mercredi 11 avril 2012

Les romans durs de Simenon, 1934-1937

Suite du parcours dans les premiers volumes des "romans durs" de Georges Simenon. Aujourd'hui, le tome 2.

Les clients d’Avrenos
Une saison de langueur entre Ankara et Stamboul, villes cosmopolites qui invitent à traîner de bar en restaurant, de boîte de nuit en bar... Et rebelote le lendemain, selon un cycle immuable au cours duquel se rencontrent les mêmes personnes plus ou moins inactives - et plutôt plus que moins. La légèreté trompeuse avec laquelle évoluent ces Clients d'Avrenos les place au bord d'un précipice qu'ils ne voient même pas...
Au sein de cette faune interlope, Simenon distingue Bernard de Jonsac, personnage sans réelle épaisseur qui se laisse aller au gré de distractions prévisibles. Et qui nous paraît aujourd'hui délicieusement suranné. A dire vrai, il l'était peut-être déjà dès la première publication: Jonsac, en effet, est «drogman» à l'ambassade de France. La fonction n'a rien d'anglo-saxon, contrairement à ce qu'on pourrait penser (le mot est d'origine grecque ou arabe). Il s'agit simplement d'un interprète dans les pays du Levant - mais le titre a été supprimé en... 1902.
De toute manière, Bernard de Jonsac fait passer le travail bien après ses plaisirs, au point de se faire réprimander par l'ambassadeur. Dissipé, le drogman épouse Nouchi, qui est peut-être hongroise d'origine mais dont la profession ne fait aucun doute: elle est entraîneuse au Chat noir, un cabaret d'Ankara. Jonsac aime bien Nouchi, qui longtemps ne lui donne pourtant pas grand-chose d'elle-même, mais pas au point de lui proposer le mariage. En fait, la belle de nuit est sur le point de se faire expulser de Turquie et il lui a offert cette solution.
Forcément, elle rencontre les amis de Jonsac. Dans un premier temps, elle ne les trouve pas intéressants. Mais, bientôt, elle ne peut plus se passer d'eux, qui lui tournent autour comme des insectes autour d'une flamme. L'oisiveté porte au badinage, ou plus si affinités - ce sera longtemps un mystère...
Pendant que sa femme papillonne, Jonsac repère une jeune fille qui est tout le contraire de Nouchi. Lelia, en contraste avec le monde perverti où il vit, lui paraît le comble de la pureté. Qu'il faut corrompre, d'une certaine manière, pour établir un semblant d'équilibre entre les choses...

Les demoiselles de Concarneau
Jules Guérec est resté un petit garçon, bien qu'il ait la quarantaine et qu'il dirige la petite exploitation de pêche familiale. Ses sœurs, ses aînées, sont les véritables patronnes, surtout Françoise et Céline, qui passent leurs journées à tenir l'épicerie et les livres de comptes. Marthe est sortie du cercle en épousant Emile Gloaguen, le secrétaire du commissaire de police de Concarneau.
Mais elle a en quelque sorte délégué son pouvoir à son mari, considéré comme le seul homme sensé dans l'histoire. Puisque Jules garde la marque d'une faute passée: un enfant illégitime qu'il a fallu faire oublier de peur du scandale. Et voilà que Jules, décidément incapable d'autre chose, fait une nouvelle bêtise, que son inquiétude double d'une véritable catastrophe. A Quimper où il représentait les thoniers de Concarneau à la réunion du syndicat, ses pas l'ont mené vers la rue où traînent les femmes faciles et il y a laissé cinquante francs dont il ne sait comment justifier la disparition.
Tout à ses pensées sombres, au volant de sa nouvelle voiture qu'il maîtrise encore mal, dans la nuit qu'il traverse pour la première fois à la lueur des phares, il n'a pas le temps de voir surgir un gamin devant ses roues qu'il l'a déjà écrasé. Paniqué, il ne s'arrête pas tout de suite, revient sur ses pas après un moment, voit un attroupement, rentre finalement chez lui et choisit de régler le problème des cinquante francs manquants en annonçant qu'il a perdu son portefeuille jeté dans des cabinets.
Entre la peur de ses sœurs et de la police, dont son beau-frère est un digne représentant, Jules mûrit un remords croissant avec ce qu'il apprend de la mère célibataire dont il a tué un des deux enfants. Marie Papin est pauvre, il entreprend de l'aider en engageant son frère, à demi simplet, sur un bateau. Sans demander l'avis de ses sœurs qui le prennent mal et y voient une manœuvre destinée à leur cacher quelque chose. On ne peut pas leur donner tort, d'autant moins que Jules, dans son désir de racheter sa faute jusqu'au bout, s'imagine déjà marié avec Marie Papin dont il se croit amoureux. Françoise et Céline, toujours soucieuses de préserver la cohérence de leur famille, ne peuvent laisser faire cela.
La tension monte, le scandale éclate, le pauvre Jules ne sait plus où il en est de sa vie ni de ce qu'il veut en faire...
Le drame familial est intense, le point de basculement est évident et Simenon a traité ici un de ces dérapages qu'il affectionnait.

mardi 10 avril 2012

Les romans durs de Simenon, 1931-1934

Je me donne trois jours, non pour lire intégralement les premiers volumes d'une série de douze où seront rassemblés les romans durs de Georges Simenon, mais pour y lire quelques titres et donner, peut-être, envie de revenir à l'autre face du créateur de Maigret. Aujourd'hui, le tome 1 à travers deux romans.

