vendredi 15 décembre 2017

Michel Zink, le Moyen Âge à l'Académie française

Hier, l'Académie française a voté pour choisir le remplaçant de René Girard, décédé. Michel Zink occupera donc le fauteuil 37, du haut de ses 72 ans et de sa connaissance intime des lettres du Moyen Âge. Il a, c'est naturel dans un domaine peu familier au grand public, écrit de nombreux ouvrages plutôt lus par des spécialistes ou des amateurs éclairés. Mais il a aussi toujours cherché à rendre accessibles sa matière de prédilection. Il avait ainsi, en 2014, porté le Moyen Âge vers les auditeurs de France Inter dans des chroniques devenues, l'année suivante, un livre, Bienvenue au Moyen Âge. Il avait aussi investi le roman policier et publié, notamment, Un portefeuille toulousain en 2007 chez Bernard de Fallois. Un peu d'auto-ironie sur ses propres recherches, un climat d'après-guerre assez pesant, il y avait là du plaisir d'écrire. Il a créé, j'en terminerai par là sans épuiser les détails de sa carrière, créé au Livre de poche la collection "Lettres gothiques" qui donne accès à des textes que l'on pensait réservés à un petit nombre. Je l'avais rencontré à cette occasion, en 1991. Entretien.

Michel Zink est un médiéviste heureux. Alors qu'il publiait jusqu'à présent, comme ses collègues, des ouvrages confidentiels à tirages très limités, le voici à la tête d'une collection grand public, avec les moyens de mener une politique qu'il nous a définie:
Nous voulons d'une part, fournir les textes essentiels de la littérature du Moyen Age et, en outre, intercaler de temps en temps des textes moins connus. En général, les textes seront intégraux, mais il y aura quelques exceptions. Par exemple, les œuvres complètes de Deschamps représentent, dans l'édition de la Société des anciens textes français, onze volumes, et nous ferons un choix, comme pour les troubadours dont nous proposerons une anthologie.
À quel besoin correspond le choix d'établir des éditions bilingues? Est-ce pour toucher à la fois le public cultivé et le public universitaire?
Oui. Ces livres doivent pouvoir servir aux étudiants et entrer dans les programmes universitaires. On ne peut de toute manière pas faire semblant indéfiniment que les étudiants n'utilisent pas de traduction pendant l'année, alors qu'ils le font. Donc, si on leur donne à la fois le texte originale et la traduction, c'est très bien. Mais comme il faut dépasser le public étudiant et toucher le public cultivé, l'idée est que c'est, après tout, du français, même si c'est du vieux français, et que les gens ont le droit de voir comment c'était, même s'ils ne lisent pas d'un bout à l'autre en ancien français. Mais ils peuvent s'y reporter pour comparer, et ça peut être pour eux une sorte d'initiation. Après tout, ce n'est pas si difficile. Si on se donne la peine d'en lire quelques pages en regardant la traduction, ça va tout seul...
Précisément, pour la traduction, préférez-vous une fidélité absolue ou un texte plus littéraire?
Il y a eu un peu des deux. On a commencé, avec La Chanson de la croisade albigeoise, par une traduction d'Henri Gougaud qui existait déjà. C'est une adaptation poétique: elle sonne admirablement, mais elle est loin du texte. Le reste du temps, on essaie d'avoir des traductions aussi fidèles que possible, mais il faut qu'elles soient lisibles sans effort et avec plaisir. Pour les textes en vers, en particulier, on essaie de traduire vers par vers, ce qui est une petite astreinte pour le lecteur moderne mais oblige le traducteur à garder le rythme original et simplifie aussi le contrôle sur le texte original. Il y a des réussites dans le genre, comme la traduction des Lais de Marie de France par Laurence Harf-Lancner. La traduction du Conte du Graal par Méla est aussi très bien...
Combien de titres pensez-vous publier dans cette série?
Il y en a trente ou trente-cinq en préparation. Cela continuera encore un petit peu, mais pas indéfiniment, parce que le nombre d’œuvres du Moyen Age qui peuvent intéresser un public suffisamment large n'est pas extensible. On en fera une quarantaine, peut-être jusqu'à cinquante, si les dieux qui règnent sur cette maison le permettent...

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