vendredi 10 août 2018

Le feuilleton de la rentrée littéraire 13. Le syndrome Gala

On aurait pu arriver en toute tranquillité, la semaine prochaine, dans les librairies où commenceront à être exposés les livres de la rentrée. Et puis, non, pas du tout. Le genre d'affaire empoisonnante qui détourne l'attention de l'essentiel a éclaté cette semaine: une forte envie d'interdire un livre pour atteinte à la vie privée, genre: retenez-moi ou je fais un malheur, conclue (provisoirement? une action en justice semble toujours envisageable) par l'insertion d'un encart dans chaque exemplaire de l'ouvrage incriminé - un texte assez colère, juste assez pour mettre un coup de projecteur sur un sujet dont auraient peut-être ricané, et encore, seulement entre eux, une demi-douzaine d'initiés.
Mais voilà, plus personne n'est censé ignorer maintenant, comme on le dit de la loi, qu'Emilie Frèche vit en couple avec Jérôme Guedj, conseiller départemental de l'Essonne et figure du PS (comme il y en a de moins en moins, on les repère davantage). Lequel Jérôme Guedj a eu un fils avec Séverine (actuellement) Servat de Rugy, avant que celle-ci devienne l'épouse, d'où le nom de famille actuel, de François de Rugy, président de l'Assemblée nationale. Vous vous en moquez? Moi aussi, en fait.
Mais les compagnes et épouses d'hommes politique ne sont pas des faire-valoir, elles ont un métier autre qu'assistante parlementaire. Emilie Frèche, romancière confirmée, sort avec Vivre ensemble son dixième roman (le 22 août, chez Stock). Séverine Servat de Rugy est, de son côté, journaliste à Gala. Je l'ignorais, je me réjouis de le savoir, et je m'étonne du coup un peu moins d'une réaction qui semble (vu de l'extérieur, certes) dictée par la pénible habitude de mettre l'accent sur des événements qui n'en sont pas, sur des faits qui ne devraient intéresser personne et pourtant passionnent, allez comprendre pourquoi, sur les enveloppes souvent vides d'êtres émus jusqu'au malaise de ne pas trouver cette semaine, ou celle d'avant, leur photo dans la presse people. Je veux bien admettre que la journaliste se sente, dans la circonstance, une mère blessée - le conflit porte sur le supposé portrait peu flatteur de son fils car, oui, il y a un fils pas facile dans Vivre ensemble, mais enfin, qui dit que c'est le sien, à part elle? Sinon que, maintenant, chaque lecteur va y penser au moins de manière subliminale et chercher des clés là où n'y a peut-être même pas de serrure.
Le sommet dans cette affaire a priori haute comme une fourmilière de pays tempéré a été atteint par un article paru sur le site du Point: "François de Rugy demande l'interdiction d'un livre... Hallucinant!" Où la romancière et la journaliste s'effacent tout à coup du paysage, comme si elles étaient de banales assistantes parlementaires. Hallucinant, en effet, le mot n'est pas trop fort.
On en oublierait presque qu'il y a un livre dans tout cela, ce Vivre ensemble d'Emilie Frèche qui est donc parti sur des mauvaises bases mais dont vous pouvez lire un extrait.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire