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dimanche 30 décembre 2018

14-18, ce ne sera pas fini en 2019

Les commémorations deviennent silencieuses, le traces restent. Les livres aussi. Sur le point de changer de millésime, le calendrier ne change rien au nom de la collection Bibliothèque 1914-1918, c'est-à-dire une partie de la Bibliothèque malgache. Vos libraires préférés ont certainement une offre de livres numériques à vous proposer. Ce sera dorénavant, pour les 22 titres de cette collection, sous une nouvelle couverture. En voici une vue d'ensemble, ou presque, car l'ensemble débordait de la photo de famille...


mercredi 26 décembre 2018

14-18, Albert Londres : «Et nous qui revenons de chez les Allemands nous rions.»


Le président Wilson au milieu de ses soldats

(De l’envoyé spécial du Petit Journal.)
L’imagination, comme l’esprit, a ses idées fixes. On se figure un paysage ou un homme de telle façon et on croit que c’est vrai. Pour notre compte nous voyions très bien Wilson assis dans sa Maison-Blanche ainsi que devant le Panthéon l’est notre Penseur. Wilson n’a pas son doigt contre son front ni ses yeux figés ; il vit, rit, se tourne et va tout comme s’il n’avait jamais eu à réfléchir davantage que nous.
Nous venons de passer une journée autour de lui. Nous l’avons vu le soir sur les minuit alors qu’en son wagon il allait se coucher. Nous l’avons vu, le matin à son petit lever, à sept heures – sept heures du mois de décembre ce qui fait bien 5 heures du mois de mai. Nous l’avons vu en train de déjeuner : à tous ces instants il était gracieux. C’est certainement un penseur mais c’est un penseur souriant.
Le président Wilson allait passer la Noël avec ses soldats et, pour leur témoigner encore plus de grâce, Mme Wilson l’accompagnait. C’était un grand jour. Jusqu’à présent l’illustre homme n’avait en France vu que la France, cette fois, transplantée il allait y voir l’Amérique. Un jour par l’effet de sa décision des centaines de milliers d’hommes avaient été jetés sur notre sol. Il allait voir comment ils portaient le casque qu’il leur avait donné.
Le président Wilson était sûrement prédestiné ; il a une figure et des attitudes faites exprès pour des médailles. Quand il salue par exemple comme quand il est descendu à la gare de Chaumont et qu’il s’est trouvé devant ses drapeaux et son hymne il prend son chapeau haut de forme et d’un geste simple en décoiffant sa tête en coiffe son cœur et il reste ainsi immobile et c’est très grand. C’est bien la première fois que le chapeau haut de forme paraissait si plein de dignité. Et, à Chaumont encore, à la sortie de l’hôtel de ville, alors qu’il venait d’entendre une fois de plus combien on l’aimait, en France, et qu’il allait remonter dans sa voiture, il se retourne, voit que des jeunes filles et des enfants rougissent d’envie d’aller lui serrer la main : « Eh bien, venez », leur dit-il, et tous accourent et il serre toutes les mains et il se laisse entourer. Les policemen, devant leur bel ordre si rapidement défait en éclatent de rage impuissante. Comme si on voulait lui faire du mal, à votre président !
Regardez-le, tenez, et dites-moi s’il n’est pas content de cette jeunesse qui l’assaille. Il n’est pas pressé de remonter en auto ! Voyez donc comme il rit.
Mais Wilson va voir ses soldats. C’est à trente kilomètres de là, sur le plateau qui domine Langres. Il arrive.
Ses troupes y sont, massées. Les bataillons américains plus que tous les autres de n’importe quelle nation font une impression de masse. Cela vient de ce que les hommes marchent côte à côte, qu’ils ont des fusils sans baïonnette qui ne les dépassent guère et que le casque plat des Anglais, avec ses bords en aile, semble encore réunir par les têtes ces rangs pressés. Un bataillon américain est trapu. C’est comme un mur qui s’avancerait. Il y en a là de six divisions. Et Wilson va enfin les voir, les siens qu’il envoya à la bataille. Ce régiment, celui qui passe le premier, il a tenu le Chemin des Dames. Il l’a tenu jusqu’au 21 mars, le 21 mars de cette année. Froid souvenir, Monsieur le Président. Il se leva alors, car il fallait frapper ailleurs. Ce secours-là nous vous le devons. Merci. Et ce second ? Ah ! celui-là c’est à Château-Thierry qu’il était, en juin, le 10 de cette année aussi. Ils étaient déjà sur la Marne, les Boches, Monsieur le Président. Marchand, notre général Marchand qui était également à Château-Thierry un soir, sur le coup de six heures près de la statue de La Fontaine, disait alors que l’ennemi ne s’arrêtait pas de pousser : « J’ai ma division, et j’en réponds et j’ai à gauche les Américains et j’en réponds aussi. » Merci. Et ce troisième ? C’est Saint-Mihiel. Merci. Et ce quatrième ? C’est Montfaucon. Merci.
Le président Wilson est debout, à sa gauche est Pershing. Il regarde passer ceux qui, à sa voix, se sont levés. Ils passent, s’enfonçant dans la boue, les yeux tournés vers lui, leur drapeau, qui a cessé d’être neuf, claquant à leur tête. Ils sont dans leur aspect de guerre, tels qu’ils partaient, quand sur nos routes angoissées, dans ce printemps ils montaient à notre aide. La victoire avec tout son prix enveloppe leur marche. Wilson profondément les regarde.
Et nous qui revenons de chez les Allemands nous rions. Les Allemands veulent se jeter dans les bras de Wilson. Ils disent : « Wilson nous écoutera. » Ce que Wilson écoute nous a tout l’air d’être autre chose. Ce n’est peut-être même pas seulement les pas de ceux qui défilent. Si c’était le dernier soupir de ceux, par les Allemands, couchés en terre ?
Le Petit Journal, 26 décembre 1918.

Ainsi se termine, pour ce blog, la publication des articles d'Albert Londres de 1914 à 1918. Il reste le livre:
3,99 euros ou 12.000 ariary
ISBN 978-2-37363-076-3

dimanche 23 décembre 2018

14-18, Albert Londres : «Le premier craquement s’entendit dans la marine.»


Comment naquit la révolution allemande

(De l’envoyé spécial du Petit Journal.)
Cologne, … décembre.
Il suffit d’être en face d’un fait pour qu’il cesse d’être étonnant. Si, hier, quand l’Allemagne était l’empire le plus discipliné de la terre on vous eût tracé le tableau que, politiquement, elle offre aujourd’hui, vous n’eussiez pas voulu l’admettre.
Le premier craquement s’entendit dans la marine. Rien d’étonnant. Ce n’est pas de ces dernières années que la marine allemande présentait moins de discipline que les troupes de terre. Depuis des années, et s’accentuant à mesure, des feux follets de mécontentement montaient les soirs des ponts des navires. C’est que la vie sur les bateaux est plus intime que dans les casernes, les marins observaient de plus près leurs officiers, ils les voyaient mangeant bien, buvant bien. « Ces messieurs se régalent et nous, nous avons toujours des betteraves », disaient-ils. Les permissions étaient rares, on bougonnait ; la guerre arriva, les motifs d’excitations augmentèrent de volume, les betteraves aussi ; ceux qui revenaient des croisières de sous-marins racontaient la terrible vie.
L’impatience de prendre la mer pour de glorieuses aventures n’attisa en rien leur sourde colère ; s’ils demandaient du nouveau, ce n’était pas d’aller à la bataille : c’était d’être mieux. Le mieux ne vint pas. 1917 vit leurs premières velléités révolutionnaires. Les autorités frappèrent, emprisonnèrent. On leur renfonça leurs cris dans la gorge. Les mois passèrent, aigrissant les cœurs, excitant les esprits. Ça gagna, ça gagna.

