La visite continue, et je crois qu'on en a pour un moment. Après Au diable vauvert, voici le Mercure de France - sans les couvertures, cette fois. Pour un programme de rentrée fort de six romans et d'une correspondance - à laquelle je suis très sensible, pour avoir publié autrefois un guide de correspondance amoureuse qui n'a, heureusement (je crois), laissé de souvenirs chez personne.
Alma Brami, Ils l'ont laissée là (20 août)
Alma Brami a 24 ans. Ils l'ont laissée là est son deuxième roman.
Pierre Charras, Le requiem de Franz (20 août)
En évoquant ce musicien exceptionnel, Pierre Charras parle essentiellement de son rapport à la création. Par-delà les siècles, il fait entendre au présent la voix du compositeur et, surtout, dessine les contours d'une âme tourmentée. En proie aux affres de la création et de la maladie, Franz n'a pas d'alternative : il doit créer pour continuer à vivre. Comme le génial témoin revenu d'un voyage dans le temps, Pierre Charras décrit les derniers jours de Schubert avec une sensibilité rare, une empathie et une lucidité exemplaires. Il lui offre ainsi un merveilleux cadeau, le Requiem qu'il rêvait tant de composer.
Pierre Charras est l'auteur de nombreux romans, dont Comédien (prix Valéry Larbaud 2000), Dix-neuf secondes (prix Fnac 2003) et Bonne nuit, doux prince.
Olivier Jacquemond, New York Fantasy (20 août)
Quand le rêve américain flirte avec le cauchemar... Roman urbain dans une New York d'après le 11 septembre où la ville devient un personnage à part entière, New York Fantasy est aussi un roman sur la filiation et la transmission.
Olivier Jacquemond a vingt-huit ans. New York Fantasy est son premier roman.
Gwenaëlle Aubry, Personne (27 août)
Philosophe et romancière, Gwenaëlle Aubry est l'auteur notamment de L'isolée et de Notre vie s'use en transfigurations.
Philippe Delerm, Quelque chose en lui de Bartleby (27 août)
Dans ce roman drôle, tendre et parfois mélancolique, Philippe Delerm nous parle avec une grande acuité du monde contemporain. Pointant admirablement les petits riens qui font les grands bonheurs, son regard sait aussi se faire caustique pour peindre les travers de notre société.
Chloe Aridjis, Le livre des nuages (3 septembre)
Traduit de l'anglais par Jean-Pierre Aoustin
Il est rare qu'un premier roman soit précédé, avant même sa publication, d'un tel concert de louanges. Paul Auster a été le premier, aux États-Unis, à saluer « l'immense talent » de Chloe Aridjis. Mais il n'est pas le seul, on sait que J.M.G. Le Clézio est prêt à le soutenir en France.
Chloe Aridjis - américaine par sa mère, mexicaine par son père, Homero - a baigné très tôt dans la littérature mais elle trace son chemin toute seule et les éditeurs anglais et américains ont lutté entre eux pour l'acheter. Il y a plusieurs traductions en cours.
Peut-être en partie - en partie seulement - autobiographique, Le livre des nuages se passe à Berlin après la chute du mur. Tatiana, la narratrice, y a étudié quelque temps grâce à une bourse, puis elle a choisi d'y rester, vivant de différents petits boulots, avant d'accepter de saisir sur ordinateur les textes d'un vieil historien, chez lui, plusieurs heures par semaine.
Tatiana est, par choix, une solitaire. Elle donne le sentiment de flotter un peu dans la vie, de se promener sur un nuage. A part Weiss, son employeur assez mystérieux - qui est-il vraiment ? - elle ne connaît guère que Jonas, un jeune météorologue spécialiste des nuages - on ne s'en étonnera pas - avec qui elle aura une brève aventure. Mais, là encore, elle ne s'implique guère, elle est toujours sur le point de s'enfuir, de disparaître.
Le vrai personnage du livre, c'est Berlin, dont la présence domine tout. Berlin et son terrible passé, la guerre d'abord, puis le mur, la coupure. Tatiana voit des fantômes qui, pour elle, sont bien réels - on laissera le lecteur découvrir les extraordinaires dix premières pages -, elle se mêle à eux, dans les rues, le métro, les anciens souterrains côté Est. On se laisse entraîner à sa suite, dans des récits d'une grande poésie et parfois très noirs. Mais la violence rôde partout. Et c'est au prix d'un épisode d'une grande brutalité que Tatiana revient sur terre, en quelque sorte, et décide de quitter Berlin et ses mystères cachés par les nuages.
Un jeune auteur extrêmement prometteur.
Lettres pour lire au lit. Correspondance amoureuse d'Alfred de Vigny et Marie Dorval (1831-1838)
Préface et notes par Ariane Charton
En 1830, Alfred de Vigny, poète renommé, et Marie Dorval, comédienne vedette du théâtre romantique, se rencontrent. En juin 1831, alors que la seconde joue la pièce du premier, La Maréchale d'Ancre, ils deviennent amants. Le poète installe sa muse dans un appartement de l'avenue Montaigne, où ils se retrouvent avec passion. Peu à peu, celle-ci s'éteindra, mais les amants restent attachés l'un à l'autre, et vivent ensemble quelque temps dans une maison à Montmartre. En 1838, après de violentes disputes, ils se séparent. Vigny est extrêmement jaloux, au point de faire suivre sa « vieille maîtresse » par l'inspecteur Vidocq lui-même, ne supportant pas sa liaison avec un plus jeune poète, Jules Sandeau.
« Tout était passion chez elle, la maternité, l'art, l'amitié, le dévouement, l'indignation, l'aspiration religieuse ; et comme elle ne savait et ne voulait rien modérer, rien refouler, son existence était d'une plénitude effrayante, d'une agitation au-dessus des forces humaines... », écrit à propos de Marie Dorval son amie George Sand, qui s'y connaissait pourtant en matière de sentiments extrêmes.
Environ 150 lettres d'amour rythment cette liaison, où les amants relatent leur vie professionnelle et sentimentale, leurs malheurs (la mort de la mère du poète, celle de la fille cadette de l'actrice), les relations difficiles qu'ils entretiennent avec leur entourage professionnel (Vigny supportant mal la concurrence ; Dorval n'aimant pas non plus ses congénères). Mais l'essentiel de ces lettres réside dans la description minutieuse et douloureuse, ou exaltée et sensible, de la passion amoureuse. Ces lettres peuvent être très crues, relatant l'amour physique qui unit les amants, ou plus métaphoriques, sur le manque ressenti, la fusion et les retrouvailles ardemment désirées.
Ce recueil de correspondance amoureuse est inédit en publication spécifique.
Ariane Charton est critique littéraire, spécialiste du romantisme.
Alma Brami, Ils l'ont laissée là (20 août)
Coups de hache, partout dans les murs. Dévaster, détruire tout ce qu 'elle voit. Les infirmières piaillent, Docteur Grain tente de la raisonner, les autres courent, crient.Déborah vit avec ses parents et sa sœur aînée Rose, dans un foyer en apparence uni, sans problème. Déborah ne va pas bien : sa douleur paraît immense, mais les adultes ne la comprennent pas. Déborah a beaucoup d'imagination : il n'est qu'à entendre les longues conversations qu'elle a avec son ami imaginaire, Romain, à qui elle confie tous ses secrets... Alors, quand elle parle de l'« individu » qui lui fait peur, et qui ferait avec elle des choses bizarres, pourquoi la croirait-on ? A moins qu'on ne veuille pas l'entendre : ce qu'elle évoque serait trop monstrueux, cela ne peut donc pas exister. Par définition les adultes ont toujours raison, la petite fille ne peut pas leur en vouloir. Après tout, peut-être se fait-elle des idées... D'ailleurs quand Mamie Pelouse comprend avec horreur ce qui hante sa petite-fille, Déborah se rétracte aussitôt, nie catégoriquement. Elle se referme sur elle, et plonge dans une dépression qui conduit ses parents impuissants à la confier au docteur Grain. Le psychiatre saura-t-il libérer Déborah de ses angoisses?
Déborah ne s'arrêtera que lorsqu 'on devinera ce qu 'elle ne peut pas dire.
On prévient les parents, vite avant qu 'il ne soit trop tard.
Déborah crache, mugit, fracasse, saccager ce carcan, ce nid qu 'on lui offre.
