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mardi 29 janvier 2019

Tout Maigret 2. Le charretier de La Providence (1931)


La Providence est une péniche – et Simenon écrit le roman, comme d’autres, à bord de l’Ostrogoth sur lequel il navigue entre fleuves et canaux. Il a dû, forcément, passer des écluses comme celle de Dizy, dans la Marne. L’écluse 14, qui donne son titre au premier chapitre pour situer le terrain, terrestre et aquatique à la fois, ou plus exactement à mi-chemin entre les deux. Le commissaire Maigret, pour se rendre d’une écluse à une autre, utilisera souvent un vélo. Parfois à la limite de ses capacités physiques, d’ailleurs : « Maigret commençait à adopter le mouvement de droite à gauche et de gauche à droite du cycliste fatigué. » On le comprend, car il en oublie même, ce n’est pas vraiment son genre, la soif : « Il venait de parcourir cinquante kilomètres sans même boire un verre de bière. »
Une femme est morte, il pleut et les moyens particuliers de communication utilisés par les bateliers ne simplifient pas une vision globale de la situation : entre les éclusiers qui restent sur place et les navigants qui, eux, par nature, bougent, les messages se transmettent de loin en loin, au hasard de rencontres qui ne sont, ceci dit, pas toujours de hasard. Car les habitudes font que, si Untel est passé ici il y a un certain temps, il sera là à telle heure. Tandis que Maigret se balade de lieu en lieu sans tout comprendre de ce fonctionnement, attrape un bout l’information quelque part, la recoupe ou l’infirme plus loin, revient sur ses pas – ou plutôt sur les traces de ses roues –, bref, il patauge.
« On se demandait quelle était son idée et en réalité il n’en avait pas. Il n’essayait même pas de découvrir un indice à proprement parler, mais plutôt de s’imprégner de l’ambiance, de saisir cette vie du canal si différente de ce qu’il connaissait. »
Il s’agit, bien davantage encore que de découvrir l’auteur du crime, de comprendre un monde et les clefs de celui-ci ne sont pas offertes au premier venu.
Il n’empêche : à petits pas, l’énigme aussi bourbeuse et opaque semblait-elle être, livrera ses secrets. Avec une montée de la tension qui se révèle à travers les dialogues autant que par les attitudes de Maigret, curieux de tout au point de départ et focalisant progressivement son regard sur les éléments qu’il pressent être pertinents pour son enquête. Pas trop de logique là-dedans, deux corps (car au premier s’en est ajouté un autre) qui ne parlent guère mais finiront par en dire long…

mardi 1 janvier 2019

Tout Maigret 1. Pietr-le-Letton (1931)

Le 4 septembre 2019, il y aura trente ans que Georges Simenon est mort.
Les Editions Omnibus saisissent l'occasion pour rééditer, du 31 janvier au 4 avril, les dix volumes de Tout Maigret, avec de nouvelles couvertures signées Loustal et des préfaces inédites.
Je saisis l'occasion pour entreprendre la lecture ou, selon les cas, la relecture, de cette intégrale, dans l'ordre de rédaction des ouvrages (selon Wikipedia).
Mon agenda me dit que nous sommes, depuis quelques heures, en 2019. On commence donc aujourd'hui.

Georges Simenon se met à l’épreuve d’une spécialité déjà pratiquée dans ses vies précédentes, sous différents pseudonymes : le roman policier, avec un personnage récurrent qui va l’accompagner longtemps. Avec le commissaire Maigret, il convient de montrer que l’auteur sait de quoi il parle, quitte à déstabiliser le lecteur pour bien lui faire comprendre qu’il va découvrir le dessous des cartes, démonter les mécanismes les plus mystérieux de la Sûreté parisienne. Voici donc, d’emblée, jeté là pour nous faire participer aux jeux de codes, un télégramme incompréhensible : « Xvzust Cracovie vimontra m ghks triv psot uv Pietr-le-Letton Brême vs tyz btolem. »
Quelques lignes plus loin, il est obligeamment traduit par Maigret, pour lui-même autant que pour les néophytes : « Police Cracovie signale passage et départ pour Brême de Pietr-le-Letton. » Merci, on n’avait saisi que le nom du personnage en cause, et qui donne son nom au titre du livre…
Les horaires de chemin de fer jouent, dans ce début, un rôle majeur. Maigret imagine le parcours de l’homme surveillé, signalé à Amsterdam, à Bruxelles, bientôt à Paris. Le train doit se trouver quelque part entre Saint-Quentin et Compiègne, estime Maigret. « Dans la voiture 5, compartiment G. 263, Pietr-le-Letton était sans doute occupé à lire ou à regarder le paysage qui défilait. » Il n’y a qu’à attendre, relire le « portrait parlé » de l’individu (en chiffres d’abord, en clair ensuite) et se rendre sur le quai à l’heure où arrive le train. Rien de plus simple, en principe. Voici d’ailleurs une forme d’oreille caractéristique repérée, cible en vue. Sinon qu’un crime vient aussi d’être constaté dans le train à l’arrêt et que peut faire un commissaire sinon pratiquer les formalités d’usage ? En commençant par remarquer une oreille semblable à celle qu’il avait cherchée et trouvée !
L’énigme n’est pas très complexe, reconnaissons-le, pas besoin de s’appeler Maigret pour en comprendre l’essentiel. Nous n’en sommes pourtant qu’aux premières pages, et on ne va s’ennuyer ensuite. Car Pietr-le-Letton offre à Maigret des sous-énigmes en forme de puzzle dont les pièces doivent bien finir par s’assembler pour former un ensemble cohérent. Ce à quoi notre bon commissaire va s’employer avec patience, non sans une certaine lourdeur qui augmente la force d’inertie selon laquelle il semble progresser dans son enquête. Jusqu’aux avant-derniers chapitres, 17e et 18e, au cours desquels le détail des engrenages est complaisamment fourni autour d’une bouteille de rhum.
On en oublierait presque que Maigret, au cours de l’affaire, a été blessé, l’occasion pour Mme Maigret de le dorloter un peu dans les dernières pages.