Leur arrivée dans les villes

… Donc, de Kiel, de Brême, de Hambourg, de Wilhelmshafen, par groupes de six à sept ils arrivent à Berlin, à Francfort, à Düsseldorf, à Cologne. Cela se passa le 8 et le 9 novembre. Débarqués d’auto, ils courent aux casernes, entrent dans les cours, crient : « C’est fait, c’est la révolution, c’est fini. » Les soldats apparaissent aux fenêtres, écoutent, applaudissent, jettent de l’étage leur matelas, leur manteau, leur casque. Le succès, insensiblement, hausse et inspire les révolutionnaires, ils disent : nous sommes l’autorité. Ils vont à la gare, en prennent la direction, au télégraphe, le réglementent, à l’hôtel de ville, s’y installent.
Comment se fait-il que les pouvoirs établis leur aient laissé faire ça. Après coup ils se le demandent et ne comprennent plus.
Éclairons l’événement. Si les marins trouvèrent un si subit écho dans les casernes d’Allemagne c’est que depuis longtemps la discipline jouait mal chez les troupes d’arrière. Ces soldats, habitants des villes, mal payés, faisaient des affaires. Leur préoccupation était de trafiquer, ils revendaient aux civils la nourriture des mess. Tous avaient la main ouverte, c’était à coups de billets de cinq marks ou de billets de mille. Les sergents-majors recevaient de l’argent des recrues pour les oublier sur la liste de tours de départ au front.
Le chef de la police de Düsseldorf avouait : « Je sais qu’il y a plus de trois mille déserteurs qui travaillent dans les usines de la ville, qu’y puis-je ? les soldats à ma disposition les approuvent. Tant qu’il n’y aura pas de troubles, je fermerai les yeux, de plus, je n’ai pas d’ordres. » Au passage des trains ramenant les troupes de Russie, à Coblentz surtout, 25 pour cent du régiment disparaissaient. Les soldats blessés qu’on ramenait sans cesse au feu se libéraient d’eux-mêmes. À Bruxelles, des bureaux clandestins de faux certificats militaires s’enrichissaient. Ces hommes, ainsi munis, retournaient en Allemagne. Dans les petites villes, vite percés, on les coffrait ; dans les grandes, on avait peur, on les laissait. La discipline était débordée.

Des marins aux soldats

Donc, succès : les soldats suivent les marins. Les officiers apprennent d’heure en heure que le mouvement est général, ils ne savent que faire ; dès qu’ils se montrent, les hommes leur retirent épaulettes, cocardes, sabre ; quelle décision prendre ? Ils vont s’enfermer dans leur domicile. Les révolutionnaires sont maîtres, ils se rendent aux prisons, se présentent en armes ; libérez, disent-ils, c’est nous qui commandons. Désarmé, le porte-clefs ouvre, les gredins se répandent. Cologne, prison de matelots, la première, vit ce spectacle. Réunion immédiate dans les casernes, chaque compagnie doit choisir un homme de confiance, il est choisi. Des socialistes habitués de la parole rassemblent ces délégués : — Vous, vous irez chez le gouverneur, vous, chez le bourgmestre, vous, à la police, vous, à la place. Accompagnés d’un parleur, ils partent, arrivent devant les autorités. Bref est le discours : « Désormais, tout ce que vous ordonnerez sera contresigné par ces hommes. » Au-dessus de ces hommes, un comité se forma, le Soldatenrath.
L’exemple était donné. Les casernes qui n’avaient pas reçu la visite des marins se joignirent à l’organisation. Les hommes allaient trouver leurs officiers : « Nous voulons faire un Soldatenrath. — Faites. »
Le peuple, les socialistes n’étaient pas seuls ; libéraux, avocats suivaient l’aventure. Il y avait des Soldatenraths de bourgeois comme de prolétaires. Il y en eut qui comptèrent des capitaines. Dès le lendemain de cet état, des ordres arrivèrent partout de Berlin. Ils disaient : les officiers pourront conserver leurs armes, leurs épaulettes et continuer leurs occupations, pourvu que leurs actes soient contrôlés par le délégué. Ces événements se déroulaient entre la demande d’armistice au général Foch et son acceptation. C’est peut-être pour cela que les parlementaires voyagèrent de nuit ! Le troisième jour de ce nouveau régime, les ouvriers se joignirent aux soldats.

L’aspect du nouveau régime

Les riches, au début, prirent peur, les souvenirs de Petrograd dansèrent devant leurs yeux, les premières vingt-quatre heures furent pleines de frissons. Puis les jours, en se succédant, repassèrent au calme. On promenait ses doigts dans la crinière du fauve. On disait : « Tiens, voilà un Soldatenrath. » Connaissance était faite. Les ouvriers en profitèrent, réclamèrent deux marks de plus de salaire quotidien, la journée de huit heures ; leurs désirs furent exaucés. Les officiers touchèrent leur traitement non diminué. Partout les comités furent sages ; ils contresignaient de confiance, c’était des gens ordonnés, ils étaient pour la bonne marche des affaires, sauf à Berlin.
À Berlin, les nouveaux organisateurs de la société ont gaspillé déjà 800 millions. C’est d’être de la capitale qui leur a donné ces idées de grandeur, c’est aussi que des emplois plus représentatifs les y invitaient.
Le Petit Journal, 23 décembre 1918.

3,99 euros ou 12.000 ariary
ISBN 978-2-37363-076-3

mardi 18 décembre 2018

14-18, Albert Londres : «J’ai besoin de savoir ce qui se passe chez vous.»


Contre Berlin !
Les Rhénans, par deux courants, aboutissent à la même formule

(De notre correspondant de guerre accrédité aux armées britanniques.)
Cologne, 15 décembre.
La Koelnische Volkszeitung, je veux dire la Gazette populaire de Cologne, catholique, publiait un curieux numéro. En tête, sur la moitié de sa page et précédée de ces mots : « Séparons-nous de Berlin », puis, en dessous, « La reconstruction de l’Allemagne en quatre Républiques », elle imprimait une carte de l’ancien empire effectivement partagé en quatre tranches.
Cet ancien empire avait pourtant une figure nouvelle : s’il était dégonflé à l’ouest de l’Alsace-Lorraine, il était par compensation gonflé au sud-est des pays allemands d’Autriche !