Ne plus se réveiller, ne plus voir par ses yeux, par ses gouffres. Poison de la vérité qui se propage, lianes qui s'enroulent, qui strangulent.
Alma Brami a 24 ans. Ils l'ont laissée là est son deuxième roman.
Pierre Charras, Le requiem de Franz (20 août)
Et j'ai découvert Thérèse, en même temps que je découvrais ma Messe en fa. Pendant les répétitions, j'avais écouté la messe et Thérèse et, là, je les entendais.Octobre 1814 : Franz Schubert a 17 ans et dirige sa propre messe, la première. Son frère Ferdinand joue de l'orgue et Thérèse Grob interprète la partie de la soliste. Thérèse sera le seul et unique amour de la vie de Schubert. À bien des égards, cette Messe en fa est décisive dans la destinée du jeune musicien. Bien que mort prématurément, à trente et un ans, Franz Schubert aura en effet le temps de composer plus de mille œuvres, dont quelque 600 lieder.
Alors, en pleine béatitude, j'ai senti l'amour s'abattre sur moi, comme d'autres sont foudroyés par la beauté, la foi. À moins que ce ne soit de ma propre musique que je sois tombé amoureux. Ou de l'amour lui-même. Ou de Dieu.
En évoquant ce musicien exceptionnel, Pierre Charras parle essentiellement de son rapport à la création. Par-delà les siècles, il fait entendre au présent la voix du compositeur et, surtout, dessine les contours d'une âme tourmentée. En proie aux affres de la création et de la maladie, Franz n'a pas d'alternative : il doit créer pour continuer à vivre. Comme le génial témoin revenu d'un voyage dans le temps, Pierre Charras décrit les derniers jours de Schubert avec une sensibilité rare, une empathie et une lucidité exemplaires. Il lui offre ainsi un merveilleux cadeau, le Requiem qu'il rêvait tant de composer.
Pierre Charras est l'auteur de nombreux romans, dont Comédien (prix Valéry Larbaud 2000), Dix-neuf secondes (prix Fnac 2003) et Bonne nuit, doux prince.
Olivier Jacquemond, New York Fantasy (20 août)
J'ai quitté le quartier Pigalle, avec ses putes et ses néons, ses sex-shops et ses camés, pour un entrepôt en plein cœur du Lower East Side. New York était le lieu où les gens venaient non pas afin de vivre ou de concrétiser leurs rêves mais plutôt pour s'inventer les rêves qu 'ils n 'avaient pas. Mus par un même désir, une même volonté, ils finissaient tous par se ressembler : impossible de trouver une serveuse qui ne rêvait pas de tourner pour Woody Allen ou Ridley Scott, de sortir avec Colin Farrell ou de faire un duo avec Mariah Carey, Beyoncé ou Gwen Stefani. Oui, New York était bien d'une certaine façon la ville de l'égalité des chances car chacun était à égalité devant ses rêves. Tout le monde était riche d'une vie fantasmée. C'était ça le ressort de l'« American dream ».Lorsque Eric décide d'aller vivre un an à New York, en 2003, il est encore un jeune homme insouciant. Quelques mois plus tard, quand son père tombe malade, il a à peine le temps de rentrer en France et d'assister à sa mort. Avec cette disparition, Eric prend soudain conscience qu'il ne peut plus vivre en France, qu'il doit rompre avec son passé et retourner à New York. Il a besoin de se fondre dans la foule anonyme. Il devient donc « Tom », serveur dans un bar de Williamsburg à Brooklyn. Les pourboires sont plutôt conséquents, Tom vit à sa manière son rêve américain. Dans ce bar, il lie connaissance avec un certain Mick Bowery, un écrivain. Les deux hommes se découvrent une passion commune pour les chansons de Léonard Cohen. D'ailleurs, Mick a bien connu le chanteur, dans une autre vie, à l'époque du Chelsea Hôtel. Mais il se demande ce qui peut bien séduire un jeune Français dans la poésie de Léonard Cohen. Eric-Tom, lui-même, n'explique pas bien cette attirance. Jusqu'au jour où il apprend par hasard que son père, cet homme discret et presque insignifiant, était aussi un amateur inconditionnel du chanteur...