Le haut mal
Lorsque les femmes des romans de Simenon imposent leur pouvoir, celui-ci est souvent despotique. Dans Le haut mal, il va jusqu'à décider de la vie et de la mort. Telle est Mme Pontreau: «On sentait qu'elle commandait, ici, chez sa fille et son gendre comme partout où elle allait. Elle n'élevait pas la voix. Elle ne faisait pas de bruit. Mais, froidement, elle prenait la direction d'une maison comme un officier prend la tête d'une compagnie.»
Jean, son gendre, dans la ferme duquel elle est venue régenter la maisonnée pour la moisson, est atteint du «haut mal»: plusieurs fois, il est tombé dans une crise d'épilepsie, et il n'est plus possible de cacher cette tare qui fait de lui, pour Mme Pontreau, un bon à rien.
La mort d'une vache sonne comme le prélude à un événement plus grave. Quelques pages plus loin, en effet, trouvant son pitoyable gendre évanoui dans le grenier à grains, sans avoir besoin de donner une justification à son geste, avec un naturel confondant, elle le défenestre et le tue.
Personne n'a rien vu, c'est le crime parfait puisque le malade a très bien pu tomber tout seul. Mme Pontreau n'est pas plus émue que si elle avait dépiauté un lapin. Et seule une femme de ménage que tout le monde prend pour une folle tient des discours délirants sur l'argent qu'elle pourrait obtenir. Un jour, elle parlera à un homme de passage, qui s'accusera d'avoir assassiné Jean en compagnie de Mme Pontreau. Une information est ouverte, la dignité de la maison vacille et la plus jeune des trois filles s'enfuit avec son amoureux.
Paradoxalement, la grande force de ce livre est de n'offrir aucune explication à l'acte fatal. Il n'est d'ailleurs, pour le romancier, que le point de départ de tout le reste: comment les trois filles, dans l'ignorance de ce qu'a fait leur mère, continuent à vivre sous la coupe de celle-ci jusqu'au moment où une accusation est portée contre elle, provoquant des ratés dans les engrenages bien huilés.
Il n'y aura pas non plus de sanction à ce qu'il faut bien appeler un meurtre. A défaut de preuve, et grâce à un arrangement de la veuve avec la femme de ménage, la maison retrouvera un semblant de normalité. Bien entendu, les failles sont toujours là, souterraines. Mais seule la plus jeune des filles, qui s'est mariée et a deux enfants, semble capable de les apercevoir, lors d'un passage discret sur les lieux de son enfance... 

Le locataire
Elie Nagéar aime trop l'argent facile. A Bruxelles, la vente de tapis dans laquelle il aurait dû être intermédiaire semble coincer et les deux cent mille francs promis s'éloignent. Alors, il prend le train de nuit pour Paris avec un riche Hollandais, le tue entre Saint-Quentin et Compiègne, lui prend son argent puis revient tranquillement à Bruxelles. Il y retrouve sa compagne d'aventures, Sylvie, entraîneuse dans une boîte de nuit, au moment où le récit du meurtre est déjà dans le journal, heureusement pour lui très incomplet.
La menace d'une enquête qui conduirait les policiers jusqu'à l'assassin est néanmoins bien réelle et Sylvie décide de l'envoyer à Charleroi, chez sa mère qui loue des chambres garnies. Elie découvre une maison menée d'une main ferme par madame Baron, dont l'époux, conducteur de trains, a des horaires chaotiques... De jeunes hommes de nationalités diverses y vivent, étudiants pour la plupart - vient inévitablement à l'esprit l'époque où le jeune Simenon côtoyait, chez lui, les étudiants russes auxquels sa mère louait des chambres et qui lui firent découvrir leur littérature nationale.
Antoinette, la jeune sœur de Sylvie, qui vit toujours chez ses parents, sera la première à comprendre que la situation est beaucoup plus compliquée qu'elle n'en a l'air. Sa mère est tombée sous le charme du voyou et son père apprécie plutôt ce locataire. Les autres, plus ou moins consentants, acceptent de taire leurs soupçons, puis leurs certitudes. L'essentiel du roman réside dans l'attitude des membres de cette maison et dans celle d'Elie, tenté de commettre un autre meurtre en Belgique pour être jugé dans un pays qui n'applique pas la peine de mort. Quant à madame Baron, elle est le personnage le plus saisissant, pathétique jusqu'à son étonnante présence dans la dernière scène...

lundi 9 avril 2012

La semaine des questions : Daniele Del Giudice, Albert Espinosa, Colin Thubron

On nous annonce des livres qui ne ressemblent à rien de connu - ou au moins, car il ne faut pas exagérer, des livres inhabituels. Et c'est bien. Ne pas trop savoir à quoi s'attendre, malgré les explications des éditeurs. Comment vend-on du temps? Comment lire dans les souvenirs des autres? Comment déterminer le caractère sacré d'une montagne? Si vous connaissez toutes les réponses, c'est que vous avez lu avant leur parution cette semaine, les trois livres que voici.