Les 4 Républiques

Première tranche : la République rhénane-westphalienne comprenant les provinces du Rhin, la Westphalie, Hesse-Nassau, grand-duché de Hesse, Bade, Pfalz.
Deuxième tranche : la République du Sud comprenant le Wurtemberg, la Bavière, puis les douze millions de Boches d’Autriche.
Troisième tranche : la République du Nord comprenant Oldenbourg, Hanovre, Hansatdate, Schleswig-Holstein, Mecklembourg, Poméranie, la Prusse orientale.
Quatrième tranche : la République du Centre comprenant le Brandebourg, Posnanie, Silésie, Saxe et Thuringe.
Mon journal en main, je me suis rendu à la gazette catholique.
Un mot d’explication à mes lecteurs. Je dois leur dire comment un Français, la guerre toute vive, entre depuis quelques jours en relation avec des Allemands. Je me présente aux domiciles qui m’intéressent, demandant à voir la personne que je cherche. Mon uniforme évite la discussion. Comme si j’étais le messager d’une autorité qui ne souffre pas de délai, les garçons m’introduisent. En présence de mon personnage, je lui tiens ce discours : « Je suis correspondant. J’ai besoin de savoir ce qui se passe chez vous. Vous pouvez me renseigner. Je vais vous poser des questions. » Et, debout, sans courtoisie, commence la séance.

À la « Gazette populaire de Cologne »

Donc, j’arrive à la gazette catholique. On me met en face de M. Bernhard Reuter, rédacteur politique. Lunettes, barbe, homme d’âge, aspect sévère.
— Je voudrais savoir, lui dis-je, qui appuie ce projet que voici dans votre journal, projet qui divise l’Allemagne en quatre républiques ?
— Le parti catholique et la majorité des gros industriels et agriculteurs du pays rhénan.
— Pourquoi les industriels sont-ils à la tête de ce mouvement ?
— Les industriels rhénans sont à la tête de ce mouvement parce qu’ils représentent à eux seuls une des principales sommes de l’effort national et que Berlin n’a jamais rien compris à leurs besoins, ni à leurs intérêts.
— Dans les limites de cette République du Rhin et de Westphalie, quelle est la force de ce parti dont vous êtes le porte-parole ?
— Soixante-dix pour cent.
— On m’avait dit cinquante.
— C’est plus, mettez 65.
— De quoi se composent les 45 pour cent d’opposants ?
— De sociaux-démocrates et de nationaux-libéraux.
— Croyez-vous que les délégués de votre pays arriveront dans cette proportion et avec ce programme à l’Assemblée nationale ?
— Nous le croyons.
— Reconnaissez-vous assez de force au gouvernement actuel de Berlin pour qu’il réussisse la réunion de l’Assemblée nationale ?
— Nous le croyons assez fort.
— La tendance bolcheviste, le groupe Spartacus ?…
— Le groupe Spartacus a une grande bouche, mais peu de peuple à manger.
— Mais il est des villes où les anarchistes ont la majorité.
— Seulement à Düsseldorf, Duisburg, Solinghem et Remscheid.
— Ce que vous voulez est simple. L’Allemagne sous l’Empire comprenait vingt-six États. Vous voulez que, sous la République, elle ne comprenne que quatre divisions.
— C’est exactement ce que nous voulons.
— Il me semble, monsieur, quand je regarde votre carte et quand je vois, dans la part réservée à la République, que vous joignez les pays allemands d’Autriche à la Bavière et au Wurtemberg, que vous ne vous rendez pas exactement compte en ce moment de votre situation internationale. Vous disposez de vous-mêmes comme si vous n’étiez pas vaincus.
— Le grand peuple que nous sommes a confiance dans les principes du président Wilson.
— En 1914, l’Allemagne ne fit aucun cas de ces principes et, dans la conférence, le président Wilson siégera aux côtés des nations qui vous connurent d’autres sentiments.
— Les principes de Wilson sont l’avenir. Maintenant nous voulons la République. Nous comptons que la théorie américaine de la Société des Nations l’emportera.
— Vous comptez que l’Entente permettra à l’Allemagne, vaincue et coupable, et dont elle apprécie le fond de l’âme, de sortir de la paix plus puissante, c’est-à-dire plus menaçante que jamais ?
— Notre puissance ne sera plus menaçante.
— Cela, la conférence de Paris le jugera.

Et le retour du Kaiser ?

Une autre question :
— L’empereur a-t-il une chance de retour ?
— Non.
M. Reuter dit ce non avec une force singulière. Je puis signaler que les nombreuses personnes interrogées là-dessus m’ont, toutes, avec le même accent de franchise, répondu non. Je réponds :
— Ni le kaiser, ni le kronprinz ? Mais ne croyez-vous pas que la dynastie des Hohenzollern pourrait revenir, le fils du kronprinz, par exemple ?
— Attendons, fit M. Reuter.
— Mais si la dynastie revient, il n’y aura pas de République ?…
Mon Allemand me fit une réponse bien nationale :
— On ne peut pas dire ça maintenant !
À la « Gazette de Cologne » autres idées mêmes conclusions
Vous venez de voir le parti catholique. En cette contrée de l’Allemagne, il est seul partisan de la division de l’ancien empire en quatre républiques. Les sociaux-démocrates et les nationaux-libéraux réclament une république unique.
Je me suis rendu à la Gazette de Cologne qui est contre le mouvement de la gazette catholique. Là, j’eus deux Allemands. Sur ma demande, tous deux sont fort soucieux de me faire entendre la thèse contraire.
— Le mouvement de notre confrère, nous disent-ils, n’est qu’un calcul religieux. Le système des quatre républiques ne vaut pour lui que parce qu’il serait l’encerclement du protestantisme par le catholicisme. Si cela était, ils rejetteraient dans la bande nord du pays toute la Prusse luthérienne et deviendraient les maîtres partout ailleurs.
— Alors, vous, que voulez-vous ?
— Nous voulons une seule république pour toute l’Allemagne, mais sans l’hégémonie de Berlin.
— Expliquez-vous.
— Nous ne voulons plus que Berlin soit la tête du pays : nous demandons que la future Assemblée nationale ne se réunisse pas à Berlin, mais dans une ville plus centrale, Cassel ou Francfort.
— Qu’avez-vous donc contre Berlin ?
— Son passé dominateur et, pour le présent, ses vagues bolchevistes.
— Craignez-vous le bolchevisme ?
— Non.
— Alors pourquoi en parlez-vous toujours ?
— Comme d’une minorité dont, à chaque instant, il faut s’écarter.
Rappelons que les socialistes majoritaires, voilà deux jours, me firent la même réponse.
— Comment entrevoyez-vous votre avenir ?
— Nous voulons une forme de république fédérative comme en Amérique.
— Entretenez-vous aussi la foi que les 12 millions d’Austro-Allemands y entreront, c’est-à-dire que l’Allemagne défaite possédera un cadre plus puissant que celui de 1914 ?
— Nous nous tenons sur le principe des nationalités.
— Votre nationalité ne fut pas un gage pour la paix des nations.
— C’était une question de militarisme.
Ici encore, j’ai coupé court. D’autres que nous en reparleront.
— Et l’empereur ?
Les deux Allemands, directement, accompagnant leur voix d’un geste de sincérité, ont répondu :
— Non, non ! l’empereur est fini. Le mouvement républicain est profond !
Je crois, en effet, que c’est exact. Mais tout de suite, finale encore bien nationale, ils ont ajouté :
— Si ce n’était pas l’ombre du bolchevisme, que nous ne craignons cependant pas, nous serions heureux de cette libération.

Et ils ne se croient pas battus !

J’ai enquêté à Aix-la-Chapelle, à Duren, à Cologne, à Bonn. Ma religion est faite. L’Allemagne pérore et propose comme si elle n’était pas battue, elle ne se rend pas compte qu’elle aura insuffisamment payé ses méfaits, qu’elle ne comprend pas pleinement encore, en reniant Guillaume et en embrassant la République. Elle met en le président Wilson une confiance injurieuse. Dans sa belle incompréhension de tout ce qui est en dehors de sa race, elle le regarde comme une mère qui ne demande qu’à pardonner à l’enfant qui revient. La guerre, c’est une vieille histoire ! La France, l’Angleterre, on n’en parle plus ! On les a oubliées ! Il n’y a que l’Amérique, les Allemands l’adoptent pour patronne. À elle les invocations ! Leur forme de république sera américaine, leurs aspirations américaines, leur vie renaissante américaine. Et leur mentalité, est-ce qu’elle l’est ?
Le Petit Journal, 17 décembre 1918.

3,99 euros ou 12.000 ariary
ISBN 978-2-37363-076-3

samedi 15 décembre 2018

14-18, Albert Londres : «La fanfare est sur la première arche, elle n’en bougera pas.»


Les Britanniques franchissent le Rhin

(De notre correspondant de guerre accrédité aux armées britanniques.)
Cologne, 12 décembre.
Plus on va, plus les observations qui vous frappèrent dès le début s’accentuent. L’Allemagne ne comprend qu’elle est vaincue que lorsque, sur ses pavés, elle entend sonner le pas des vainqueurs. Ainsi, il en fut à Cologne.
Souvenez-vous un moment de la ligne Hindenburg, des formidables jours de guerre de septembre à octobre, alors que craqua la dernière muraille ennemie. Résisterait-elle, s’effondrerait-elle ? Ce fut l’angoissante énigme de ce temps. Elle tomba. L’un des premiers succès qui décida de sa chute fut Drocourt-Quéant, la charnière. C’est l’Anglais Ferguson qui le remporta.

La prise de possession de Cologne

C’était lui, hier, qui, à Cologne, arrivait. Arrivait pour faire la loi. Il fit son entrée par la gare venant par train. La possession fut immédiate. De suite, sur les murs fleurirent les affiches blanches ; elles étaient signées Plumer, commandant d’armée, la deuxième armée, celle qui occupe. Rien de nouveau dans ses articles que les mesures ordinaires du vainqueur : interdiction de la circulation, fermeture des établissements à sept heures du soir, suppression des journaux ; des avertissements de soumission suivaient. Cologne, qui, comme toutes les villes allemandes, avait reçu ses troupes battues sous les fleurs, commença à saisir la signification de l’armistice. Le soir, la fête tomba, on n’entendit plus dans la Hohestrasse les orgues de barbarie ; les tirs, distraction nationale à l’égal du cinéma, ne brûlèrent plus de poudre, les gens s’enfermèrent, les poings se rongèrent : villes de Belgique, villes de France martyrisées ! une fois encore dans la personne d’une cité de sept cent mille âmes, vous étiez vengées !
Le lendemain et aujourd’hui 12 décembre 1918, flammes de la lance au vent, la cavalerie de George V apparut. Elle était reluisante comme pour une parade de gala. Les chevaux, tous le poil fait et choisis, les cuirs passés au velours, les hommes rasés d’une demi-heure. Même sans soleil, car il pleuvait, elle resplendissait. Elle ne faisait pas une vaine entrée, s’exposer dans un défilé n’était pas son programme, elle ne s’arrêterait pas ; Cologne pour elle n’était pas un but, c’est plus loin qu’elle allait. De même que tomba la muraille Hindenburg, l’autre, le grand fossé national, le Rhin, allait s’écrouler. Cologne n’avait pas mis ses volets comme d’habitude, Allemands et Allemandes circulaient. Ce n’est pas la sensibilité qui les étouffera.
Le passage s’opéra par le pont Hohenzollern, grand pont de Cologne. À la tête, je vous l’ai déjà dit, Guillaume Ier ; à gauche, Guillaume II, à cheval et en bronze, partent sur la Gaule. Juste au-dessous de la statue du Guillaume vaincu s’étale une terrasse. Plumer, le vieux, le rude Plumer, et, derrière lui, en casquettes à bande rouge, cent officiers de son état-major pour assister à l’acte historique, par hasard, ont choisi cette tribune. Au fond, du côté d’où viennent les vainqueurs, la cathédrale tout entière vue par son chevet, entre la cathédrale et la montée du pont, haie d’Allemands, puis le pont avec ses deux Guillaume. En avant.

« Sambre-et-Meuse » devant les Guillaume

La fanfare est sur la première arche, elle n’en bougera pas, la voilà qui attaque : c’est Sambre-et-Meuse. Si le Rhin pouvait parler je lui aurais demandé son impression, Sabre au poignet, les cavaliers de Londres, d’Écosse, des comtés, franchissent le fleuve. C’est un ensemble sur qui les photographes se précipitaient affamés. C’est celui de la terrasse et de ce qui la surplombe. Ce qui la surplombe, c’est Guillaume II, il détourne du spectacle sa tête de bronze, ce n’est pas qu’il a honte, c’est qu’il ne voit ni ne comprend rien, c’est du moins ce qu’explique le geste de son bras droit qui à toute la Germanie dit : suivez-moi. En dessous, de plain-pied avec la terre, sur la terrasse, est planté le drapeau anglais, l’entourant les cent casquettes rouges, devant ces casquettes, Plumer qui salue et à côté de Plumer le petit chien blanc du général, sur son derrière. Les cavaliers sans arrêt passent. La fanfare change de carton, c’est maintenant l’air de Faust, gloire immortelle de nos aïeux. Ça c’est pour les mânes de Guillaume Ier. Les cavaliers passent, chacun sur son visage porte toute la dignité de l’Angleterre. De voir une armée qui quatre ans se battit, des hommes aux chevaux et au matériel si éclatants, les Boches qui regardaient crottée partir la leur en ouvrent la bouche. Jusqu’au haut du manche du fouet qui toute fraîche a sa petite bague blanche au ripolin. Yeux à droite, hurle à ses soldats chaque chef d’escadron quand il arrive devant la terrasse, si bien que les autos mitrailleuses ont elles-mêmes entendu, elles n’ont pas d’yeux, mais le moment venu elles tournent vers Plumer en signe de salut leurs canons de fusil et Guillaume est juste derrière Plumer, ce qui est très amusant.
Nous sommes de l’autre côté, le Rhin est franchi, encore trente kilomètres à couvrir, la victoire se précise ; il fallait ça.
Le Petit Journal, 15 décembre 1918.

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vendredi 14 décembre 2018

14-18, Albert Londres : «Voulez-vous boire de la bière? Entrez, messieurs.»

