconnu, lui seul sait qui il est.
The Winter of the World retrace l’histoire de trois personnes emprisonnées dans le cauchemar du conflit et de ses interminables conséquences: le journaliste Alex Dyer, son ami d’enfance Ted Eden, et Clare Eden, que Ted a épousée lors d’une permission juste après l’avoir rencontrée. Alex aime Ted comme son frère, mais Clare lui inspire une passion à laquelle ni lui, ni elle ne vont résister.
Ce premier roman est une évocation subtile et prenante des ravages que causent la guerre, l’amour et le remords.

Carol Ann Lee est née en 1969 en Angleterre, dans le Yorkshire. Diplômée en architecture et en histoire de l’art, elle vit à présent à Amsterdam. Elle est l’auteur de Anne Frank, les secrets d’une vie (Laffont, 1999) et de Otto, père d’Anne Frank (Ramsay, 2006) tous deux traduits en quatorze langues. Elle a aussi publié trois livres pour enfants.
Traduit par Jean Esch (Collection Quai Voltaire)

Lucien Suel, La patience de Mauricette (3 septembre)

«J’ai écrit beaucoup de pages, mais je n’arrive pas à suivre. Je sais trop de choses. Je ferme comme un robinet devant mes yeux.Trop de choses qui me font peur. Je dois raccommoder mes nerfs. La Lys me suit après Haverskerque Armentières à travers Comines pour aller dans la mer. L’eau revient dans les nuages. Mon petit Émile tombe dans la pluie. Ici c’est ma peine. Je l’accomplis.»

Mauricette Beaussart, 75 ans, a disparu de l’hôpital où l’on soigne sa santé mentale. Son ami Christophe Moreel entreprend de la retrouver. Au fil de sa quête, le passé et le présent de Mauricette s’entrecroisent, tissant peu à peu le portrait d’une femme riche de ses grandes souffrances et de ses petits bonheurs.

Lucien Suel est né en 1948 dans les Flandres artésiennes où il vit toujours. Éditeur de la revue The Starscrewer, consacrée à la poésie de la Beat Generation, puis du magazine «dada punk» La Moue de Veau, il anime aujourd’hui le blog Silo et la Station Underground d’Émerveillement Littéraire. Il est l’auteur de nombreux ouvrages de poésie.
Publié à La Table Ronde en novembre 2008, son premier roman, Mort d’un jardinier, a été salué par la critique.

Alison Goodman, Eon, le douzième dragon (3 septembre)

Depuis des années, Eon, douze ans, s’entraîne au maniement de l’épée et étudie l’astrologie pour devenir Œil du Dragon: son vœu le plus cher est de devenir l’apprenti d’un des douze Dragons qui gouvernent l’énergie présente en toute chose.
Mais Eon possède un terrible secret: en réalité, il s’appelle Eona. Cette fille de seize ans a résolu d’apparaître sous les traits d’un garçon parce que la Magie du Dragon est strictement interdite au sexe feminin. Si l’on découvre sa véritable identité, elle mourra.
Voici que le secret d’Eon est sur le point d’être percé à jour. Dès lors, elle et ses alliés encourent de graves dangers. C’est le début d’un combat sans merci pour le trône impérial. Eon est condamnée à trouver l’énergie et la force de combattre ceux qui veulent s’emparer de ses pouvoirs…et de sa vie.

Née en 1966 à Melbourne, en Australie, Alison Goodman s’est vu décerner en 1999 une bourse d’écriture par l’université de Melbourne. Son premier roman, Singing the Dogstar Blues (1998) a reçu de nombreux prix en Australie et a été traduit dans plusieurs pays. Elle a ensuite publié en 2002 un roman policier, Killing the Rabbit, dont l’édition américaine est parue en juillet 2007. Sorti en Australie en 2008, Eon, le douzième dragon a déjà été vendu dans treize pays.
(Traduit de l’anglais par Philippe Giraudon)

samedi 23 mai 2009

J'ai fait de beaux voyages

Sans mettre le nez dehors, j'ai entrepris en une semaine un véritable tour du monde par les livres. En sautant d'un endroit à l'autre, sans aucun souci de correspondance entre deux trains ou deux avions, sans avoir à me préoccuper de trouver un logement. De belles aventures à partager en préface d'Etonnants Voyageurs. Je ne connais pas de plus beau festival de littérature. J'y ai amassé, pendant une bonne demi-douzaine d'années, des tonnes de souvenirs. Rencontres, découvertes, lectures à flux continu... Saint-Malo accueille dans quelques jours la vingtième édition de la manifestation. Si vous avez l'occasion de passer par là, n'hésitez pas.