«Rabat, Maroc, deuxième semaine d’automne.
Hier j’ai assisté, pour la première fois, à une transaction commerciale concernant le temps. Ou plutôt, j’ai perçu, je crois, un échange de ce genre dans une petite boutique, une échoppe sur le versant occidental de la Médina où l’on arrive par la rue des Consuls; je fais allusion par là à ma sensation personnelle d’avoir assisté à un événement simple, celui d’un homme qui vendait du temps à un autre homme.»
Le narrateur reste hanté par cette scène, et, de Rabat à Stavanger, en Norvège, il part à la recherche d’une explication. Y-a-t-il réellement un commerce du temps et quelles sont les personnes qui le pratiquent?
Daniele Del Giudice vit à Venise. Ses livres sont traduits en une quinzaine de langues. Ont été publiés en France: Le Stade de Wimbledon («Points», n°1050, porté à l’écran par Mathieu Amalric, avec Jeanne Balibar), Atlas occidental (Seuil, «Cadre vert», 1987). Et dans «La Librairie du XXIe siècle»: Quand l’ombre se détache du sol (1996), L’Oreille absolue (1998), Dans le musée de Reims (2003) et Horizon mobile (2010).

Albert Espinosa est né à Barcelone en 1973. Atteint d'un cancer, il perd une jambe, un poumon et un morceau du foie, et passe une grande partie de sa jeunesse à l'hôpital. Puis, il connaît le succès en tant que scénariste et acteur. Voici son premier roman, inclassable. Et dont le titre, interminable, est en lice pour un nouveau record: Tout ce que nous aurions pu être, toi et moi, si nous n'avions pas été toi et moi.
La mère de Marcos, célèbre chorégraphe, est morte la veille et pour lui, rien ne peut plus être comme avant. Marcos attend le médicament qui lui permettra de perdre le sommeil et de ne plus rêver.
A ce tournant de sa vie, un appel téléphonique va tout changer: le chef de la police lui demande de le rejoindre sur le champ: le premier extraterrestre serait arrivé sur Terre.
Car Marcos a un don: celui de lire les souvenirs les plus forts des gens qu'il regarde, il doit déterminer si «l'étranger» est bien celui qu'il prétend être… 

Le Mont Kailash est la plus sacrée des montagnes du monde, puisqu’un cinquième de l’humanité le tient pour un lieu saint. Isolé derrière l’Himalaya central, il serait - selon le mythe - la source de l’univers créé à partir des eaux cosmiques et de l’esprit de Brahma.
Ce pic n’a jamais été escaladé - son caractère sacré l’interdit - mais il y a des siècles que pèlerins hindous et bouddhistes marchent en cercles rituels autour du Kailash. Colin Thubron leur emboîte le pas, arrivé par le Népal au terme d’un trek périlleux qui lui fait franchir de hauts cols tibétains pour l’amener finalement aux lacs magiques miroitant au pied du Kailash.
La finesse d’intuition et l’empathie naturelle de Colin Thubron s’allient à la puissance d’évocation et au lyrisme de son écriture dans ce livre de voyage d’une beauté incantatoire. Son rare talent d’impressionniste donne à voir et à ressentir gens et paysages, qui se dessinent en trois dimensions dans ses pages. Il discute avec des villageois installés dans des coins déserts, avec des moines vivant dans des monastères délabrés. Il raconte les histoires des exilés et des explorateurs excentriques venus d’Occident.
Mais Destination Kailash, montagne sacrée du Tibet recèle aussi une autre dimension. Colin Thubron entreprend ce voyage peu de temps après le décès du dernier membre de sa famille, sa mère, qu’il a accompagnée dans ses dernières heures: c’est une sorte de «pèlerinage profane», une façon de laisser un signe du passage des êtres chers. Tout un paysage intérieur de solitude, d’amour et de chagrin se révèle à la faveur de sa longue marche autour du Kailash, géant de pierre et de glace révéré des foules qu’il rencontre - un paysage qui lui restitue de précieux fragments de ses propres origines. De vieilles photos aperçues dans les  albums familiaux prennent une subtile réalité dans ces lieux évocateurs de ces jeunes gens qu’étaient ses parents du temps des Indes britanniques.
On est là en présence d’un summum absolu de la littérature de voyage, sous la plume d’un auteur incomparable par la richesse de son expérience, et de sa sensibilité.