La vie est joyeuse à Cologne

(De l’envoyé spécial du Petit Journal.)
Cologne, 8 décembre.
Il faut que la France vainqueur connaisse l’aspect de l’Allemagne vaincue.
À Paris, paraît-il, tout ferme encore à neuf heures et demie. Paris, dans sa gloire, n’a pas retrouvé sa vie ; or, à Cologne, voilà le spectacle : si des gens d’humeur heureuse entendent s’amuser, ce n’est pas à Paris, c’est à Cologne qu’ils doivent débarquer. Paris est libre, Paris renaît après quatre ans de menaces, Paris est la capitale de la victoire et Cologne est sous le pas de l’ennemi, et Cologne, d’un orgueil insensé, tombe dans la soumission et Cologne se demande ce qui l’attend.
Donc, depuis vingt-quatre heures nous vivons à Cologne. C’est la vie, la vie de Paris au temps joyeux de la paix. Ce n’est pas le plaisir de vous faire une nouvelle description qui m’engage à vous envoyer cette dépêche. Si ce n’était que cela, j’éprouverais un plus certain contentement à passer ce temps hors de mon bureau. C’est que je crois juste d’opposer aux tableaux faméliques d’Allemagne ce que, voyageur impartial, je constate. Je sais que je n’ai pas pénétré tous les foyers ; que la vie extérieure d’une cité n’est pas l’image exacte de sa vie profonde, mais je croise le peuple dans la rue, mais les malheurs d’autres temps m’ont fait traverser des pays éprouvés. Je me souviens des têtes qu’avaient les Serbes à l’époque de leur famine. Il n’était pas besoin de franchir leur porte pour comprendre ce qu’ils mangeaient.
Cologne a 700 000 habitants. C’est une des plus parfaites images de l’Allemagne, et Cologne est loin de faire pénitence. Déjà, traversant d’autres villes, le nombre d’hommes jeunes y circulant m’avait frappé ; il est fait de la moitié, soyons équitables, de démobilisés ; mais l’autre moitié n’avait pas bougé. À Cologne, même remarque : l’ennemi a ménagé ses forces.
Voulez-vous boire de la bière ? Entrez, messieurs, il est cent brasseries sur votre route. Plutôt, n’entrez pas, il n’est plus une place. Êtes-vous gourmands ? Voilà des gâteaux aux devantures. En France, on a fermé les pâtisseries ; ici on croirait qu’on les subventionne ; vous avez votre entremets à chaque repas. La marchandise n’est pas délicate, mais c’est une question de palais. À Paris, l’hiver dernier, les hôtels ménageaient le charbon ; il fait chaud dans ceux de Cologne, comme il faisait chaud dans ceux d’Aix-la-Chapelle, et tous les jours, à toute heure, vous avez votre bain.
Manque-t-il de pudeur, ce peuple ? Tient-il à nous montrer que rien ne l’abat ? Cafés-concerts, cinémas, théâtres débordent. Nous nous y sommes pris deux jours à l’avance pour nous assurer une place au Vaisseau fantôme. Dans la soirée, des music-halls eurent notre visite. On nous en ouvrit les portes sans vouloir accepter d’argent. Le contrôleur nous accompagna au milieu de la foule, nous cherchant une place. Des Allemands se tassèrent, nous eûmes notre coin. C’étaient d’immenses salles de bourgeois. La petite chanteuse blonde, qui possédait quelques grâces, commençait d’abord par sourire aux nouveaux arrivants, ses ennemis, et les bourgeois, entourant de nombreuses bouteilles de vin du Rhin reprenaient le refrain de la gosse, refrain cru.
À une heure du matin, la foule est à peine clairsemée. Les lumières chantent à tous les becs électriques, les jeunes hommes, en nombre, correctement habillés, zigzaguent dans les rues ; ils sont ivres ; ils soulèvent leur chapeau : « Good bye ! Good bye ! » font-ils, et les promeneuses attardées, ayant déjà fait effort en langue étrangère, sous les yeux de leurs compatriotes, ne cherchant qu’à perfectionner leur étude, disent bonsoir.
Le Petit Journal, 14 décembre 1918.

3,99 euros ou 12.000 ariary
ISBN 978-2-37363-076-3


dimanche 9 décembre 2018

14-18, Albert Londres : «Ils se croient toujours le géant debout.»


Mes cinq premiers jours en territoire occupé

(De notre correspondant de guerre accrédité aux armées britanniques.)
Aix-la-Chapelle, 7 décembre.
Cinq jours que nous sommes en Allemagne et que j’y suis. Eupen, Malmédy, Montjoie, Aix-la-Chapelle, Duren, des villages par dizaines, 40 kilomètres en profondeur, du boche de plus en plus boche, voilà notre apparition qui se précise, gagne et marche au Rhin. Si vous croyez que ce que nous voyons est simple, votre erreur est grande. Le spectacle est des plus compliqués. Tous les aspects de l’âme humaine, la servilité, l’inconscience, la crainte, la fierté, la légèreté, la sournoiserie, l’insolence, nous les avons. Si l’âme humaine a d’autres aspects que nous oublions, ajoutez-les, ils y sont.
Vouloir découvrir, immédiatement, au milieu de ces manifestations enchevêtrées, la véritable pensée de l’Allemagne actuelle serait gaminerie. D’ailleurs, depuis cinq jours, il y a deux Allemagnes : celle que nous occupons et occuperons, celle qui restera libre. La description de l’une ne pourrait servir à l’autre. L’Allemagne avec laquelle nous allons traiter, c’est à Berlin qu’il faut aller la fouiller. En attendant, regardons celle qui est sous nos pas.

Deutschland über alles !

Nous entendons qu’ils disent n’être pas vaincus. Savez-vous que tout le pays reçut ses troupes en retraite avec des drapeaux aux fenêtres ? Ils se jugent la victime de circonstances malheureuses, ils se croient toujours le géant debout ; ils font une concession : c’est que ce géant, pour un moment, doit consentir à ne plus mordre. Quant à ses yeux, ils ne se baisseront pas. Le géant est plein de gloire, d’honneurs.
— Mais, dis-je à un jeune professeur, hôte de mon hôtel, et les fers que nous lui avons passés aux pieds ?
Il m’a répondu :
— Nous ne regardons que la couronne qu’il a sur la tête.
C’est le mot d’ordre donné. Ce que dit ce professeur, les journaux l’écrivent. Nous voyons sous nos yeux se dessiner la façon dont ils apprendront l’histoire de leur défaite aux petits Boches. Vous croyez que l’Allemagne est diminuée ? Allons donc ! Elle n’a jamais été si grande !
— Tout l’univers contre nous ! disent-ils.
— Halte-là, ai-je répondu à mon professeur. C’est un conte dont il ne faut pas nous endormir. Au début de la guerre, qui était le plus fort, vous ou nous ?
— C’était vous.
— Et c’est alors que vous avez essuyé votre plus grave défaite. Et votre surpopulation, et vos alliés, qu’en faites-vous ? Pensez au nombre de votre coalition quand elle donnait en plein. Pensez à celui de la nôtre quand l’Angleterre n’était qu’en préparation, l’Italie en attente et l’Amérique dans les limbes. Au moment de votre supériorité, vous n’avez pu vous battre.
Le professeur ne veut voir que la fin. Il s’est fait un tableau qu’il aime à contempler : l’Allemagne toute seule, la tête droite et l’univers entier se jetant sur elle.
— Il est faux votre tableau, lui dis-je, et l’Autriche ? et la Bulgarie ? et la Turquie ? Ce que vous appelez votre isolement n’est que la première conséquence de votre défaite. Vous ne vous êtes trouvés seuls qu’au moment où vous étiez battus.
— Nous avons tenu les derniers, dit-il.
— Oui, mais pour tomber aussitôt.
Le professeur secoue la tête pour dire non. Le maître d’hôtel, démobilisé de deux jours, entre dans la conversation. Il dit :
— Monsieur, l’armée du front jusqu’au bout a rempli son devoir. On a bien fait de la recevoir avec des drapeaux. Si nous sommes où nous en sommes, nous le devons à ces cochons de l’arrière qui faisaient la révolution pendant que nous nous battions.
— C’est parfait que vous reveniez du front, lui dis-je. Vous devez vous y connaître davantage. Comment appelez-vous l’opération qui vous a reconduits au Chemin des Dames, qui vous a fait lâcher les lignes Hindenburg ? Vous savez ce que c’était que les lignes Hindenburg ? Cela ne s’appelle-t-il pas des victoires pour nous ?
Il répond : « Notre armée eut là évidemment un retour du sort, mais ce qui nous dépasse, c’est que ce retour qui était en notre faveur fut le dernier…
— Parce que vous étiez incapables d’en faire surgir un autre !
— Ce n’est pas la faute de l’armée, fait le maître d’hôtel, sous-officier hier… »

