Deux livres publiés en Belgique autour des années 1990, nouvelles et textes courts, et puis plus rien... Enfin, plus rien, c'est un peu simple. Car Jean-Pierre Orban a multiplié les activités autour de l'écriture et de l'édition, nous offrant notamment cette année, dans une nouvelle collection qu'il dirige avec Claire Riffard, le superbe roman du Sud-Africain K. Sello Duiker, La sourde violence des rêves. A la rentrée, il publie un roman à son tour, le premier, Vera. Titre bref pour un personnage complexe...
Vera, selon son éditeur
Au retour de Rome, quand j’ai aperçu la silhouette d’Augusto dans l’immense hall de la gare Victoria où il était venu m’accueillir, j’ai eu honte. Le train nous avait ramenés. Je ne peux le dire qu’ainsi. Au sens propre. Ce n’était plus nous qui nous emportions. Qui nous lancions vers l’avant comme à l’aller, les cheveux au vent, penchés par la fenêtre, la poussière me battant le visage, venue, on aurait dit, du sol de l’Éden. Le train nous ramenait. Tels des corps que l’on détachait de la terre offerte. On nous reconduisait dans le pays où nous vivions. Mais c’était quoi la vie? Et c’était où?
Londres, 1930: Vera vit à Little Italy avec ses parents, Ada et Augusto, immigrés italiens. Rapidement la jeune fille se laisse enrôler dans une organisation à la gloire de Mussolini. Elle croit naïvement que l’idéologie fasciste lui forgera une identité. Mais l’arrivée de la guerre chamboule ses espérances. Écartelée entre sa langue maternelle et celle du pays d’adoption, Vera se laissera emporter par d’autres dérives. Puis elle croira enfin venu le temps de construire le récit de sa vie et de l’Histoire. De trouver sa vérité, elle dont le prénom signifie «vraie», et de la transmettre…
Peuplé de personnages décrits à l’encre noire, ce roman bouleversant nous parle d’identité et de racines. Et de l’espoir, parfois déçu, de les dépasser.
L'auteur, Jean-Pierre Orban
Vera est le premier roman de Jean-Pierre Orban, qui a écrit pour le théâtre et la jeunesse. Il vit entre Bruxelles et Paris.
Les premières lignes
Acciuffateli tutti.
Est-ce que Churchill parlait italien? Connaissait-il un seul mot de cette langue? Et aurait-il lancé son ordre s’il l’avait fait dans la langue d’Augusto? Ose-t-on, quand on a fait l’effort de traduire sa pensée dans les mots de l’autre, le condamner à l’exil? Et l’envoyer à la mort.
Par le fond, comme l’empereur-clown Augusto.
Le fond, Churchill ne pouvait le prévoir. C’est ce qu’on a dit et ce qu’on dira. On dit tant de choses après. Mais c’est avant qu’il faut se garder de dire. On parlerait moins par la suite. On se tairait. On ne se prendrait pas les pieds dans les mensonges. On ne se fourvoierait pas dans les affabulations. Tous ces récits qu’on s’invente pour dissimuler ses manques. Toutes ces histoires qu’on construit pas à pas, mot après mot à mesure que disparaissent les êtres, les choses, les faits qu’ils sont censés désigner. Une chose ou un homme de moins, un mot de trop.
Pour en savoir plus, une vidéo (que je n'ai pas réussi à voir, vous aurez peut-être plus de chances) sur cette page.
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