Etonnants Voyageurs, c'est d'abord un homme tout aussi étonnant, Michel Le Bris, Breton têtu et ouvert sur le monde, qui vient de publier son autobiographie, Nous ne sommes pas d'ici. Un livre qui lui ressemble dans la générosité mise à raconter ses élans, ses passions, le bruit du vent et les mouvements de la mer, ses luttes politiques et littéraires, l'immense travail accompli sur l'oeuvre et la vie de Stevenson, les amitiés...
J'ai été particulièrement sensible à ce qu'il dit de Jean-Claude Izzo, qui fut de l'aventure du festival mais que, comme Michel Le Bris, j'avais d'abord rencontré à Strasbourg, au Carrefour des Littératures Européennes. Izzo n'était pas encore écrivain, et Le Bris explique comment, sollicité pour donner un texte à la revue Gulliver, l'ami Jean-Claude lui donna ce qui allait devenir le début d'une célèbre trilogie marseillaise, Total Khéops. Si vous ne l'avez pas lue - ou si vous n'avez connu Fabio Montale, le personnage principal, qu'à travers l'image qu'en donna Alain Delon dans une série de téléfilms, il est encore temps de découvrir ce monument de la littérature policière, en un gros volume, la Trilogie Fabio Montale.
Je m'égare... Non, on ne s'égare jamais à suivre Michel Le Bris.
Qui, pour revenir à Etonnants Voyageurs, me disait il y a quelques jours comment il réagirait s'il était déçu par la prochaine édition du festival:
"Cette édition est une aventure, c'est-à-dire un risque pris. Qui dit risque dit aussi possibilité d'échec, ou de déception. Pour le moment, ça va. Mais on ne sait jamais. Ce serait une motivation pour faire mieux l'année suivante. Ou ce serait le signe que nous sommes au bout de l'aventure. Ça aussi peut arriver. Si ce n'est plus une aventure, surtout, avoir la sagesse d'arrêter! Mais j'ai plutôt l'impression d'être au début de l'aventure!"
Nicolas Bouvier était là aussi au début - le vrai début - de l'aventure. Voyager avec lui, c'est nourrir plus de doutes que de certitudes. Le vide et le plein a été publié après sa mort en 1998 et a été construit à partir des carnets tenus lors de plusieurs séjours au Japon, de 1964 à 1970. Poète de l'ordinaire et de l'infini, l'écrivain suisse n'est pas vraiment un globe-trotter. Il ne cherche pas l'exploit, à moins que l'exploit consiste à accepter les différences et une certaine incompréhension. Un monde étranger présente toujours un peu d'opacité qu'il est inutile de vouloir percer tout à fait.
De ce livre splendide, je voudrais vous donner un avant-goût en cueillant quelques pépites - ce n'est pas difficile, il y en a tant qu'il suffit de se baisser pour les ramasser.
Une histoire qui doit bien les faire rire, c'est celle de Vatel. Se suicider parce qu'on rate son gratin de dorades. Dame! C'est vraiment la moindre des choses. Ils doivent se dire qu'en France, on devenait célèbre à bon compte. Mais au Japon, c'est s'il ne s'était pas tué qu'il aurait fait parler de lui.
Le voyage ne vous apprendra rien si vous ne lui laissez pas aussi le droit de vous détruire. C'est une règle vieille comme le monde. Un voyage est comme un naufrage, et ceux dont le bateau n'a jamais coulé ne sauront jamais rien de la mer. Le reste, c'est du patinage ou du tourisme.