Quand le rêve américain flirte avec le cauchemar... Roman urbain dans une New York d'après le 11 septembre où la ville devient un personnage à part entière, New York Fantasy est aussi un roman sur la filiation et la transmission.
Olivier Jacquemond a vingt-huit ans. New York Fantasy est son premier roman.
Gwenaëlle Aubry, Personne (27 août)
Je ne sais pas quand je me suis dit pour la première fois « mon père est fou », quand j'ai adopté ce mot de folie, ce mot emphatique, vague, inquiétant et légèrement exaltant, qui ne nommait rien, finalement, rien d'autre que mon angoisse, cette terreur infantile, cette panique où je basculais avec lui et que toute ma vie d'adulte s'employait à recouvrir, un appel de lui et tout cela, le jardin, le soir d'été, la mer proche, volait en éclats, me laissant seule avec lui dans ce monde morcelé et muet qui était peut-être le réel même (au lendemain de cet appel, j'ai fait une chute de vélo et passé le reste des vacances à consulter des médecins pour m'assurer que l'enfant que je portais était encore vivant).Sous la forme d'un abécédaire, de A comme « Antonin Artaud » à Z comme « Zelig », en passant par B comme « Bond (James Bond) », F comme « Flic », H comme « Hoffmann (Dustin) » ou S comme « SDF », Personne est le portrait d'un absent, le père, aujourd'hui décédé, de la narratrice. De son vivant, cet homme était déjà absent, au monde et à lui-même. Il était malade : maniaco-dépressif pour la psychiatrie, mélancolique pour la littérature... En rassemblant des souvenirs d'enfance et des fragments du journal de son père, la narratrice tente de cerner une personnalité éclatée et insaisissable. Lucide et tendre, Personne est un roman kaléidoscope, à l'image de ce père aux multiples facettes.
Philosophe et romancière, Gwenaëlle Aubry est l'auteur notamment de L'isolée et de Notre vie s'use en transfigurations.
Philippe Delerm, Quelque chose en lui de Bartleby (27 août)
Je ne sais pas ce que c 'est que l'ennui. Je peux rester des heures dans l'endroit le plus neutre, une salle d'attente, un hall de gare. Même sans livre à lire, sans journal à feuilleter. Bien sûr, quand il y a des gens à observer, à écouter, ce n'est pas mal. Mais je supporte très bien de m'intéresser indéfiniment à un bout de papier peint qui se décolle, une lézarde infime à l'angle du plafond, à la structure métallique des chaises, au désordre des magazines sur la table basse. Je n'en tire pas gloire. Ce blog est pour moi la première occasion de confier cette façon d'être.Qui aurait cru qu'Arnold Spitzweg, employé de la Poste à l'existence méthodiquement organisée, se mettrait un jour à tenir un blog, www.antiaction.com ? Lui qui refusa longtemps de se mettre à l'informatique et pour qui « blog sonnait comme une espèce de borborygme Scandinave, moitié blizzard et moitié grog » ! Et, surtout, qui aurait dit que ce blog rencontrerait un tel succès - citations sur les ondes de France Inter, intérêt des éditeurs et proposition pour faire un livre ? L'histoire paraît incroyable, et pourtant... Les écrits intimes d'Arnold Spitzweg résonnent avec force chez des milliers d'internautes : on le félicite de toute part, on le remercie d'aller contre l'activisme ambiant et de décrire l'inclination naturelle à la paresse. Arnold Spitzweg doit se rendre à l'évidence : il a touché une corde sensible. Il n'est donc pas tout seul à penser que notre monde va trop vite et qu'il faut, parfois, savoir s'arrêter pour en contempler la beauté. Comment celui qui s'identifierait volontiers au Bartleby de Hermann Melville vivra-t-il cette subite notoriété et cette surexposition médiatique ?
Dans ce roman drôle, tendre et parfois mélancolique, Philippe Delerm nous parle avec une grande acuité du monde contemporain. Pointant admirablement les petits riens qui font les grands bonheurs, son regard sait aussi se faire caustique pour peindre les travers de notre société.
Chloe Aridjis, Le livre des nuages (3 septembre)
Traduit de l'anglais par Jean-Pierre Aoustin
Il est rare qu'un premier roman soit précédé, avant même sa publication, d'un tel concert de louanges. Paul Auster a été le premier, aux États-Unis, à saluer « l'immense talent » de Chloe Aridjis. Mais il n'est pas le seul, on sait que J.M.G. Le Clézio est prêt à le soutenir en France.
