Au premier tour de
l’élection de printemps, Marc Levy et Guillaume Musso n’ont qu’à faire une
apparition dans les librairies pour emporter tous les suffrages. Sorti le 29
mars, Si c’était à refaire, du
premier, s’est immédiatement porté en tête des meilleures ventes, remplacé la
semaine suivante à cette place par 7 ans après…, du second, paru le 5 avril. Avec des tirages de départ
comparables : 370.000 exemplaires pour Marc Levy (d’après Livres Hebdo), 400.000 pour Guillaume
Musso (Le Parisien). Les volumes sont
assez semblables, eux aussi : 421 et 400 pages. En revanche, pour la
brièveté des chapitres, Musso est le maître : 65 et un épilogue, contre 24
« seulement » chez Levy.
C’est une des
caractéristiques des auteurs populaires : ils ne laissent pas au lecteur
le temps de souffler. Marc Levy pousse la technique à l’extrême. Phrases
courtes à la construction incomplète, rythme haché, dialogues serrés. Guillaume
Musso est plus classique, dans un balancement régulier presque hypnotique.
Encore faut-il, première
condition pour retenir un lecteur qui cherche à l’évidence une distraction
plutôt qu’une littérature exigeante, construire un récit à rebondissements.
Si c’était à refaire fonctionne sur un unique ressort principal :
assassiné pendant qu’il fait son jogging, Andrew Stilman, journaliste au New York Times, se trouve projeté
soixante-deux jours en arrière. Avant son deuxième voyage en Argentine sur la
piste d’un tueur de la dictature. Avant son mariage qu’il a fait foirer le soir
même de la cérémonie. Et, forcément, avant sa mort. « Andrew ne croyait pas à la réincarnation et encore moins en une
résurrection qui lui aurait permis de revenir sur terre un quart d'heure avant
sa mort. » Si lui-même n’y croit pas et qu’il est pourtant obligé
d’admettre que sa vie s’est rembobinée, que voulez-vous que fasse le lecteur,
sinon l’accepter aussi, au mépris de toute logique ? Le romancier utilise
une arme imparable. Mais presque la même que dans des livres précédents, ce qui
réduit son efficacité.
7 ans après… est un peu plus sournois, parce que tout ce qu’on croit savoir se démonte
au fur et à mesure pour laisser la place à une réalité bien différente. Le
scénario, dont je ne dirai rien pour laisser quand même un peu de plaisir à
ceux qui aiment ça, pourrait se résumer en quatre lignes. Sur lesquelles le
romancier plaque des fausses pistes désignées avec trop de complaisance pour
être crédibles. Les personnages sont à la limite de la caricature : le
père autoritaire, à ce point désireux de préparer un bel avenir à sa fille
qu’il ne lui laisse aucun espace de liberté ; la mère volage, dont le fils
– ils sont jumeaux – semble sur une mauvaise pente. Puis on voyage, autant pour
résoudre une énigme que pour en arriver à une conclusion prévisible.
Il y a du mouvement dans
les deux livres, mais chaque fois au départ de New York – fantasme du romancier
français à succès qui se pose sur le terrain de la concurrence principale, le
best-seller américain ? Le mouvement est cependant un peu vain et ne
parvient pas à occuper l’espace.
Ceci dit, si les fans de ces écrivains m'exilaient, par mesure de rétorsion, sur une île déserte en me sommant de
choisir l’un ou l’autre de leurs nouveaux romans, je pencherais quand même du
côté de Marc Levy plutôt que de Guillaume Musso. Mais pas avant d’avoir
envisagé le suicide.
Merci beaucoup pour ce billet qui renforce mon envie irrépressible... de ne pas les lire.
RépondreSupprimerSigné: la réincarnation de Juanicoco en partance pour New-York.
Merci Pierre de me dispenser de deux lectures qui m'auraient pesé et auraient donc duré.
RépondreSupprimer