Toujours on parle de l'attrait de "l'inconnu", et ce produit continue à se vendre fort bien. Mais c'est pour les paresseux ça: l'inconnu. On ne dit pas comme dans la répétition, le mystère grandit.
Bernard Ollivier pense probablement la même chose, lui qui, après être allé loin - et à pied - sur la Route de la Soie (Longue marche), s'est lancé sur un parcours bien plus familier, puisqu'il est tout entier sur territoire français et suit l'intégralité du cours de la Loire. Aventures en Loire s'est fait d'abord en marchant puis, lorsque le fleuve devenait navigable, en canoë - une embarcation dont l'auteur n'avait aucune expérience, ce qui lui a valu quelques déboires. Mais aussi bien des plaisirs, qu'il a décidé de partager avec ses lecteurs - et il en a beaucoup, des lecteurs, il lui est d'ailleurs arrivé, pendant ce voyage, d'en rencontrer!
Dans une sorte de conclusion, vers la fin de son récit, il écrit ces phrases pleines de sagesse, et que l'on ferait bien de méditer:
En six semaines, je me suis prouvé qu'il n'est nullement besoin, pour assouvir sa soif d'inattendu, d'aller chercher l'imprévu ou l'inconnu très loin, sous les tropiques ou les pôles. Tout trajet est une aventure. Les déplacements solitaires plus que les autres. Je n'aurais pas trouvé plus de satisfactions, de bonheurs, de frissons ou de belles rencontres dans l'endroit le plus reculé du monde. L'aventure est dans la manière du voyage plus que dans le lieu.
Benjamin Desay, dans Le vagabond des ruines, n'est pas très éloigné des précédents pour la plus grande partie de sa démarche. Il fait d'ailleurs plusieurs fois référence à Nicolas Bouvier, devenu décidément la référence absolue en matière de récit de voyage. Ainsi qu'un modèle qui, comme tous les modèles, reste difficile à égaler.
En quête des ruines de temples - pas ceux qui figurent dans les guides touristiques -, Benjamin Desay tente donc de s'imprégner des lieux, ou plutôt d'être imprégné par eux.
Je pourrais citer aussi pas mal de phrases qui seraient dans le ton des précédentes. Mais, allez savoir pourquoi, un sentiment de gêne m'a saisi après quelques pages et n'a cessé de croître jusqu'à la fin du livre. J'ai eu l'impression que l'auteur était davantage dans la pose que dans la vérité, qu'il faisait beaucoup d'efforts pour trouver une autre manière de dire l'Asie, et qu'il y arrivait presque. Mais seulement presque. Pas tout à fait.
Peut-être étais-je arrivé à la fin (provisoire) de mon voyage par la littérature. On ne sait jamais pourquoi un livre vous déçoit. Est-ce qu'il est partiellement raté ou est-ce que l'état d'esprit, quand on l'a lu, n'était pas le bon?
Je laisse donc le bénéfice du doute à Benjamin Desay...

Avec vue sur la rentrée littéraire (8) - Héloïse d'Ormesson

Les Editions Héloise d'Ormesson - EHO pour les intimes - seront présentes le 20 août chez les libraires, avec quatre romans.
Comme d'habitude, les présentations des livres viennent de l'éditeur lui-même. Ne vous attendez donc pas à la moindre réserve dans l'éloge...

Antoine Buéno, Le Soupir de l’immortel

L’an 570 après Ford (2478 après Christ). Plus de crise environnementale, plus de guerre, plus de famine. Le monde est enfin durable et uniformisé. Tout n’est pourtant pas pour le mieux dans le meilleur des mondes. L’immortalité se paye au prix fort. Les naissances sont drastiquement limitées tandis qu’à l’autre bout de la chaîne de la vie, face à l’éternité, de plus en plus de gens se suicident.
Dans ce spectaculaire roman d’anticipation, parabole du siècle, Antoine Buéno mène une réflexion satirique sur notre société.

Corinne Royer, M comme mohican

Claire, 40 ans, retrouve un amour de jeunesse au détour d’un voyage, un homme de cabinet, avec qui elle a une aventure passionnée et qu’elle surnomme « M » comme mohican. Ecartelée entre son mari et son amant, elle explore les confins de ses angoisses et de ses pulsions. Pendant ce temps, une vieille dame farfelue suit Claire dans tous ses mouvements, et veille sur son âme. Mais qui est-elle au juste ?
Pour son premier roman, Corinne Royer jongle entre fantaisie et modernité pour nous livrer une histoire empreinte de fantastique et brûlante de sensualité.

