jeudi 14 novembre 2019

Goncourt, la marque qui déchire

Quel est en France le prix littéraire d’automne qui génère le plus grand nombre de ventes ? Le Goncourt. 367.100 exemplaires en moyenne de 2014 à 2018, selon les chiffres de l’Institut GFK. Et ensuite ? Le Goncourt, aussi, mais celui des Lycéens. 314.000 exemplaires. Joli doublé qui consacre une marque venue de loin et qui a su se renouveler pour rester au-devant de l’actualité : le premier Prix Goncourt a été attribué en 1903 à John-Antoine Nau et, depuis 1985, cette récompense unique a fait des petits.
À l’initiative de l’académie Goncourt elle-même, le Goncourt de la nouvelle a été créé en 1974, celui de la biographie en 1980 (à présent Goncourt de la biographie Edmonde Charles-Roux). Puis vinrent en 1985 celui de la poésie, ajoutant depuis en légitime hommage à l’auteur d’une monumentale Histoire de la poésie qui siégeait en son sein le nom de Robert Sabatier à son appellation, et en 1990 celui du premier roman. Ils n’étaient, à leurs débuts, que des Bourses Goncourt, ils ont franchi l’épreuve du temps et ont été revalorisés en autant de Prix Goncourt. Sans atteindre, et de loin, la notoriété de celui que vient de recevoir Jean-Paul Dubois. (Auquel, car je n’aurai peut-être plus l’occasion de le faire, j’applaudis encore une fois.)
Entre-temps, la Fnac, qui était en 1988 la plus importante enseigne à la fois culturelle et commerciale de France, avait eu l’idée de génie de créer le Goncourt des Lycéens, « avec la bienveillance de l’académie Goncourt », dit la notice Wikipédia. Académie Goncourt qui, néanmoins, a dû se sentir suffisamment gênée un temps par l’aspect commercial du projet pour tenter de retrouver son indépendance et promouvoir elle-même, un temps, une Bourse Goncourt jeunesse. La puissance de feu de la Fnac et le succès croissant du Goncourt des Lycéens a eu raison de celle-ci, toute gêne est oubliée.
Rectificatif: il n'y avait dans la Bourse Goncourt jeunesse que du plaisir et aucune gêne vis-à-vis d'une enseigne marchande, comme me le signale un message d'un juré actuel. Je le cite: «créée à l’initiative de Michel Tournier, elle était remise à l’auteur d’un album jeunesse pour les petits, avec l’appui de la ville de Fonvieille, lieu de naissance d’Alphonse Daudet. Le jour où celle-ci s’est retirée, ça s’est arrêté, voilà tout.» Dont acte.
Sur base de la première sélection Goncourt annoncée en septembre, des comités locaux rassemblant près de 2.000 lycéens lisent et commentent, sélectionnent à leur tour (huit titres cette année) en vue du vote final qui a couronné cette année, vous le savez déjà, le roman de Karine Tuil, Les choses humaines, couronné hier par le Prix Interallié.
Les chiffres de ventes fournis pour le Goncourt des Lycéens mériteraient d’être analysés plus finement, en particulier pour les années concernées. Car le cumul de 2019 est loin d’être une première et l’effet du prix des jeunes lecteurs s’est additionné avec celui du Renaudot en 2014 et 2015 (David Foenkinos et Delphine de Vigan), du roman Fnac en 2016 (Gaël Faye) ainsi que du Prix littéraire du Monde en 2017 (Alice Zeniter).
L’académie Goncourt elle-même, sollicitée un peu partout, parraine depuis 1998 des Choix Goncourt dans différents pays. La Pologne avait ouvert en 1998 une série qui a, depuis, gagné d’autres territoires : l’Orient, la Serbie, l’Italie, la Roumanie, la Tunisie, la Belgique, la Suisse, la Slovénie, l’Espagne, la Bulgarie, l’Algérie, la Chine, le Brésil, le Royaume-Uni, l’Autriche, la Grèce, la République tchèque, le Maroc et la Géorgie. J’en oublie peut-être.
Ils essaiment, les académiciens Goncourt…

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