dimanche 8 avril 2012

La disparition discrète de Raymond Jean

Presque par hasard, l’œil glissant nonchalamment sur la nécrologie du Monde - une page que je ne regarde jamais, mais que je vois -, je viens d'être attiré par le nom de Raymond Jean, écrivain et universitaire, mort le 3 avril à Gargas, dans le Vaucluse. Tout de suite, la mémoire restitue des images du film La lectrice, de Michel Deville, d'après un roman de Raymond Jean qui portait le même titre et dont je ne sais plus si je l'ai lu, en réalité (en réalité, oui). Car il arrive qu'une adaptation se superpose au livre.
Apparemment, sa disparition n'a pas frappé en masse les journalistes culturels. Je ne trouve, pour le saluer une dernière fois, qu'un article de L'Humanité paru jeudi, et qui m'avait échappé. Alain Nicolas, qui signe le papier, rappelle bien sûr son militantisme communiste, mais aussi son engagement dans le Résistance, et bien d'autres faits d'armes politiques dont ses livres sont parfois l'écho.
J'ai aimé, plusieurs fois, des ouvrages de Raymond Jean. J'en retrouve la trace dans des articles que j'avais écrits et dont la republication, ici, constituera mon hommage personnel.

Un fantasme de Bella B. (1983)
Bourse Goncourt de la nouvelle en 1983, ce recueil explore d’étranges relations tissées autour de l’amour. A l’exception du premier texte, bâti sur une peur irrationnelle en apparence mais pas sans rapport avec la sexualité. Puis Raymond Jean emprunte des chemins buissonniers au gré de sa fantaisie. Organise d’improbables rencontres. Renoue avec l’émoi d’une première fois. Dérape sans prévenir. Ausculte le désir et la culpabilité. Huit variations sur un thème qui lui est cher.

L'attachée (1993)
Raymond Jean aime puiser la matière de ses romans dans le monde réel, mais il ne tombe pas pour autant dans les travers du document-fiction, genre hybride et souvent faible, littérairement parlant. Dans L'attachée, il envoie sur le front de la guerre du Golfe une jeune enseignante devenue attachée culturelle et qui est transformée bien malgré elle, le temps d'un pré-conflit, en «bouclier humain».
Martine Martin prépare aussi une thèse de doctorat, sur le thème de l'«érographie», ce qui l'amène à se plonger systématiquement dans les œuvres pornographiques de toutes les époques. Quand sa bibliothèque arrive dans ce pays du Proche-Orient où elle prend ses fonctions, le côté plutôt brûlant de ces nombreuses pages étonne - le mot est faible - ceux qui tombent dessus. Sa réputation est rapidement faite. Comme, en outre, elle est jeune, jolie et libre, elle dérange autant qu'elle plaît.
L'histoire de cette femme est, évidemment, très influencée par l'actualité de son temps. En même temps, grâce au travail qu'elle tente de mener à bien, elle parvient à s'en détacher suffisamment pour prendre du recul. Ce qui lui vaudra de donner sa propre définition de la pornographie: ce n'est plus, pour elle, la description des ébats amoureux sous toutes leurs formes, mais plutôt la guerre qu'elle a vue de près, étant à deux doigts de prendre, au sens propre, «du plomb dans la cervelle».
L'attachée est aussi un tableau de la vie diplomatique, dont beaucoup d'écrivains français nous ont rendu compte pendant des décennies, mais qui semblait, ces derniers temps, échapper à la curiosité des romanciers. Il n'est pas mauvais que Raymond Jean, même si ce n'était pas là son but principal, ait relancé le mouvement en l'inscrivant dans un cadre très contemporain.

La cafetière (1995)
Amélie est une femme très belle, et consciente de sa beauté, mais cela ne lui a jamais posé le moindre problème: épouse du buraliste de Saint-Florin, autrement dit «cafetière», si on adopte le féminin de «cafetier», elle est heureuse de son sort et aime son mari qui le lui rend bien, malgré les problèmes d'argent auxquels ils doivent faire face.
Un jour, elle reçoit une lettre étrange: un inconnu lui propose cent mille francs pour faire l'amour avec elle. Une proposition indécente, certes, et qui ressemble fort à celle faite au personnage interprété par Demi Moore dans un film récent. La ressemblance ne s'arrête pas là, puisque le mari joue aussi un rôle dans ce jeu pervers où interviennent à la fois l'incongruité de la situation et le trouble réel qu'elle engendre.
La difficulté est donc de parvenir à oublier le film, pour se concentrer sur le roman. Car Raymond Jean est trop rusé pour décalquer une trame, et il la détourne au profit de préoccupations qui sont les siennes et qu'on a pu déjà croiser dans La rivière nue ou Transports, par exemple.
Un des thèmes qu'il creuse ici est en effet le fonctionnement de la rumeur dans une petite localité, où il suffit que deux personnes s'emparent d'un fait pour qu'il prenne des proportions bien peu en rapport avec la réalité.
Un autre thème est l'utilisation que fait, de la réalité précisément, la télévision, lui offrant une chambre d'écho face à laquelle la rumeur locale paraît bien dérisoire.
Amélie, dans toute cette histoire - histoire enrichie d'une habile construction romanesque à l'intérieur de laquelle tout est dédoublé -, ne s'en tire pas trop mal et préserve la bulle heureuse où elle se trouve avec son mari. C'est une sorte de petit miracle, comme ce roman qui se trouve sans cesse sur le fil du rasoir entre l'échec et la réussite, et qui retombe toujours du bon côté. Il n'est pas si facile, en effet, de faire du neuf avec de l'ancien, comme c'est le cas ici à cause de ce fameux film. Et Raymond Jean, fort de son habileté (dont le cinéma s'est d'ailleurs, en sens inverse, servi avec La lectrice), s'en tire très bien.

