mercredi 8 février 2017

La mort de Tzvetan Todorov

Il était un des grands intellectuels de notre temps. Tzvetan Todorov vient de mourir à l'âge de 77 ans mais ses livres ne disparaîtront pas. En voici un, à travers un article qui coïncidait avec le Grand Prix littéraire de la ville de Genève, qu'il avait reçu en 1991.

D’année en année, tant par la récompense attribuée au lauréat (50 000 francs suisses) que par le palmarès qui commence à se constituer et par la qualité du jury (cette année, notamment André Brink, Bronislaw Geremek et Albert Jacquard), le Grand Prix littéraire de la ville de Genève auquel a été donné le nom d’un des plus prestigieux philosophes du XVIIIe siècle devient une référence dans le domaine de l’essai. Les Morales de l’histoire, un des ouvrages les plus ambitieux de Tzvetan Todorov, se voit ainsi entouré d’une bande particulièrement valorisante.
C’est à Bronislaw Geremek, historien polonais qui a pris une place importante dans l’histoire récente de son pays – certains trouveront que c’est paradoxal, d’autres le féliciteront, quand d’autres historiens auront fait le compte de cette histoire-ci – qu’est revenue la tâche, apparemment agréable, de justifier le choix du jury.
« C’est un livre dense et riche, a-t-il dit. Il met en question le problème de l’altérité, du regard sur l’autre. Ce regard sur l’étranger, sur le différent, forme la conscience de notre civilisation. Il pose aussi le problème de la vérité et du faux. Pourquoi croyons-nous à un récit ? Parce qu’il est une œuvre d’imagination, ou parce qu’il est vrai ? Enfin, il envisage la responsabilité morale attribuée aux intellectuels : ce problème met en doute la place de l’intellectuel dans la cité. »
A travers, par exemple, la place de la Bulgarie dans l’imaginaire français, ou les différentes manières d’envisager la conquête de l’Amérique, ou l’importance des récits de voyages, Tzvetan Todorov met en place une collection de miroirs dans lesquels les images de l’autre apparaissent plus ou moins fidèles, plus ou moins déformées. Et il en arrive à la conclusion socratique d’un « portrait de l’intellectuel critique ».
Le prix Jean-Jacques Rousseau a pour vocation de récompenser un essai qui est « un regard original sur l’état du monde et le devenir de l’homme ». Le dernier livre de Tzvetan Todorov, Les Morales de l’histoire, répond en effet parfaitement à ce souhait.

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