dimanche 29 août 2010

Entre les romans de la rentrée, un "challenge Maigret"

Je n'ai jamais participé à ces "challenges" qui fleurissent ici et là dans les blogs. Je voyais récemment apparaître un challenge consistant à lire 1% de la rentrée littéraire - en se regroupant à plusieurs. Bof, j'espère bien lire au moins 70 romans de la rentrée à moi tout seul. (Je n'y aurai aucun mérite particulier, je ne fais que ça: lire.)
Mais je viens de découvrir un "challenge Maigret" qui me botte. C'est ici et je commence tout de suite. Il y aura douze autres romans au fil des semaines (soit 13 sur 75), dans l'ordre chronologique de parution.

Le goût de l'enfance
L'affaire Saint-Fiacre (1932)

Maigret se livre, dans L'affaire Saint-Fiacre, à une enquête très privée: il est né à Saint-Fiacre, son père a été régisseur du château pendant trente ans.
En retournant là-bas après avoir reçu un billet qui annonce un crime pendant la première messe du Jour des Morts, il retrouve les lieux de son enfance et des visages... qui ont vieilli comme le sien. Tout lui est à la fois familier et lointain, comme cette Marie Tatin qui tient l'unique auberge: La petite fille qui louchait, comme on l'appelait jadis! Une petite fille malingre qui était devenue une vieille fille encore plus maigre. Et qui ne parvient plus à le tutoyer comme autrefois...
Il assiste à la messe parmi une assemblée clairsemée: rien ne se passe. Puis, tout le monde s'en va, sauf la comtesse de Saint-Fiacre... qui est morte. Sans violence apparente, d'un arrêt cardiaque, affirme le médecin, qui la savait fragile. Il ne peut donc y avoir ni crime, ni assassin. Malgré le nombre de ceux qui auraient eu de bonnes raisons de précipiter la disparition de la châtelaine.
D'ailleurs, Maigret retrouve, dans le missel de la paroissienne décédée, une fausse coupure de presse relatant un scandale et dont la lecture a dû être fatale. Est-ce suffisant pour inculper le coupable de cette farce macabre? A l'évidence, le commissaire ne le pense pas.
Mais - c'est chez lui une seconde nature dès lors qu'un grain de sable a enrayé la machine sociale - il fouine, interroge, cherche à comprendre. Entre le décès et l'enterrement de la comtesse, il aura le temps de se faire une idée précise du rôle de chacun dans les événements. Sans mandat, sans réelle intention de coincer le responsable. Plutôt pour remettre de l'ordre dans ce fouillis, au risque de déranger tout le monde - ce dont il se moque bien.
Lors d'une scène peu banale sous la plume de Simenon, tous les suspects se trouvent réunis, à manger et à boire (d'abondance) au château où repose, à l'étage, le corps de la «victime». Maurice de Saint-Fiacre, son fils, pose un revolver au milieu de la table ronde et annonce que l'«assassin» mourra à minuit. Le décor est spectral, l'atmosphère lourde. Minuit sonne... un coup de feu ! On n'est pas habitué à ce type de réunion en présence de Maigret qui, néanmoins, y assiste avec placidité.
C'est assez artificiel. Si l'auteur y a mis une intention parodique, elle est sans effet. Et le goût de l'enfance, qui avait donné son charme à la première partie du roman, nous est complètement passé.