mercredi 13 mars 2019

Stevenson chasseur de trésor

Il y a eu des obstinés, qui sont restés plusieurs semaines et même, pour l’un d’entre eux, plusieurs années sur l’île Cocos, au large des côtes de l’Amérique centrale. Un caillou planté dans le Pacifique, couvert de brouillard et où il pleut dix mois sur douze. Mais dont une rumeur persistante fait la cachette d’immenses richesses enterrées là par des boucaniers et des flibustiers. Une île au trésor. Et peut-être même L’île au trésor du roman de Stevenson. De quoi titiller de nombreux aventuriers. Et de quoi nourrir le formidable récit d’Alex Capus, digne d’un roman d’aventures qui fait de l’écrivain écossais non seulement l’auteur d’un livre à succès mais aussi et surtout l’un de ces chercheurs en quête de fortune.
L’hypothèse est audacieuse et tient la route, bien qu’elle rompe avec la biographie de Stevenson. Les Samoa, où celui-ci a passé les cinq dernières années de sa vie, n’étaient pas le rêve ultime d’un voyageur qui n’avait aucune intention de s’éterniser dans la région. Il l’avait d’ailleurs écrit dans sa correspondance. En outre, et l’argument frappe, le climat convenait mal à un homme dont les poumons étaient ravagés par la tuberculose. La maladie n’avait reculé qu’à Davos, pas dans les mers du Sud…
Capus ajoute que Fanny, l’épouse de l’écrivain, n’appréciait guère son environnement et que Robert Louis Stevenson, s’il a beaucoup raconté ses expéditions dans la région, a laissé quelques trous dans la chronologie. Ils pourraient bien avoir été occupés par les visites d’une autre île Cocos, à deux mille kilomètres au sud et huit mille kilomètres à l’ouest de celle qui a mobilisé les chasseurs de trésors. Comme par hasard, les Samoa ne se trouvent qu’à deux cent soixante-sept kilomètres de celle-là. Imaginons donc, avec Alex Capus, que Stevenson se soit posé au milieu du Pacifique parce qu’il était convaincu de connaître le véritable endroit de l’île au trésor. Jusqu’à installer chez lui, dans la maison qu’il s’était construite, un gigantesque coffre peut-être destiné à accueillir « une ou deux cargaisons d’or et de pierres précieuses ».
L’auteur franco-suisse de langue allemande qui est parti sur les traces de Stevenson ouvre des perspectives inédites et séduisantes. Il le fait avec un sens de la narration qui happe le lecteur, toujours emporté par les belles légendes sur lesquelles s’impriment les silhouettes de personnages connus. Comme dans les meilleurs récits, celui-ci n’a pas vraiment de fin, puisque la quête s’est achevée sans autre résultat que ce livre traduit par Emmanuel Güntzburger, Voyageur sous les étoiles. Mais ce n’est pas rien.

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