Abha Dawesar, L’Inde en héritage

Ses parents médecins consultant à demeure, un petit garçon grandit immergé dans un univers fait de virus et de bactéries. Cet environnement menaçant, constitue pourtant un cocon protecteur. D’autant qu’au-delà du couple parental, ses oncles et tantes, sous l’apparente dignité, sont prêts à tout pour détourner l’héritage du grand-père. De même, la corruption contamine le pays et la violence vérole les institutions. Ainsi, par cercles concentriques, de la sphère privée à la sphère publique, L’Inde en héritage nous conduit au cœur d’une réalité indienne, là où démocratie rime avec barbarie.
Abha Dawesar, est l’auteur du très remarqué Babyji. Égérie de la jeune génération indienne, Abha a été élue «personnalité de l’année» par India’s Femina et Time Out. Dès sa publication, L’Inde en héritage est immédiatement entré sur la liste des best-sellers indiens.
(Traduit de l'anglais, Inde.)

Vonne van der Meer, Le Voyage vers l’enfant

Dès l’instant où Julia aperçoit un siège enfant sur une bicyclette, lors de l’une de ses promenades en bord de mer, elle désire ardemment un bébé avec Max, son mari. Or le couple ne peut pas avoir d’enfant. C’est alors au Pérou, qu’ils partent dans l’espoir d’adopter. Sur place, ils iront de surprises en défaites et rencontreront Pablo, qui, loin, d’être l’enfant tant espéré changera à tout jamais leur vie.
Après La Maison dans les dunes, Vonne van der Meer nous éblouit par son écriture limpide et vibrante.
(Traduit du néerlandais.)

jeudi 21 mai 2009

Avec vue sur la rentrée littéraire (7) - Galaade Editions

S'il y a un reproche que l'on peut souvent faire aux présentations de la rentrée littéraire, c'est que les mêmes éditeurs y sont souvent mis en évidence. Vous savez bien, ceux qui publient des auteurs à succès ou candidats aux prix littéraires - ce sont d'ailleurs souvent les mêmes.
Je ne veux pas encourir ce reproche. Aujourd'hui, donc, la rentrée de Galaade Editions.

Marie Casanova, Et l'odeur des narcisses (20 août)

« La vie de Thérèse avec ses bonheurs attrapés au vol, avec ses secousses, ses accalmies, ses mensonges, ses manigances, ses intrigues, ses délires. La vie de Thérèse avec ses bouffées de volupté, ses perfidies, ses brillances, ses noirceurs, un vrai souk, une brocante sa vie, la beauté et la laideur intriquées, embrouillées. Les remords enfouis, les espérances, les désespérances, l’alchimie des souvenirs qui voile et dévoile, qui décante et diffuse le passé. » – Marie Casanova

Dans l’obscurité d’une soirée, Thérèse la mystérieuse dévoile son histoire à ses compagnons d’infortune. Et c’est l’enfance à Cayenne, où elle découvre l’amour et la fascination pour la mort au cours d’exécutions publiques, le retour à Nice, d’où il faut partir. Et c’est l’étrange maladie qui torture Thérèse depuis l’enfance, mais aussi son grand amour, son mariage, la naissance de Juliette. La jolie Juliette…
Entre rêve et réalité, le meilleur et le pire, Thérèse n’a pas fini de débrouiller les fils de sa vie, ses parfums et ses couleurs, des larmes aux plus grands émerveillements.

Marie Casanova écrit depuis longtemps pour la chanson française. Elle est aussi l’auteur de nouvelles radiophoniques. Et l’odeur des narcisses est son premier roman.

