mardi 10 juin 2014

Les prix de Saint-Malo 3. Lola Lafon et Carole Zalberg

Étonnants voyageurs, c'est fini pour cette année, il reste un site à visiter pour en retrouver les grands moments, les souvenirs de ceux qui y étaient (et en sont revenus, malgré la soudaine et cruelle absence d'un tire-bouchon dans le train de retour vers Paris). Et des prix littéraires, encore. Dont l'un des plus importants, le Prix Ouest-France, est allé à La petite communiste qui ne souriait jamais, de Lola Lafon. Un roman dont je vous ai déjà parlé et qui devient un cumulard des récompenses, comme cela arrive (trop) souvent et comme je m'en irritais un peu en évoquant le Prix du Livre Inter. Cela n'enlève rien aux grandes qualités de l'ouvrage, cela confirme aussi que tout ne tourne pas aussi rond qu'on pourrait l'espérer dans le monde des prix littéraires réputés hors cénacle parisien.

De Carole Zalberg, Feu pour feu a reçu le Prix Littérature-monde français. Pas de cumul, cette fois, mais un coup de projecteur bienvenu sur un livre paru en janvier et qui faisait son chemin dans une relative discrétion, tout en méritant mieux - et le mieux est venu...
L’exil, la peur, la honte. Carole Zalberg les décline Feu pour feu. Comme on dit œil pour œil, dent pour dent… Un père et sa fille Adama, qu’il tente de sauver. Les dangers sans nombre de la vie précaire, les conséquences de la révolte non maîtrisée, la faim, la soif – les besoins élémentaires et les contraintes plus complexes de l’immigration illégale dans des pays riches qui n’ont pas demandé à accueillir toute la misère du monde, selon la phrase, d’autant plus célèbre qu’elle est toujours tronquée, de Michel Rocard (car il disait aussi que la France doit en prendre sa part).
Ne cherchons pas ici une nouvelle enquête sur la condition des déplacés du Sud. La romancière brasse un matériau vivant qui ne se réduit pas en formules de sociologues et qui, au contraire, vibre de toutes les émotions, les sensations partagées avec le narrateur : « jour après jour, je répète quand on le demande le récit de ce qui nous a conduits là, toi et moi, et je maudis, menace de mille maux quiconque ose insinuer que peut-être tu n'es pas à ta place auprès de moi, qu'il faudrait un semblant de mère à cette enfant. »
La résignation ne sera pas la solution. Le roman non plus, malheureusement. Mais il porte haut une voix qu’on n’a pas coutume d’entendre – soit parce qu’elle est interdite de parole, soit parce qu’on n’y prête pas attention. Feu pour feu vient de recevoir le premier Prix Littérature-monde français et cela lui va aussi bien qu’à Dans le grand cercle du monde, de Joseph Boyden, premier lauréat étranger dont nous vous parlions la semaine dernière.

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