Le Roi de l'ordure (1999)
L'ordure, voilà l'avenir! Les spécialistes de notre futur l'affirment, et aussi le romancier Raymond Jean qui renverse l'image des champs d'immondices donnée autrefois par Michel Tournier dans Les Météores. Don Pedro, Le Roi de l'ordure, a construit son pouvoir économique et même politique, puisqu'il est député dans ce pays sud-américain où il vit sur la récupération des déchets. Il ne pratique évidemment pas lui-même ce travail beaucoup trop salissant pour son beau mais fragile costume en alpaga peigné. Une armée de petites mains misérables fouillent de véritables montagnes de détritus, jour après jour, fourmis laborieuses à peine rémunérées pour leur épuisant travail.
Don Pedro, malgré sa puissance, ou à cause d'elle, n'a pas que des amis. L'opinion publique internationale, représentée par ceux en qui il ne voit que des représentants du «charity business», respire avec dégoût l'odeur de pourriture matérielle et morale qui l'entoure jusque dans ses voyages officiels au cours desquels il parade en compagnie de la belle et sauvage Trucula - dont le nom est déjà tout un programme -, pêchée comme un caprice sur une décharge. Mais l'épouse officielle veille à la fidélité de son monstre de mari, et tout cela finira mal.
Aussi maître de son sujet que dans La fontaine obscure, La Lectrice ou L'or et la soie, Raymond Jean nous jette au visage les conséquences d'une logique économique dominant le monde. Il le fait en romancier, sans en tirer de leçon.
Celle que le lecteur peut tirer lui-même en est d'autant plus forte.

samedi 7 avril 2012

Une semaine ordinaire de lectures (parfois) extraordinaires

Il y a les livres que tout le monde lit en même temps. Enfin, quand je dis "tout le monde", je me comprends: je fais allusion aux livres sur lesquels les journaux publient des articles en même temps. Comme le Journal de Thoreau, dont il était question hier (c'était plutôt son traducteur qui en parlait, d'ailleurs - et, pour le reste, l'article est ici). Ou le nouveau roman de Jean-Christophe Rufin, Le grand Cœur, devant lequel je n'éprouve qu'un enthousiasme modéré. Je m'en suis expliqué dans Le Soir. Des aspects formidables, d'autres moins, dans ces cinq cents pages...
Dans la même catégorie, du point de vue de l'empressement avec lequel la presse s'empare de certains sujets, Le studio de l'inutilité, de Simon Leys, est aussi un sujet d'actualité. Et si ce livre pouvait toucher autant de lecteurs que celui de Rufin, cela me réjouirait. Superbement écrit, d'une belle pertinence qui fournit des armes à ceux qui récusent le culte de la rentabilité, il est aussi, malgré son titre, d'une grande utilité. Par ailleurs, bien que constitué d'articles et de conférences, il démontre à quel point Simon Leys se trouve sur une trajectoire toujours cohérente. Bref, cette lecture a été un grand moment de ma semaine. D'autant qu'elle se conclut par une sorte de bon usage de l'Université dans lequel je me retrouve complètement. (Bien qu'ayant peu fréquenté les salles de cours.)
Autre grand moment pour moi, la découverte de Patrick Lapeyre avec La vie est brève et le désir sans fin, réédité en poche. En fait, j'avais déjà lu et aimé, il y a quelques années, L'homme-sœur, aussi à l'occasion d'une réédition. Mais, cette fois-ci, c'est un véritable choc, grâce à la magie d'une écriture qui m'a littéralement transporté hors de moi, dans un monde purement littéraire qui m'a semblé avoir été inventé pour moi seul, tant je me suis senti bien dans ces pages. Des jaillissements d'images, des bribes de pensée, des élans contrariés, et tout cela par le biais de la langue. Les mots ne sont donc pas si usés qu'on le dit ni que semblent le croire des écrivains moins attachés à créer leur propre langage. Voici un roman indispensable, je pèse mes mots, avec lequel on a envie de suivre "trois ou quatre fillettes à vélo qui filent à grands coups de pédales vers la puberté."
Toutes les lectures ne provoquent pas de tels séismes - y résisterait-on, d'ailleurs? J'ai quand même été bouleversé par la noirceur de Féroces, où Robert Goolrick met ses blessures à nu. L'expérience est redoutable.
Moins redoutable, mais beaucoup plus agréable que je ne m'y attendais, Les témoins de la mariée, de Didier van Cauwelaert, est un roman habile, et même un peu mieux que cela. L'humour est fin, les situations inattendues, c'est un bon moment de distraction.
Un peu comme, dans un registre plus inventif, sur le ton d'un conte pour adultes, Métamorphose en bord de ciel, de Mathias Malzieu - accompagné de sa bande son que j'écoutais presque en même temps, Bird'N'Roll, de Dionysos.
Je n'ai pas été très impressionné, en revanche, par En attendant Robert Capa, de Susana Fortes, peut-être parce que j'ai eu un peu de mal à y entrer (pas le bon moment? allez savoir). Il y a de belles choses sur la photographie, la guerre d'Espagne et sur la vie, pourtant, dans ce livre. Mais, bon...
Je termine cette revue rapide de mes lectures de la semaine avec deux excellents romans aux qualités très différentes. Les fantômes du Delta, d'Aurélien Molas, est une grande fresque dans laquelle le delta du Niger est le cadre d'une chasse sans merci à la découverte médicale. Et La dernière nuit de l'émir, d'Abdelkader Djemaï, retrace la vie d'Abd el-Kader qui mena la vie dure aux Français jusqu'en 1847, en une évocation passionnante et sensible.