Les archets menteurs

Voilà le ton du ciel de l’Allemagne vaincue, elle ne se dit pas battue. Elle se persuade qu’en pleine grandeur, pour des raisons mystérieuses, elle a été forcée d’abdiquer. Elle porte la tête haute, elle ne se sent pas humiliée, elle dévore en dedans une rage qui s’installe, mais la notion de l’heure, elle ne la perd pas. Ses usines fument, ses femmes repeuplent et ses orchestres, comme ce soir au Palace, à Aix-la-Chapelle, tandis que nous, ses ennemis en uniforme, nous dînions, ses orchestres, de leurs archets menteurs en attendant, si nous le permettons, qu’ils redeviennent des flèches, nous servent Sambre-et-Meuse !
Le Petit Journal, 9 décembre 1918.
(Republié le 10 décembre.)

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mercredi 5 décembre 2018

14-18, Albert Londres : «Les habitants sont dehors, désœuvrés, inquiets, mal à l’aise.»

Aix-la-Chapelle, premier otage

(De notre correspondant de guerre accrédité aux armées.)
Aix-la-Chapelle, 3 décembre.
Hier, à 2 heures de l’après-midi, nous atteignions Aix-la-Chapelle. Faubourg populeux. À l’octroi, les soldats belges font ce que, pendant quatre ans, les soldats boches ont fait chez eux : ils contrôlent, ordonnent, tranchent. On ne sort plus de la ville, on n’y entre plus et pas de discussion ! Les magasins sont ouverts. Beaucoup de gens dans les rues. Nous en appelons pour demander notre direction. Tous se rendent à notre signe, nous servent. Nous voilà devant l’hôtel. On n’a pas vu beaucoup d’uniformes ennemis encore. La foule, à plusieurs pas, fait cercle. Foule indécise qui ne sait pas ce qui peut lui arriver. À l’hôtel, les voix ne sont pas assurées. Sortons.
Les habitants sont dehors, désœuvrés, inquiets, mal à l’aise. S’ils se promènent, c’est qu’il leur serait trop lourd par ces journées de demeurer chez eux. Ils savaient bien que l’Allemagne avait cédé et qu’eux seraient otages. Mais, entre savoir et éprouver, que d’espérances ! Or l’espérance, depuis ce matin, est morte. L’occupation se fait. Bruxelles, Anvers, Gand et vous, Lille, Douai, Cambrai, Laon, ouvrez les yeux ! La revanche commence.
Ce sont des Belges qui sont à Aix-la-Chapelle. À trois heures, la première affiche sort ; elle est blanche.
« En mon quartier général, ce jour, à Aix-la-Chapelle, moi, colonel Gracia, commandant les troupes belges, j’ordonne… »
Et il ordonne ce que von Bissing arrivant à Bruxelles ordonna. J’ordonne !
« Tous les habitants sont tenus de rester chez eux à partir de 7 heures du soir jusqu’à 5 heures du matin, heure belge. Tous les établissements publics, cafés, théâtres, cinémas, seront fermés. Dix otages se rendront au reçu de mon ordre à l’Hôtel de Ville. Tout civil est tenu de se découvrir au passage d’un officier et de descendre du trottoir. Qui transgressera mes ordres sera arrêté sur-le-champ et fusillé sans autre forme de procès. »
Dix-sept articles dans ce goût ! Bruxelles, Lille, relisez bien : vous êtes vengées.
Aix-la-Chapelle alors sent la défaite. Ce n’est pas pour rire que nous sommes vainqueurs. La physionomie de la ville change. Les hommes lèvent leur chapeau, descendent du trottoir. Ce vin, c’est eux qui l’ont tiré, qu’ils le boivent !
L’humanité est diverse. On voit des gens qui, pour ne pas se plier aux ordres, rentrent ; d’autres, qui cherchent l’occasion de saluer. Les femmes se tiennent par le bras comme pour être plus fortes. C’est le premier jour. Le temps fait bien les choses. Ça s’adoucira. Les gamins portent le calot rond des soldats allemands. La jeunesse a son héroïque espièglerie. Il en est deux qui ont des ampoules électriques dans les mains. Comme par hasard, en passant devant nous, ils les laissent tomber. Cela imite une petite bombe. Gosses de France et de Belgique, vous leur en avez fait d’autres !
Il y a de la peur. Entrés à plusieurs dans une bijouterie, alors que nous choisissons, l’un de nous découvre sur une étagère les bustes de Guillaume et de son fils. La bijoutière croit que c’est le signal de je ne sais quelle tragédie. Elle se met à pleurer. Nous sommes Français, madame !…
Il y a de la rage. Ceux qui habitent notre hôtel mangent dans la même salle, font comme si nous étions de purs esprits, c’est-à-dire ne nous voient pas. Ils savent que nous les voyons. Ils s’offrent, pour nous montrer qu’ils ne sont pas vaincus, de nombreuses bouteilles de vin du Rhin, et chacun sait que les vaincus ne font pas la fête… Mais nous en buvons autant.
Il y a l’appel au vieux Dieu allemand. Dans le cœur du Dôme, face au trône de Charlemagne, le Saint-Sacrement est exposé. C’est l’office du repentir. Il durera quatre jours, – l’office.
Sept heures arrivent. La ville est vide. Le colonel Gracia n’a pas eu besoin de parler deux fois. Il avait ordonné aussi que tous les rez-de-chaussée restassent éclairés jusqu’à huit heures. Ils sont allés plus loin, ils veulent donner des gages : les lampes électriques, le long de la cité déserte, dans les vitrines brûlent toute la nuit. Pendant ce temps, on affiche une proclamation de Foch, le maréchal de France.
Ont-ils à manger ? Les boutiques des marchands d’alimentation n’offrent rien. Charcuteries, boucheries, épiceries n’ont pas un repas à l’étalage. À l’hôtel pourtant, le menu est correct et l’addition, n’est-ce pas, Français et Belges qui avez connu ça, l’addition, c’est la mairie qui la paye.
Et, ce matin, ils ont courbé le front. Les troupes d’Albert Ier ont fait leur entrée. En France, il n’y aurait pas eu une âme dehors ; là, il y en a. Ils défilent, les soldats du petit royaume qui se rebiffa ; ils passent devant la statue de Germania tenant sa couronne à la main, devant celle de Guillaume Ier. Ils leur envoient de formidables bouffées de Sambre-et-Meuse. Un dixième de la ville regarde ça de la rue et des fenêtres. Le drapeau passe, des têtes restent couvertes. Le chapeau vole sous le geste d’un Belge ! Ils passent, fiers et solides : ils sonnent de tous leurs poumons. Ils disent : C’est nous, le roitelet, qui chantons aujourd’hui sous la carcasse de l’aigle ! Des femmes pleurent. Pourquoi ces larmes ne sont-elles pas les premières de la guerre ? Cela nous aurait touchés.
Le Petit Journal, 5 décembre 1918.

