jeudi 28 mai 2009

Encore quelques voyages

Je n'en ai pas fini avec les voyages (le premier épisode est ici.) Et j'en profite pour compléter la note que j'avais écrite au début du mois, Satisfait ou remboursé!, puisque le troisième volume de cette opération promotionnelle vient de paraître. Paul Torday nous y emmène dans une Partie de pêche au Yémen.
En réalité, on n'y va pas tout de suite, au Yémen. Il y a même un long travail préparatoire, mais par lequel il faut absolument passer pour tout comprendre - et, puisque c'est passionnant, c'est bien ainsi.
Tout part d'un projet pour le moins farfelu qui consiste à implanter le saumon d'Écosse dans une rivière du Yémen. Alfred Jones, biologiste d'une grande compétence, écarte l'idée d'un revers de la main: absurde, impossible, n'en parlons plus. Sinon que sa hiérarchie et même le gouvernement britannique, semble-t-il, voient la tentative d'un bon oeil. Elle permettrait d'offrir au Royaume Uni une place nouvelle sur des territoires où la présence militaire en Irak ne lui a pas donné bonne presse.
Le pari semble perdu d'avance. Piqué au vif, Alfred Jones donne le meilleur de lui-même, sympathise avec le cheik amateur de pêche dont la volonté doit être faite... Et si, finalement, c'était possible?
Monté en grande partie comme une enquête survenant après des événements qui... que..., enfin, vous verrez bien, c'est d'autant plus drôle que cela a l'air très sérieux.

Un autre roman nous transporte dans la Suite indienne de Paul Theroux. Au fait, le livre ressemble plus à un ensemble de trois nouvelles qu'à un roman. Mais, de l'une à l'autre partie, des personnages passent et repassent, quand ils ne s'installent pas dans le même lieu. Si bien que les échos donnent à l'ouvrage les qualités d'une fiction dans laquelle on s'installe.
D'ailleurs, n'est-il pas agréable de s'installer en Inde? Peut-être, si l'on n'en voit que les meilleurs aspects, ceux que goûtent les touristes ou les hommes d'affaires. Paul Theroux, qui a beaucoup voyagé et aime envisager le revers de la médaille, ne se contente pas des clichés. Son Inde, celle dans laquelle se trouvent les personnages, est un pays opaque pour l'Occidental. Même quand il croit avoir tout compris, il ignore encore les réels dangers qu'il peut courir.
Chacun des trois chapitres - appelons-les ainsi - propose une chute plutôt abrupte, et qui oblige à reconsidérer tout ce que nous pensions avoir découvert dans les pages précédentes. Une certaine vérité est brutalement mise au jour, avec laquelle il n'est plus possible de négocier.
Un livre assez effrayant, somme toute, bâti comme un thriller où l'effet de surprise surviendrait trois fois.

Anna d'Arabie: La cavalière du désert (1878-1879) est un de ces récits dont se régalaient, au dix-neuvième siècle, les lecteurs de la revue Le Tour du Monde. Aventure et exotisme sont au rendez-vous dans un long parcours à travers le désert qui, aujourd'hui encore, peut-être même en raison du gros siècle passé depuis, a tout pour plaire. D'autant que les gravures d'époque ajoutent au charme de l'ouvrage.
Anna Blunt est prête à tout et ne s'étonne de rien. Mais elle observe avec attention la vie des hommes et des femmes. Elle dit la fatigue et les difficultés. Nombreuses, les difficultés: les régions traversées ne sont pas sûres, les pistes sont hypothétiques, les points d'eau, rares...
Elle dit aussi, et surtout, le bonheur d'être là: "C'est un rêve d'être assise là, à rédiger son journal, sur un roc du djebel Shammar. [...] Wilfrid déclare que maintenant il mourra satisfait, même si l'on nous coupe la tête à Haïl."

Plus près de nous dans le temps, Romain Gary est parti chercher Les trésors de la mer Rouge. Les a-t-il trouvés? Oui:
Ce ne sont ni les trésors engloutis qui dorment au sein des grands fonds sous-marins que je suis allé chercher pour vous sur ces eaux que l'art des conteurs arabes a peuplées de fabuleuses histoires. Ni les perles que l'on n'y pêche plus guère, ni les rubis, émeraudes et diamants que l'eunuque Murad a jetés, dit-on, dans la mer Rouge par l'ordre de son maître Ibn Séoud, afin qu'ils rejoignent dans l'inaccessible le fils préféré du dernier conquérant d'Arabie des temps modernes. Ni l'or clandestin transporté par les boutres aux mâts obliques vers les coffres des trafiquants indiens.
Les trésors que j'ai ramenés de là-bas sont immatériels et, lorsque la plume ne s'en saisit pas, ils disparaissent à jamais.
Et la récolte est belle sous sa plume...


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire