mercredi 28 janvier 2015

Mali-France et retour pour Madame Bâ

Madame Bâ est une maîtresse femme, Erik Orsenna ne pouvait pas l’avoir abandonnée dix ans, sans avoir imaginé une suite. Souvenez-vous : dans Madame Bâ, elle écrivait à Jacques Chirac pour « résolument contester vraiment » le refus de sa demande de visa par le consulat de Bamako. Depuis, Jacques Chirac a répondu. Répondu vraiment, comme aurait dit l’héroïne : sa lettre est reproduite dans Mali, ô Mali, le livre grâce auquel on la retrouve, toujours tonitruante et tutoyant cette fois, à la fin du roman, François Hollande, puisque du temps a passé. Elle le conseille sur le règlement des problèmes de son pays et lui apprend ce qu’est cette terre sur laquelle l’armée française tente de remettre un semblant d’ordre sans très bien savoir comment les choses se sont installées au cours des années et des siècles.
Le pays a besoin de Madame Bâ, installée à Villiers-le-Bel, 95400, dans l’extrême nord du Mali (qui inclut Montreuil, 93100). Pour sa part, après dix ans de banlieue parisienne, elle ne voit pas très bien ce qu’elle pourrait apporter en retournant là-bas. Sinon que, quand même, cette Grande Royale ne doute pas de ses capacités et il suffit de lui dire qu’elle est indispensable pour qu’elle le croie.
La pétaradante institutrice reprend donc du service, au service des femmes qui s’éteignent sous les lois de l’Islam et continuent à faire des enfants comme si elles n’étaient bonnes qu’à ça. Mobilisée, Madame Bâ décide d’imposer l’instruction et le contrôle des naissances. Et d’y mettre les moyens nécessaires, grâce aux ramifications des relations familiales jusqu’au plus haut niveau de l’Etat. Tant pis s’il y a des risques puisque là-bas, du côté de Tombouctou où on brûle des manuscrits, c’est la guerre. Mais la France est prête, la France arrive, la France est presque là… Puis elle y sera, et son président aussi, nous l’avons déjà dit.
Mali, ô Mali aurait pu être un livre formidable. L’idée de passer le flambeau du récit au petit-fils de Madame Bâ, Michel, désigné griot pour la circonstance, est excellente. Lui qui fut dealer de banlieue parisienne après avoir échoué à devenir une vedette de football, qui est sorti du milieu pour être musicien, apporte beaucoup par sa jeunesse et son impertinence mesurée. L’énergie de l’héroïne, son orgueil, ses certitudes, tout cela est intact et fournit l’élan de la lecture. Mais les faits sont là, envahissants. En écrivant, Erik Orsenna n’a pas échappé au rouleau compresseur de l’actualité immédiate et s’est senti contraint de fournir quantité d’informations dont la fiction aurait pu faire l’économie.
Mali, ô Mali n’est donc qu’un bon livre. Ce qui n’est pas rien.

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