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mardi 4 décembre 2018

14-18, Albert Londres : «Le sol allemand vient de sonner sous nos pas.»

Comment les vainqueurs sont reçus en Allemagne

(De notre correspondant de guerre accrédité aux armées britanniques.)
Eupen, en Allemagne, 1er décembre.
Grand jour. Le sol allemand vient de sonner sous nos pas. L’Alsace-Lorraine, c’était à nous, c’était chez nos frères que nous arrivions. Leurs bras étaient ouverts, les nôtres aussi ; ce fut l’étreinte. Ce matin dimanche, 1er décembre, par un soleil glacé, mais brillant, chez l’ennemi, l’armée anglaise se présenta.
Du bas en haut, depuis 18 jours, nous avions triomphalement traversé la Belgique. Vivats, baisers, fleurs, fêtes, arcs, populations bannière en tête venant à notre rencontre, lampions dès la nuit s’illuminant, rien ne manqua à ceux, vainqueurs, d’Angleterre, de France ou de Belgique, qui, par le royaume délirant, vers la Germanie déchue, pour l’occuper, montaient.
Le décor allait changer. Hier, 30 novembre, à six kilomètres de la frontière, nous avons couché. C’était le lendemain, vers 8 heures et demie, que la cavalerie britannique, sa parade terminée, partirait vers le poteau frontière. Qu’allions-nous voir ? Que nous réservait l’ennemi ? Tout était vraisemblable. Trouverions-nous des volets clos, des spectateurs sur les trottoirs, de la résignation, de la colère ? Émouvante inconnue. L’Allemagne, pour nous, s’ouvrait.
Il a gelé la nuit, le jour se lève sur une campagne glacée à blanc, mais il se lève bien ; le ciel est bleu et, avant huit heures, le soleil réjouit le givre. Le 15e hussards, qui, par Eupen, le premier violera l’Allemagne, s’ébroue.
Une sentinelle a monté depuis hier la garde au poteau, un petit poste avait mis pied à terre, 100 mètres plus loin ; le régiment cantonnait à 1 000 mètres ; il va partir. Nous le devançons.
Par la route de Verviers, nous traversons Membach, dernier village belge, puis c’est tout droit. Le poteau belge, dix mètres après, l’Allemand ; nous sommes en Allemagne.

À Eupen

Eupen est à peine à un kilomètre. À trois, nous allons d’abord prendre seuls le nouvel air. Sortant de la ville dans notre direction, viennent cinq enfants de dix à douze ans. Ce sont nos premiers Allemands ; c’est dimanche, ils ont leurs habits propres ; leur curiosité les mène à la frontière voir la chose. Ils nous disent bonjour ; ils ne nous ont pas dépassés de cinquante mètres, que l’un d’eux court vers nous. Il a une croix de fer imprimée sur sa belle cravate. Il nous tend trois cigarettes.
— Comment t’appelles-tu ?
— Joseph.
— Que fait ton père ?
— Il travaille.
— Parles-tu français ?
— Nein.

Épisodes de gamins

Revenons. Laissons aux cavaliers la gloire d’être en tête. Regardons le pays qu’ils ont sauvé. Les voilà. Ils s’avancent au pas, deux par deux.
Ils arrivent au poteau. Un mouvement. Ils mettent le fusil sur la cuisse et sans pousser un cri, sans un temps d’arrêt, continuent. Il est huit heures quarante-trois. L’acte historique est accompli. La vieille Angleterre foule l’Allemagne.
Ils s’avancent à flanc d’un bois de sapins. Le soleil sur le casque, serrés, nombreux, solides. La route est droite et, aussi loin que va le regard, ils l’emplissent. Il n’en est encore que quelques centaines en Allemagne mais, suivant de l’autre côté du poteau, il en vient, il en vient. C’est l’invasion. C’est bien elle, c’est notre tour. Merci, les morts !
Ils vont. Ils atteignent les premières maisons. Verrons-nous des habitants ? Sont-ils dans leurs caves ? En voilà qui marchent sur la route. Ils lèvent les yeux un instant, c’est tout. Voilà des gamins en casquette verte. Ils s’arrêtent, regardent. Encore des gamins, ceux-là coiffés de bérets de matelots. Le ruban de ces bérets, chez nous, autour du front de nos enfants, propose de grands noms glorieux ; le ruban des bérets des enfants allemands célèbre la ruse, l’assassinat, leurs sous-marins.
Mais voilà le centre. Des habitants sont dans la rue. Ils sont à nous attendre. Le long d’une longue rampe qui conduit au haut quartier, ils sont accoudés. Froide minute. Les premiers cavaliers passent devant eux. Tragique, le silence s’étend. Le silence est partout. Il est dehors et au fond de tous ces Allemands.

Silence lugubre

Quelle nouvelle force des choses ! C’est la première rencontre que les vainqueurs ont avec les coupables. Trois semaines de récompense avaient pu les leur faire oublier. Hier, ils paraissaient ; la joie se levait. Aujourd’hui, à leur vue, le sang se refroidit. Passez ! Passez ! C’était l’heure de la gloire ; c’est celle de la justice. Les habitants ont les bras pendants. Les moins résignés ont un mauvais rire forcé aux lèvres. Leur tenue sent la gêne. De ce silence lugubre, de ces attitudes, ce qui se dégage, c’est un sentiment d’écroulement. Ces gens-là sont écroulés comme les pierres de Messine et, comme elles, n’ont pas davantage compris pourquoi.
Toujours en silence, les fenêtres se sont garnies. Presque toute la ville assiste à sa livraison. Nous avons cependant des visions de pudeur. Des gens qui n’ont pas relevé leurs rideaux mais qui sont derrière puisque le rideau bouge, d’autres qui l’ont relevé mais se tiennent à deux pas des carreaux. Le patriotisme se sauve ainsi et la curiosité ne perd pas tout.
Les cavaliers anglais, flammes au vent, passent sans regarder. Ils ne daignent pas. Ils sont la victoire. La victoire qui va.
Nouveauté. Deux habitants se parlent. C’est à voix basse. Leur seul propos est saisissant : il résume la pensée de la ville. Se penchant par où viennent les hussards du roi, ils disent : « Il y en a encore. »
Instinctivement, femmes et hommes, quand ils se déplacent, le font à pas feutrés. Un unique uniforme allemand, un garde forestier, jeune, long, singeant le hobereau. Ses yeux nous inondent d’injures. Sa bouche est plus prudente. C’est l’anéantissement.

