vendredi 20 mai 2011

David Sedaris du côté de l'ironie

Les emplois précaires sont des sujets en or pour l’écrivain qui les a occupés, s’il est capable de les raconter sur le ton badin qui leur donne un relief inattendu. Dans N’exagérons rien!, David Sedaris fait des descriptions savoureuses de quelques épisodes professionnels. Par certains aspects, ce recueil de nouvelles est un guide de survie au Pays du père Noël ou un manuel du bon usage des ateliers d’écriture. On y mesure la distance considérable qui sépare une vocation d’une fonction au quotidien, ou une illusion d’une réalité.
Le monde du travail n’est pas le seul à fournir la matière de scènes pittoresques. La vie, après tout, offre une gamme presque infinie de possibilités. Sur la route, un jeune homme très semblable à l’auteur fait son Kerouac en levant le pouce pour voyager en stop. Aventures et mésaventures se succèdent jusqu’au renoncement à ce mode de transport. En vacances en Grèce, un blocage complet des fonctions intestinales s’ajoute à quantité d’autres problèmes pour transformer le séjour en cauchemar. Le fumeur résiste comme il le peut à la pression sociale. Et le réfractaire à l’ordinateur découvre, dans une chambre d’hôtel ou à l’embarquement dans un aéroport, les inconvénients de sa fidélité à sa machine à écrire.
Comment avouer, en outre, que J’aime les garçons? Et que faire des listes de mots français appris consciencieusement pendant d’autres vacances? Chez David Sedaris, tout fait problème existentiel. Et tout problème existentiel se transforme en tableau visuel dont le principal acteur doit bien reconnaître qu’il est ridicule…
Humoriste grinçant, l’écrivain porte sur lui un regard impitoyable. Et très réjouissant. Le lire ne comporte qu’un seul risque, mais de taille: adopter le même sens critique envers soi-même. Rassurez-vous, il est possible de s’en remettre, bien que plus rien ne soit jamais pareil ensuite, à commencer par l’évaluation (ou la surévaluation) de qualités dont on croyait qu’elles faisaient notre charme.

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