vendredi 6 avril 2012

Pour publier le "Journal" de Thoreau en français, il fallait un traducteur

Henry David Thoreau est à l'honneur cette semaine, dans L'Express, dans Libération et dans Le Soir, où je publie aujourd'hui un ensemble d'articles consacrés au Journal de l'écrivain américain dont le premier volume vient de paraître. J'ai choisi, entre autres approches de cette œuvre, de donner la parole au traducteur, Thierry Gillybœuf - "l’homme invisible que se doit d’être tout traducteur qui se respecte", ainsi qu'il me le dit dans un des messages que nous avons échangés. Notre dialogue électronique étant trop long pour l'espace qui lui était réservé, j'en donne ici l'intégralité.

Vous vous lancez, avec la traduction du Journal de Henry David Thoreau en quinze volumes, dans une entreprise de très grande envergure. Par choix personnel, s’il faut en croire vos précédentes traductions de cet écrivain?

Disons que cela s’est d’emblée imposé comme une évidence, non seulement à mon esprit, mais à celui des éditeurs, Thierry & Emmanuelle Boizet. Car pour se lancer dans un chantier aussi "hénaurme", il fallait la conjonction entre un traducteur et un éditeur aussi fou l’un que l’autre. J’aime l’idée, au lieu de retraduire certains textes, de "boucher les trous", autrement dit de donner à lire aux lecteurs francophones des textes auxquels ils n’ont jamais pu avoir accès. C’est un pur hasard qui m’aura amené vers Thoreau; je l’ai un peu lu dans ma jeunesse, sans jamais songer un seul instant que j’en viendrais à ainsi autant le traduire, le décortiquer. Mais ce Journal faisait figure d’œuvre mythique, et petit à petit, en amont de cette entreprise dans laquelle nous nous sommes lancés avec Finitude, sur un coup de tête enthousiaste il y a un an, l’idée de le traduire dans son intégralité a dû faire son cheminement dans mon esprit, presque à mon insu…

Ce Journal est-il à vos yeux son œuvre majeure?

C’est son œuvre majeure, parce qu’elle contient en germe tout ce que l’on a pu lire de lui jusqu’à présent, mais pas seulement. C’est une mine inépuisable, et un cas assez rare de journal qui n’a rien de l’activité diariste ordinaire. Thoreau n’y dit rien ou presque des événements extérieurs de sa vie, mais on peut suivre, en se passionnant, tous les méandres qu’emprunte sa pensée, en parfaite adéquation avec cette nature qu’il n’a cessé d’arpenter. C’est le genre d’ouvrage dont la lecture peut vous accompagner une vie durant, à l’instar des Essais de Montaigne. Ce qui frappe c’est l’extraordinaire maturité de Thoreau qui, il faut le rappeler, n’a que vingt ans quand il en commence la rédaction. On se laisse très vite happer par la fluidité de l’écriture et l’exceptionnelle liberté de ton et de pensée. Ce Journal appartient à la catégorie assez rare des livres dont la lecture est inépuisable.

Quelle est, aujourd’hui, l’image de Thoreau dans la littérature américaine? Celle d’un écrivain ou celle d’un penseur?

Je ne sais pas s’il faut absolument séparer les deux catégories. Thoreau est reconnu comme un écrivain à part entière. Son style est maîtrisé. Il fait cependant davantage figure de penseur, mais un penseur sans système de pensée, ce qui explique peut-être que l’on vienne tellement vers lui. C’est la figure du philosophe dans les bois, qui renoue avec la traduction philosophique antique, autrement dit, comme l’a dit Michel Onfray dans le remarquable essai qu’il lui a consacré, quelqu’un qui pense sa vie et qui vit sa pensée. Aux États-Unis, aujourd’hui, il fait figure non seulement de classique, mais aussi de penseur contemporain à bien des égards.