Musique en tête

Une musique. Ce sont des civils qui précèdent ainsi cet escadron ; c’est, au grand complet, la fanfare du village belge d’à côté de Membach. Il n’y a que des Wallons pour avoir cet estomac. Quatre ans, leurs voisins les ont dominés. Chacun son heure. Les cuivres pètent comme s’ils n’étaient pas rouillés. Les Allemands en sont jaunes. Ils accompagnent l’escadron de la première à la dernière maison d’Eupen et ils reviennent à contre-sens des troupes, soufflant plus fort. C’est toujours ça de pris. Si l’ennemi d’ici a souffert, il ne le porte pas sur la figure. Les enfants ne sont pas maigres ni pâles, tout le monde est bien chaussé, bien habillé. Nous voulons dire chaussé contre la pluie, habillé contre le froid, leurs pieds étant trop grands et trop crue la couleur des habits pour être bien. Les privations n’ont pas non plus gâté l’agrément de quelques visages féminins. Les magasins sont ouverts. Nous achetons des cartes postales. Le marchand est poli. Des affiches vertes sont sur les murs.
C’est la police allemande qui ordonnait aux habitants de remettre toutes leurs armes, exception pour le garde champêtre. Un indigène s’approche, nous dit, voulant être prévenant : « Tout est remis, c’est fait depuis hier. »
Celui-ci voudrait parler.

Ça va ! Ça va !

Et sur les routes d’Allemagne, la première ville traversée, dépassant la cavalerie, nous filons.
À soixante à l’heure, malgré le froid coupant, nous exaltons en nous la joie de faire claquer chez l’ennemi le drapeau français battant notre voiture.
La campagne est déserte, les villages que nous brûlons sont déserts. Pas même une poule ! Le vide complet. Mais, cruel rappel de nos souvenirs, ici, rien n’est détruit. Serrons les poings. Sur les routes, des camions et des autos abandonnés. Aucune indication de chemin. Les inscriptions sur les poteaux, effacées en 1914, ne sont pas repeintes.
Enfin, voilà une carriole ; trois soldats allemands l’occupent. Ils se penchent vers nous. Que vont-ils dire ?
Ils nous disent : « Bonne route ». Nous atteignons Montjoie, romantique village. Il est dix heures et demie. Personne non plus que trois soldats encore solitaires se promenant. Ils nous saluent.

À Malmédy

Nous arrivons à Malmédy. Les troupes anglaises entrées par un second côté y défilent. Même spectacle qu’à Eupen. Mais c’est l’heure de la messe. Nous pénétrons discrètement. Le curé prêche. Il prêche en français. À cette frontière, l’élément wallon domine, le français est courant. Il leur parle de l’événement. Leur dit qu’ils vont avoir à supporter une grande épreuve.
À ce moment, venant du porche, on entend le roulement des canons anglais. Il leur dit qu’il appelle sur eux la justice des occupants.
Et la pénitence, monsieur l’abbé ?
Le Petit Journal, 4 décembre 1918.

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lundi 3 décembre 2018

14-18, Albert Londres : «La Belgique retrouve sa vie libre.»

La question flamande

(De notre correspondant de guerre accrédité aux armées britanniques.)
Bruxelles, 2 décembre.
La Belgique retrouve sa vie libre. Elle va reprendre du coup dans la pleine possession d’elle-même la discussion de ses affaires intérieures. Il en est une parmi celles-ci qui est à la première place des préoccupations nationales. Elle demande, pour le repos du royaume, qu’on la tranche de suite, c’est la question de la langue. Nous allons la rappeler.
La Belgique est composée à parts presque égales de Flamands et de Wallons. Jadis, il y a plus de deux cents ans, dans cette partie de l’Europe que tient Albert Ier, la civilisation flamande avait le dessus. Dès le dix-huitième siècle, un déplacement d’influence apparut. La Wallonie, enrichie par l’exploitation de ses mines, gagnait en puissance. Son prestige devint dominant. Les événements de 1830 le certifièrent, la langue des Wallons, c’est-à-dire la langue française, fut officiellement adoptée.
La croissance du prestige wallon n’entama pas la fidélité des Flamands à leur passé et à leur moyen d’expression. Les intellectuels des Flandres, faisant fond de cette solidité de race, ne cessèrent de réclamer, poursuivant l’expression complète de leur originalité, le même développement pour la langue flamande que celui dont en Belgique jouissait la langue française. Vint la guerre. Ici se place ce que l’on appela le mouvement activiste. Nous ne parlerions pas en toute justice si nous ne disions que ce ne fut qu’un épisode sans portée. Envahis, les Belges, Flamands ou Wallons cessèrent la querelle. « C’est une histoire à régler entre nous, déclarèrent-ils. Nous attendrons le départ de l’étranger. » Une poignée d’agités, d’agents de l’ennemi voulurent en juger autrement. « Tous les moyens pour arriver à nos fins sont bons, dirent-ils, même si l’Allemand doit nous aider. Vous, Flamands, qui conseillez la trêve, vous n’êtes que des passifs, nous sommes des activistes ; en avant pour la langue flamande, la main dans la main de von Bissing. » La Belgique entière les hua. La punition les attend.

Ce que veulent les Flamands

Aujourd’hui, en liberté de conscience, chacun reprend ses droits. Que disent les Flamands ? « La langue populaire doit être la base de la civilisation dans tous les pays. La Flandre eut une belle histoire, de grands hommes. Présentement, nous dépérissons. Nous dépérissons parce qu’une instruction supérieure n’étant pas donnée dans notre idiome, les idées générales ne touchent plus notre peuple.
« L’activité wallonne éclairée par les nouvelles méthodes est plus heureuse que celle des Flandres, parce que la Flandre n’a pas d’élite intellectuelle. La question fondamentale de notre mouvement n'est pas de savoir si on doit choisir entre le français et le flamand, c’est de savoir si la langue française continuera au détriment de l’autre à jouir de la suprématie. Nous réclamons l’égalité. Nous réclamons que les fonctionnaires envoyés en Flandre parlent flamand, nous réclamons la constitution d’une université flamande. »

Ce que disent les Wallons

La Flandre oublie une chose, c’est qu’elle-même est bilingue. À l’exception de la partie populaire, les Flamands parlent français. De plus, il n’y a pas de barrière entre Flandre et Wallonie, beaucoup de Wallons habitent les Flandres, beaucoup de Flamands habitent la Wallonie. Les Flamands ont certes des droits. Qu’ils demandent des fonctionnaires entendant leur langue, tout naturel. Qu’ils fassent fleurir s’ils le peuvent leur langue, nous nous en réjouirons. Mais pourquoi vouloir imposer ces conquêtes par la loi. Nous n’empêchons les Flamingants de pousser chez eux la propagande. Nous leur disons : « Essayez, peut-être arriverez-vous à faire reculer le français, mais n’exigez pas ce résultat d’un acte officiel. C’est dangereux pour l’unité nationale. »
Le Petit Journal, 3 décembre 1918.

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