mercredi 2 mai 2012

Didier Daeninckx, prix Goncourt de la nouvelle

En attendant LE débat, je lisais L'espoir en contrebande, le recueil avec lequel Didier Daeninckx a décroché, aujourd'hui, le prix Goncourt de la nouvelle. L'information est réjouissante à bien des titres. L'écrivain est souvent étiqueté auteur de polars - ce qu'il est, mais pas que, et quand bien même - et nos belles et grandes institutions littéraires répugnent souvent à respirer les odeurs nauséabondes qui surgissent entre les pages de ce genre de livres. (Ne me dites pas qu'elles ont tort, je le pense souvent moi-même.) Et puis, pour la première fois depuis un certain temps, le Goncourt ne couronne pas un ouvrage publié chez Gallimard comme ce fut le cas pour les derniers Goncourt et Goncourt du premier roman. (Pourtant, Didier Daeninckx publie aussi chez Gallimard, et pas plus tard que la semaine prochaine, d'ailleurs.) Ensuite, et cela ne se discute pas, j'aime beaucoup ce type, comme homme. (Bien que cela ne devrait pas entrer en considération.) Enfin, pour ne pas prolonger à l'excès la liste des bonnes raisons que je trouve à ce prix, L'espoir en contrebande est un livre formidable, plein de cette humanité blessée que Daeninckx décrit si finement depuis un certain temps.
La première nouvelle, presque un bref roman, est représentative de ce que sont les vingt-cinq autres, beaucoup plus courtes. Un détective à la retraite dans le village de sa jeunesse se trouve, en raison de liens anciens, contraint d'enquêter sur la mort de deux fillettes. Il aurait préféré rester solitaire, en compagnie de la musique qu'il écoute sans cesse - des voix, seulement des voix, de toutes les époques et de toutes origines géographiques - mais, d'une certaine manière, il apure une dette. Et retrouve tous ceux qu'il a connus autrefois à l'école ou dans la chorale. Les inimitiés ont été gommées par le temps, ou presque. Il a oublié certains visages, il en reconnaît d'autres, avec des images qui reviennent par bouffées - pas toujours agréables. La toile légère du présent se tisse petit à petit, s'entremêle avec la toile d'autrefois. Et tout s'expliquera, bien sûr, de manière inattendue, brutale, déchirante.
Le ton varie dans la suite de l'ouvrage, mais la ligne est tenue fermement: des hommes, des femmes, un désir d'égalité entre tous ceux qui sont là, nés sur place ou ailleurs, des scènes qui frappent au cœur et aux tripes, à travers lesquelles l'écrivain poursuit son infatigable travail, à la fois littéraire et engagé.
Je ne sais pas si Didier Daeninckx regardera LE débat dans une demi-heure. Mais je sais que je risque, devant l'écran, de penser souvent à lui. Au moins chaque fois que Sarkozy fera un clin d’œil racoleur aux électeurs du Front National. Le bleu marine est tout ce que déteste Didier Daeninckx.

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