Est-il possible de dire brièvement pourquoi Thoreau vous touche personnellement?

Travaillant à sa biographie, qui paraîtra aux éditions Mille et Une Nuits, à l’automne prochain, plus je découvre l’homme qu’il a pu être, plus j’éprouve de "sympathie" pour lui. Car la figure humaine qui se dessine est aux antipodes de l’image d’Épinal dans laquelle l’a figé la postérité. Cela contribue à me le rendre plus touchant encore. Car loin d’être l’ermite que l’on voudrait voir en lui, c’était un homme libre – et libertaire – qui, plutôt que dans de pompeux discours, a dans ses actes fait montre d’une très grande cohérence. C’est un homme qui, tant par ses écrits que par sa vie – l’une ne prenant jamais en défaut les autres – nous renvoie à notre responsabilité individuelle et nous rappelle que la seule réforme qui vaille est la réforme de soi.

jeudi 5 avril 2012

Paul Harding : l’horlogerie déglinguée d’un homme à l’agonie

George Washington Crosby a encore huit jours à vivre. Il commence à avoir des hallucinations. Les deux informations, les premières fournies par Paul Harding dans Les foudroyés, sont riches de possibilités que l’écrivain se charge d’exploiter. Son premier roman lui a valu une célébrité immédiate. Et justifiée. Publié par une petite maison d’édition, il a obtenu le prix Pulitzer, couronnement précoce qui rassure sur les goûts d’un milieu littéraire américain que l’on dit souvent (le plus souvent par conformisme) peu sensible à la nouveauté, davantage porté à goûter la construction sans failles d’un récit que la vision originale d’un créateur.
En une semaine, George nous balade dans son passé. Il revoit notamment son père, Howard, sujet à des crises d’épilepsie, foudroyé comme l’est maintenant son fils, traversant les paysages et les époques en posant son empreinte sur une mémoire d’où ressortent maintenant des scènes qui semblaient effacées par le temps. Au lieu de quoi, elles se sont imprimées assez profondément pour paraître contemporaines de l’agonie de Georges, aussi neuves qu’à l’instant où elles se sont produites.
Dans le désordre de rapprochements soudains, parfois incongrus, les gestes d’autrefois retrouvent leur sens. En particulier ceux qu’accomplissait George quand il était horloger. Les mécaniques de précision qu’il faisait revivre lui échappent à présent, les pièces s’éparpillent à la manière dont son esprit bat aujourd’hui la campagne. L’univers est une grande roue complexe où des grincements se font entendre, douloureux pour ceux qui les perçoivent et auxquels les autres, la plupart, restent indifférents. L’indifférence qui interdit de percevoir, au milieu des grincements, des moments d’harmonie parfaite…
Sur la grandeur et la petitesse des hommes, Paul Harding n’enseigne rien. Il se contente de restituer les tressaillements qui en dessinent les contours, et de planter ses flèches aux endroits où elles vibreront le plus longtemps. La réussite de son livre tient à la manière dont il s’approche et s’éloigne, examinant tantôt un détail, tantôt une perspective plus large. Et son mouvement accompagne celui des personnages principaux, qui sont parfois enfermés en eux-mêmes pour en jaillir l’instant d’après avec la force d’un éclair qui brûle et réveille. Les foudroyés est plein d’une imagination galopante qui échappe puis qu’on rattrape comme on se rétablit sur une barre. Elle est placée très haut, cette barre.

mardi 3 avril 2012

François Garde, prix Goncourt du premier roman

Je n'ai pas lu ce livre, et je le regrette car tous les échos qui m'en ont été renvoyés me donnent à penser qu'il a toutes les chances de me plaire. Cela se fera peut-être, ou pas, dans les jours qui viennent. L'attribution, aujourd'hui, du Goncourt du premier roman à François Garde pour Ce qu'il advint du sauvage blanc excite bien entendu encore davantage ma curiosité. Mais, pour satisfaire la vôtre, je ne peux actuellement que fournir le texte de présentation de l'éditeur, que voici.

Au milieu du XIXe siècle, Narcisse Pelletier, un jeune matelot français, est abandonné sur une plage d'Australie. Dix-sept ans plus tard, un navire anglais le retrouve par hasard: il vit nu, tatoué, sait chasser et pêcher à la manière de la tribu qui l'a recueilli. Il a perdu l'usage de la langue française et oublié son nom.
Que s'est-il passé pendant ces dix-sept années? C'est l'énigme à laquelle se heurte Octave de Vallombrun, l'homme providentiel qui recueille à Sydney celui qu'on surnomme désormais le «sauvage blanc».

dimanche 1 avril 2012

Attendus avec la hausse de la TVA sur le livre, Bruce Chatwin, Simon Leys et Henning Mankell

Combien sont-ils de libraires français à ouvrir le dimanche? C'est aujourd'hui, en tout cas, que le taux de TVA appliqué au livre passe de 5,5 à 7 %. Un enjeu électoral? J'aimerais bien, mais... Les choses seront plus faciles avec les nouveautés, puisque le prix de vente est fixé en tenant compte de la hausse de la TVA. Pour les trois ouvrages que j'ai sélectionnés dans les parutions de la semaine, comme pour les autres.