Chloe Aridjis - américaine par sa mère, mexicaine par son père, Homero - a baigné très tôt dans la littérature mais elle trace son chemin toute seule et les éditeurs anglais et américains ont lutté entre eux pour l'acheter. Il y a plusieurs traductions en cours.
Peut-être en partie - en partie seulement - autobiographique, Le livre des nuages se passe à Berlin après la chute du mur. Tatiana, la narratrice, y a étudié quelque temps grâce à une bourse, puis elle a choisi d'y rester, vivant de différents petits boulots, avant d'accepter de saisir sur ordinateur les textes d'un vieil historien, chez lui, plusieurs heures par semaine.
Tatiana est, par choix, une solitaire. Elle donne le sentiment de flotter un peu dans la vie, de se promener sur un nuage. A part Weiss, son employeur assez mystérieux - qui est-il vraiment ? - elle ne connaît guère que Jonas, un jeune météorologue spécialiste des nuages - on ne s'en étonnera pas - avec qui elle aura une brève aventure. Mais, là encore, elle ne s'implique guère, elle est toujours sur le point de s'enfuir, de disparaître.
Le vrai personnage du livre, c'est Berlin, dont la présence domine tout. Berlin et son terrible passé, la guerre d'abord, puis le mur, la coupure. Tatiana voit des fantômes qui, pour elle, sont bien réels - on laissera le lecteur découvrir les extraordinaires dix premières pages -, elle se mêle à eux, dans les rues, le métro, les anciens souterrains côté Est. On se laisse entraîner à sa suite, dans des récits d'une grande poésie et parfois très noirs. Mais la violence rôde partout. Et c'est au prix d'un épisode d'une grande brutalité que Tatiana revient sur terre, en quelque sorte, et décide de quitter Berlin et ses mystères cachés par les nuages.
Un jeune auteur extrêmement prometteur.
Lettres pour lire au lit. Correspondance amoureuse d'Alfred de Vigny et Marie Dorval (1831-1838)
Préface et notes par Ariane Charton
En 1830, Alfred de Vigny, poète renommé, et Marie Dorval, comédienne vedette du théâtre romantique, se rencontrent. En juin 1831, alors que la seconde joue la pièce du premier, La Maréchale d'Ancre, ils deviennent amants. Le poète installe sa muse dans un appartement de l'avenue Montaigne, où ils se retrouvent avec passion. Peu à peu, celle-ci s'éteindra, mais les amants restent attachés l'un à l'autre, et vivent ensemble quelque temps dans une maison à Montmartre. En 1838, après de violentes disputes, ils se séparent. Vigny est extrêmement jaloux, au point de faire suivre sa « vieille maîtresse » par l'inspecteur Vidocq lui-même, ne supportant pas sa liaison avec un plus jeune poète, Jules Sandeau.
« Tout était passion chez elle, la maternité, l'art, l'amitié, le dévouement, l'indignation, l'aspiration religieuse ; et comme elle ne savait et ne voulait rien modérer, rien refouler, son existence était d'une plénitude effrayante, d'une agitation au-dessus des forces humaines... », écrit à propos de Marie Dorval son amie George Sand, qui s'y connaissait pourtant en matière de sentiments extrêmes.
Environ 150 lettres d'amour rythment cette liaison, où les amants relatent leur vie professionnelle et sentimentale, leurs malheurs (la mort de la mère du poète, celle de la fille cadette de l'actrice), les relations difficiles qu'ils entretiennent avec leur entourage professionnel (Vigny supportant mal la concurrence ; Dorval n'aimant pas non plus ses congénères). Mais l'essentiel de ces lettres réside dans la description minutieuse et douloureuse, ou exaltée et sensible, de la passion amoureuse. Ces lettres peuvent être très crues, relatant l'amour physique qui unit les amants, ou plus métaphoriques, sur le manque ressenti, la fusion et les retrouvailles ardemment désirées.
Ce recueil de correspondance amoureuse est inédit en publication spécifique.
Ariane Charton est critique littéraire, spécialiste du romantisme.
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