Abdulrazak Gurnah, Adieu Zanzibar (20 août)

Kenya, 1899. Il est apparu à l’aube comme une figure de légende avant de s’effondrer aux pieds d’Hassanali. Martin Pearce, écrivain britannique, a été battu, volé et abandonné par ses guides dans le désert. Recueilli par son sauveur, il tombe amoureux fou de Rehana, la sœur de son hôte. Une relation interdite et scandaleuse commence, dont les conséquences se répercuteront sur les générations suivantes.
Zanzibar, années 1950. Amin, Rashid et leur sœur Farida sont chacun en proie aux difficultés du secret. Farida vit un amour caché que ses parents désapprouveraient. Amin s’éprend d’une femme plus âgée, Jamila, la propre petite-fille de Rehana et de Pearce, enfant de la honte et objet de mille rumeurs. Quant à Rashid, le narrateur, il part étudier à Londres dans un univers glacial et raciste, alors que Zanzibar, au lendemain de l’indépendance, bascule dans la violence et le chaos.
Londres, années 1960. Les parents de Rashid sont morts et les secrets ont été déliés. Dans un contexte social et racial apaisé, Rashid, devenu enseignant, rencontre par hasard la blanche Barbara, une lointaine cousine de Jamila…
De la fable poétique au témoignage désenchanté, Abdulrazak Gurnah raconte les amours et les illusions de Martin et de Rehana, d’Amin et de Jamila, de Rashid et de Barbara. Noirs ou Blancs, Indiens ou Arabes tissent, de Zanzibar à Londres, autant d’histoires d’ombre et de lumière.

Né en 1948, Abdulrazak Gurnah est l'auteur de six romans. Il enseigne la littérature à l'université de Kent.

Irvin Yalom, Le jardin d'Epicure. Regarder le soleil en face (10 septembre)

« Le soleil ni la mort ne se peuvent regarder fixement. »
– La Rochefoucauld

Quand Amelia, la trentaine passée, SDF accro à l’héroïne et prostituée, qui a choisi de changer d’identité pour entamer une nouvelle vie, rencontre le Dr Yalom, qu’arrive-t-il ?
Alliant une fois encore l’art du conteur à celui du médecin, Irvin Yalom, entre fiction et thérapie, offre un texte d’une grande générosité et d’une rare ferveur, fruit de l’œuvre de toute une vie passée à explorer l’existence humaine.

Irvin Yalom est né à Washington en 1931 de parents russes. Docteur en médecine depuis 1956 et professeur émérite de psychiatrie à Stanford depuis 1994, il a mené de front une double carrière de psychiatre et d’animateur de thérapies de groupe.

mercredi 20 mai 2009

Calixthe et Michel sont dans un bateau. Qui tombe à l'eau?

Dans les marges de la vie littéraire se trament parfois de bien étranges histoires. Tiens, celle-ci, par exemple.
La liaison entre Calixthe Beyala et Michel Drucker, de 2004 à 2006, était un secret de polichinelle. Même moi, à Madagascar, j'en avais été informé!

J'avais donc eu un petit sourire quand, en 2005, ouvrant La plantation, j'avais constaté qu'il était dédié "à Michel". Pas besoin d'en dire plus, nous étions nombreux à savoir de quel Michel il s'agissait.
Lequel Michel, emporté je suppose par un élan amoureux incontrôlable, prenait sa plus belle plume pour écrire dans Le Nouvel Observateur un éloge du livre.
(Qui lui était dédié, je vous le rappelle. Et Michel Drucker signant dans Le Nouvel Observateur, cela vous semble normal? Et Le Nouvel Observateur publiant un article positif sur Calixthe Beyala, voilà qui n'est pas moins étrange - j'y reviens.)
Et Michel, donc, d'affirmer: "Je garderai longtemps l’empreinte de «la Plantation»", un "roman dense, palpitant et émouvant""tous les ingrédients d’une saga télévisée populaire de prestige sont réunis. On imagine déjà l’adaptation à l’écran de ce roman flamboyant où tous les caractères sont traités, cynisme, ressentiment, jalousie, hypocrisie, cruauté et racisme, bien sûr."
Voilà une admiration franche et massive, ou je ne m'y connais pas.
Ceci dit, j'aimais aussi beaucoup ce roman.