Chatwin était un écrivain-voyageur que le nomadisme passionnait. Embauché en 1958 par Sotheby et surnommé «l'œil», il devient très vite un expert de l'impressionnisme et de l'art moderne. Puis il part faire des études d'archéologie au Soudan et décide de visiter la Patagonie. La vie de Bruce Chatwin est un art de vivre, toujours à la recherche de l'exotisme et de l'inattendu. Ces lettres, postées des quatre coins du monde et très habilement mêlées aux commentaires biographiques de Nicholas Shakespeare et aux précisions d'Elisabeth, nous éclairent tant sur sa vie que sur la gestation de son œuvre. Son éditeur, avec un tel bourlingueur, n'avait d'autre choix que de lui demander de lui parler de ses projets par lettres. Avec ses amis aussi, il partageait ses idées de livres, mais il aimait également leur faire savoir qu'il était à Bahia, au marché d'Hérat, à Cotonou, qu'il profitait du soleil des Caraïbes chez Jasper Jones, qu'il fréquentait les grands de ce monde, ceux qui avaient un château, une villa...
Bruce Chatwin est né en 1940 près de Sheffield et mort début 1989 à Nice. On lui doit des ouvrages atypiques. Elisabeth Chatwin, sa femme, élève des moutons près d'Oxford. Elle a rencontré son mari en 1961 chez Sotheby, et leur couple, en dehors d'une rupture dans les années 1980, a résisté à la bisexualité de l'écrivain.
Nicholas Shakespeare est l'auteur d'un roman, Héritage (Grasset, 2011) et d'une excellente biographie de Bruce Chatwin.

«Dans la Chine traditionnelle, les lettrés, les poètes et les artistes avaient l’habitude de donner des noms évocateurs ou inspirés à leurs résidences, ermitages, studios ou ateliers. En fait, quelquefois ils ne possédaient pas de résidence, ni d’ermitage, studio ou atelier – et parfois, pas même un toit au-dessus de leur tête – mais l’existence ou la non-existence d’un support matériel pour un Nom est une question dont nul d’entre eux ne se serait jamais fort préoccupé. Et on peut d’ailleurs se demander si l’une des plus profondes séductions de la culture chinoise ne réside pas précisément dans cette puissante vertu dont elle investit l’Écrit. Ce n’est pas une idée abstraite que j’avance ici mais une réalité vivante.» ... [Extrait de la première page.]
Simon Leys est né avec Les habits neufs du président Mao : chronique de la révolution culturelle (1971). Le style de combat du livre ne doit pas masquer qu'il s'agit essentiellement d'un travail de recherche et d'analyse politique dont les jugements, qui firent scandale à l'époque, furent entièrement confirmés par les événements qui suivirent l'ère maoïste. Récit personnel d'un séjour en Chine, Ombres chinoises (1974) est une dénonciation du mensonge maoïste et de la complicité de ses thuriféraires occidentaux. Traduit en neuf langues et couronné de nombreux prix, Ombres chinoises devait consacrer la réputation internationale de son auteur. [Extrait de la notice biographique de l'Académie royale belge de langue et de littérature françaises.]
 
Années 1950. Dans une bourgade du Norrland, Hans Olofson, adolescent élevé par un père rustre et alcoolique, perd ses deux seuls vrais amis. Bouleversé, Hans décide de réaliser le rêve de l’un d’eux: aller en Zambie, sur les traces d’un missionnaire suédois.
1969. L’Afrique le fascine et l’effraie. Dans la jeune république indépendante de Zambie en proie à la violence, Hans rencontre des colonisateurs emprisonnés dans leur racisme, et des Noirs obéissants qui cultivent la haine des Blancs. Hans accepte d’aider une Anglaise à diriger sa ferme de production d’œufs, puis reprend l’exploitation à son compte. Espérant ainsi échapper à l’engrenage de la violence raciale, il tente alors de mettre en application ses idéaux de justice sociale et humaine.
L’Œil du léopard, publié en 1990 en Suède, s’ajoute à la liste des romans sur l’Afrique (tels Comédia infantil, Le Fils du vent et Le Cerveau de Kennedy) de cet écrivain engagé qu’est Henning Mankell, qui partage sa vie entre la Suède et le Mozambique.
Henning Mankell est né en 1948. Son œuvre a été couronnée par de nombreux prix littéraires. Outre la célèbre «série Wallander», il est l'auteur de romans ayant trait à l'Afrique ou à des questions de société, de pièces de théâtre et d’ouvrages pour la jeunesse.