vendredi 13 avril 2012

Le match du printemps : Marc Levy - Guillaume Musso

Au premier tour de l’élection de printemps, Marc Levy et Guillaume Musso n’ont qu’à faire une apparition dans les librairies pour emporter tous les suffrages. Sorti le 29 mars, Si c’était à refaire, du premier, s’est immédiatement porté en tête des meilleures ventes, remplacé la semaine suivante à cette place par 7 ans après…, du second, paru le 5 avril. Avec des tirages de départ comparables : 370.000 exemplaires pour Marc Levy (d’après Livres Hebdo), 400.000 pour Guillaume Musso (Le Parisien). Les volumes sont assez semblables, eux aussi : 421 et 400 pages. En revanche, pour la brièveté des chapitres, Musso est le maître : 65 et un épilogue, contre 24 « seulement » chez Levy.
C’est une des caractéristiques des auteurs populaires : ils ne laissent pas au lecteur le temps de souffler. Marc Levy pousse la technique à l’extrême. Phrases courtes à la construction incomplète, rythme haché, dialogues serrés. Guillaume Musso est plus classique, dans un balancement régulier presque hypnotique.
Encore faut-il, première condition pour retenir un lecteur qui cherche à l’évidence une distraction plutôt qu’une littérature exigeante, construire un récit à rebondissements.
Si c’était à refaire fonctionne sur un unique ressort principal : assassiné pendant qu’il fait son jogging, Andrew Stilman, journaliste au New York Times, se trouve projeté soixante-deux jours en arrière. Avant son deuxième voyage en Argentine sur la piste d’un tueur de la dictature. Avant son mariage qu’il a fait foirer le soir même de la cérémonie. Et, forcément, avant sa mort. « Andrew ne croyait pas à la réincarnation et encore moins en une résurrection qui lui aurait permis de revenir sur terre un quart d'heure avant sa mort. » Si lui-même n’y croit pas et qu’il est pourtant obligé d’admettre que sa vie s’est rembobinée, que voulez-vous que fasse le lecteur, sinon l’accepter aussi, au mépris de toute logique ? Le romancier utilise une arme imparable. Mais presque la même que dans des livres précédents, ce qui réduit son efficacité.
7 ans après… est un peu plus sournois, parce que tout ce qu’on croit savoir se démonte au fur et à mesure pour laisser la place à une réalité bien différente. Le scénario, dont je ne dirai rien pour laisser quand même un peu de plaisir à ceux qui aiment ça, pourrait se résumer en quatre lignes. Sur lesquelles le romancier plaque des fausses pistes désignées avec trop de complaisance pour être crédibles. Les personnages sont à la limite de la caricature : le père autoritaire, à ce point désireux de préparer un bel avenir à sa fille qu’il ne lui laisse aucun espace de liberté ; la mère volage, dont le fils – ils sont jumeaux – semble sur une mauvaise pente. Puis on voyage, autant pour résoudre une énigme que pour en arriver à une conclusion prévisible.
Il y a du mouvement dans les deux livres, mais chaque fois au départ de New York – fantasme du romancier français à succès qui se pose sur le terrain de la concurrence principale, le best-seller américain ? Le mouvement est cependant un peu vain et ne parvient pas à occuper l’espace.
Ceci dit, si les fans de ces écrivains m'exilaient, par mesure de rétorsion, sur une île déserte en me sommant de choisir l’un ou l’autre de leurs nouveaux romans, je pencherais quand même du côté de Marc Levy plutôt que de Guillaume Musso. Mais pas avant d’avoir envisagé le suicide.

2 commentaires:

  1. Merci beaucoup pour ce billet qui renforce mon envie irrépressible... de ne pas les lire.

    Signé: la réincarnation de Juanicoco en partance pour New-York.

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  2. Merci Pierre de me dispenser de deux lectures qui m'auraient pesé et auraient donc duré.

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