Et puis, patatra! un peu plus tard, les amants rompent. Ce sont des choses qui arrivent. Et qui, généralement, ne font de vagues que dans la sphère privée, sauf quand les protagonistes appartiennent à la sphère people. Je ne sais pas ce que la presse spécialisée avait écrit sur l'affaire à l'époque, je ne la lis pas. Mais je me souviens de Calixthe, au téléphone, me disant: "Il y a un homme qui m'a fait du mal..."
On aurait pu en rester là.
Mais non. Il a fallu que Calixthe Beyala en fasse un roman, L'homme qui m'offrait le ciel - le plus mauvais de tous ceux que j'ai lus d'elle (à peu près tous).
Dans ces cas-là, je le précise au cas où un(e) ami(e) écrivain(e) lirait ceci, j'oublie tout de l'amitié. Seul compte le livre, et le livre raté pour le cas qui nous occupe. J'avais donc écrit un bref article:
Sur la jaquette, Calixthe Beyala a les yeux revolver. [Il s'agissait de la couverture originale, pas celle-ci, choisie pour la réédition en poche.] Dans le livre, à peine un roman, elle tire à balles réelles sur son amant envolé. Autant dire sur une ambulance. La colère, mauvaise conseillère, relève tous les défauts de «François», même au plus intense de l’histoire d’amour. Le point de vue n’est pas décalé pour un effet littéraire recherché mais par maladresse dans la construction. Douloureuse, probablement. Mais avait-on envie de partager cette douleur?
François, vous l'aurez compris, c'était Michel...

Le temps passe, la douleur s'efface, les choses se tassent - croit-on. Au début de cette année, Calixthe Beyala sort un nouveau livre, Le roman de Pauline, que j'aime bien - même s'il ne s'agit pas de son meilleur. Une jeune fille de banlieue y trouve une sorte de rédemption grâce à la main tendue d'une prof qui l'aide à prendre conscience de ses possibilités.
Au Nouvel Observateur (j'avais promis d'y revenir), Baptiste Touverey ne pense pas comme moi - ce qui est bien son droit. "Bienvenue dans la banlieue vue par Calixthe Beyala, un monde où tout sonne faux", écrit-il. Concluant: "Mais comment être touché par une telle surenchère de clichés? Rien n'échappe à l'artificialité, ni les personnages caricaturaux ni l'intrigue, à la fois invraisemblable et cousue de fil blanc (un tour de force!). Reconnue coupable de plagiat en 1996 pour son "Petit Prince de Belleville", Calixthe Beyala ne devrait pas être inquiétée cette fois-ci."
(C'est beau, une brillante descente en flammes, non?)
Je note au passage, et vous l'aurez noté avec moi, le rappel du plagiat pour lequel l'écrivaine avait été condamnée. Faut-il le préciser? Il n'en était pas question dans les quelques lignes accompagnant l'article de Michel Drucker dont je parlais plus haut. Là, tout était élogieux:
Calixthe Beyala a écrit de nombreux romans à succès chez Albin Michel, et notamment «les Honneurs perdus», qui a reçu le grand prix du roman de l’Académie française. Elle est traduite à l’étranger et étudiée dans les universités américaines.

Le rappel du plagiat ou celui du Grand prix du roman de l'Académie française? C'est donc selon les cas... On ne s'étonne donc pas trop de ce que, dans la foulée, le premier soit préféré au second dans un billet publié hier sur le site Bibliobs et qui éloigne encore un peu plus l'affaire Beyala-Drucker d'une love affair. C'est au tribunal qu'ils s'expliqueront, cette fois à la demande de Calixthe Beyala qui assigne Michel Drucker en justice. Le second aurait promis à la première de lui payer 200.000 euros l'écriture d'un livre qu'il ne se sentait peut-être pas capable d'écrire lui-même. C'est à l'occasion de cette plainte que Calixthe Beyala a dévoilé, à l'intention de ceux qui l'ignoraient encore, leur liaison passée.
Et c'est pourquoi j'en parle. D'une part donc parce qu'elle est devenue publique. (Enfin, Michel Drucker pourrait encore nier.) D'autre part parce qu'on voit clairement à présent le rôle qu'a joué cette liaison dans le miraculeux article de Michel Drucker sur La plantation.
L'image lisse de l'animateur télé en sera-t-elle froissée?
Bah! Il s'est lui-même si souvent présenté en vilain petit canard de la famille qui faisait le désespoir de sa maman (consolée, heureusement, par les succès de ses frères), qu'après tout...