Intégrer les attentats du 11 septembre 2001 comme une donnée définitivement inscrite dans ce début de 21e siècle et dans la mémoire collective. Donc, aussi dans la littérature qui témoigne de notre époque. En France, Luc Lang et Frédéric Beigbeder avaient été les plus rapides à le faire avec, respectivement, 11 septembre mon amour et Windows on the world. La belle vie, de Jay McInerney, a suivi en traduction. Il y en a eu, il y en aura encore, personne n’en doute.
Mais la distance chronologique permet maintenant de ne plus focaliser tout un roman sur la chute des tours du World Trade Center. Dans Elégie pour un Américain, l’image apparaît brièvement au début: Inga et Sonia, sœur et nièce d’Erik, le narrateur, fuient l’incendie, la fumée et les décombres. On apprend plus tard qu’Inga, qui a consacré un chapitre d’un livre à la représentation de ce jour-là dans les médias, s’interroge sur ce que l’adolescence de sa fille aurait été sans l’événement. Un peu plus loin, encore, que Sonia éprouve des difficultés à intégrer un huitain consacré au 11 septembre dans un poème qu’elle écrit. Et c’est aux trois quarts du roman seulement, deux ans après, que Sonia craque d’un coup: «Je ne veux pas de ce monde! Je n’en veux pas!», hurle-t-elle…
C’est la marque d’un temps où les blessures sont cachées sous la peau, mais très près de la surface, et peuvent se rouvrir à n’importe quelle occasion. C’est aussi la marque d’un superbe livre où les morts restent présents parmi les vivants. Présence parfois amicale, souvent envahissante, avec laquelle vit Erik, psychiatre et psychanalyste qui porte, outre ses propres démons, ceux de ses patients. Il revoit souvent son père et les carnets que celui-ci a laissés racontent la génération précédente, laissant entrevoir quelques-uns de ces secrets qui font le mystère de toute vie.
Max, le mari d’Inga, écrivain célèbre, est mort lui aussi en laissant un secret. Sa veuve tente de le percer. Mais elle se trouve en compétition, sur ce terrain, avec d’autres personnes, moins bien intentionnées, plus insensibles à la douleur que la révélation pourrait provoquer chez Sonia.
Ainsi se dessine un territoire humain sur lequel chaque fait a laissé une trace indélébile, aux effets imprévisibles. Siri Hustvedt – l’épouse de Paul Auster – fait preuve d’une sensibilité grâce à laquelle les émotions de tous ses personnages deviennent palpables. Qu’ils soient placés sous le regard d’un psychanalyste n’est bien sûr pas innocent: rompu aux fouilles dans des esprits encombrés d’un fatras illisible, Erik décode ce territoire avec une générosité qui nous le rend aussi sympathique qu’il est fragile. Car, comme souvent, c’est dans ses propres sentiments qu’il lit le plus mal…
Une œuvre de mémoire où les couches superposées des générations forment l’assise de notre présent.
Mais la distance chronologique permet maintenant de ne plus focaliser tout un roman sur la chute des tours du World Trade Center. Dans Elégie pour un Américain, l’image apparaît brièvement au début: Inga et Sonia, sœur et nièce d’Erik, le narrateur, fuient l’incendie, la fumée et les décombres. On apprend plus tard qu’Inga, qui a consacré un chapitre d’un livre à la représentation de ce jour-là dans les médias, s’interroge sur ce que l’adolescence de sa fille aurait été sans l’événement. Un peu plus loin, encore, que Sonia éprouve des difficultés à intégrer un huitain consacré au 11 septembre dans un poème qu’elle écrit. Et c’est aux trois quarts du roman seulement, deux ans après, que Sonia craque d’un coup: «Je ne veux pas de ce monde! Je n’en veux pas!», hurle-t-elle…
C’est la marque d’un temps où les blessures sont cachées sous la peau, mais très près de la surface, et peuvent se rouvrir à n’importe quelle occasion. C’est aussi la marque d’un superbe livre où les morts restent présents parmi les vivants. Présence parfois amicale, souvent envahissante, avec laquelle vit Erik, psychiatre et psychanalyste qui porte, outre ses propres démons, ceux de ses patients. Il revoit souvent son père et les carnets que celui-ci a laissés racontent la génération précédente, laissant entrevoir quelques-uns de ces secrets qui font le mystère de toute vie.
Max, le mari d’Inga, écrivain célèbre, est mort lui aussi en laissant un secret. Sa veuve tente de le percer. Mais elle se trouve en compétition, sur ce terrain, avec d’autres personnes, moins bien intentionnées, plus insensibles à la douleur que la révélation pourrait provoquer chez Sonia.
Ainsi se dessine un territoire humain sur lequel chaque fait a laissé une trace indélébile, aux effets imprévisibles. Siri Hustvedt – l’épouse de Paul Auster – fait preuve d’une sensibilité grâce à laquelle les émotions de tous ses personnages deviennent palpables. Qu’ils soient placés sous le regard d’un psychanalyste n’est bien sûr pas innocent: rompu aux fouilles dans des esprits encombrés d’un fatras illisible, Erik décode ce territoire avec une générosité qui nous le rend aussi sympathique qu’il est fragile. Car, comme souvent, c’est dans ses propres sentiments qu’il lit le plus mal…
Une œuvre de mémoire où les couches superposées des générations forment l’assise de notre présent.
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