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jeudi 2 mai 2019

Marc Levy sur la Cinquième Avenue (et en poche)

Marc Levy brouille les pistes dans son dernier (plus pour longtemps). Le titre, Une fille comme elle, désigne un personnage féminin. Disons tout de suite qu’elle s’appelle Chloé et gardons, comme l’auteur, le reste pour plus tard. Entre les chapitres, un dessin montre à quoi correspond ce dont on parle (Marc Levy n’a pas confiance dans l’imagination de ses lecteurs) et le premier représente un immeuble tout en hauteur de huit étages. Mais le personnage le plus attachant n’est ni l’immeuble, le N° 12 de la Cinquième Avenue à New York, ni Chloé. Plutôt Deepack, le liftier indien qui conduit avec doigté un vieil ascenseur capricieux comme il convient à son grand âge. On laissera aux lecteurs de Marc Levy le plaisir de découvrir cet homme, en même temps que Lali, son épouse digne de lui.
Chloé est une énigme : elle commence à tenir son journal dont le début est aussi celui du roman. Elle l’écrit, apprendra-t-on, en cachette de son père « parce qu’un journal est un jardin secret, voilà tout. » On reconnaît bien là le style d’un romancier qui n’a jamais craint les clichés, se disant qu’il était en mesure de leur redonner l’éclat du neuf. Cela fonctionne cependant moins bien que les coups de chiffon doux donnés par Deepack à la manette en cuivre de l’ascenseur.
Le mystère de Chloé est, croit-on, rapidement percé : elle avait des jambes, sur lesquelles elle courait allègrement, elle n’en a plus. Amputée sous les genoux, elle se trouve d’ailleurs, dans les premières pages, à l’hôpital. Pour savoir ce qui lui est arrivé, on a le choix. Ou bien on se laisse glisser paresseusement jusqu’au moment de la révélation, au dernier mot du livre. Ou bien on joue le jeu d’un lecteur de romans policiers comme Rivera, le collègue de Deepack qui le relève du soir au matin : « dénouer l’enquête avant le flic ». Il y a bien un flic dans cette histoire, mais sur une voie annexe au récit principal et il mène une enquête à laquelle lui-même ne croit pas plus que nous. Quant à la solution, elle est venue à l’esprit bien avant la fin, comme une évidence – ou comme la sortie trop visible d’un labyrinthe que son concepteur pensait avoir rendu complexe.
Deepack a un neveu, Sanji, venu de Mumbai pour financer le développement d’une plate-forme sociale plus apte que Facebook à nouer des liens entre des personnes qui n’étaient pas faites pour se rencontrer. Suite à des coïncidences et des péripéties que vous découvrirez au fur et à mesure, Sanji et Chloé se rapprochent – en l’absence de toute plate-forme sociale, et alors qu’ils n’étaient pas non plus faits pour se rencontrer. Ainsi va le destin des personnages dans un roman d’été digne de ce nom, conçu pour mettre du baume au cœur des lectrices et lecteurs désemparés par le monde qui les entoure.
L’ambition littéraire de Marc Lévy est minimale, en particulier si on compare Une fille comme elle à un des plus célèbres romans situés dans les appartements d’un immeuble : La vie mode d’emploi, de Georges Perec. Il y a, dans les deux livres, une sorte de vue en coupe dans laquelle nous voyons à quoi s’occupent des personnages très différents les uns des autres mais que rapproche la géographie des lieux. Ensuite, il appartient à l’auteur de les mettre en relation, de les faire coexister, de leur donner une épaisseur digne de remplir la fameuse vue en coupe. C’est l’exercice virtuose auquel se livre, selon des combinaisons subtiles, Georges Perec. C’est celui auquel ne se hasarde pas Marc Lévy dont l’axe romanesque est la ligne droite d’une cage d’ascenseur. On ne lui reprochera pas d’imposer à ses fans un travail de déchiffrement auquel ils ne s’adonneraient peut-être pas volontiers.
Sur une échelle (subjective) des valeurs dont on aurait enlevé Georges Perec, hors catégorie, pour ne garder que les autres romans de Marc Levy, considérons que celui-ci a fait un peu mieux que la fois précédente (La dernière des Stanfield). Tout est relatif.

samedi 26 mai 2018

Marc Levy en 2017, un faible millésime


Près de 450 pages ne suffisent pas à digérer le prénom donné par Marc Levy à l’héroïne de son roman : La dernière des Stanfield, bien que Donovan par son nom de famille, s’appelle Eleanor-Rigby. Onze chapitres plus loin, le lecteur rencontre, à la même époque (octobre 2016) mais au Québec alors qu’on était à Londres, George-Harrison Collins. Celui-ci subit le ridicule de son prénom depuis l’école, sans comprendre pourquoi il le porte : « Le plus étrange, c’est que nous n’écoutions même pas les Beatles à la maison, ma mère était plutôt Rolling Stones. » Echo à la première page, où Eleanor-Rigby expliquait avec conviction : « dans les années 1960, les fans de musique rock se divisaient en deux groupes. Rolling Stones ou Beatles ; pour une raison qui m’échappe, il était inconcevable d’apprécier les deux. » Les notes superflues de bas de page sont intégrées au texte. Cela ne les rend pas moins superflues. Cela n’allège pas non plus un style pesant.
Mais un Guillaume Musso ne suffisant pas à faire le printemps de la librairie, il faut bien qu’après Un appartement à Paris surgisse le nouveau Marc Levy, son alter ego dans le cœur fragile des lectrices et lecteurs de best-sellers, à chaque fois remué par l’imagination des deux auteurs à succès, à chaque fois séduit par l’absence de style qui les caractérise. A propos du style, inutile d’en faire des tonnes : personne ne lit Marc Levy (ou Guillaume Musso) en espérant y trouver la quintessence de la littérature d’aujourd’hui. Quelques efforts pour relever le niveau d’une platitude presque parfaite seraient néanmoins appréciés.
Tant qu’à faire, l’imagination pourrait être elle aussi mise au service d’une plus grande vraisemblance. Eleanor-Rigby (non, on ne s’y fait pas) a reçu, dans le premier chapitre, une lettre manuscrite et anonyme évoquant les mystères de la vie de sa mère, et le « forfait magistral, commis il y a trente-cinq ans » par celle-ci. Il faudra attendre le chapitre 14, avant lequel Eleanor-Rigby est la narratrice de six autres chapitres, pour qu’elle pense à regarder le timbre sur l’enveloppe. « J’aurais été une piètre détective ; comment n’y avais-je pas pensé plus tôt ? » En effet, « comment cela m’avait-il échappé ? » Le romancier reprend, afin que cela ne nous échappe pas, à nous qui ne pouvons être aussi piètre détective que son héroïne, mais la confiance de l’écrivain en son lecteur n’est pas sans failles, les répétitions en sont la preuve.
Tout cela ne nous dit pas de quoi il retourne, et au fond il vaut mieux ne pas trop en révéler, le récit étant bien la seule raison pour laquelle on peut avoir envie d’aller jusqu’au bout de ce livre. Une narration filandreuse conduit en mouvements paresseux de 2016 aux années 1980 et jusqu’à la Seconde Guerre mondiale. Les événements s’imbriquent et s’expliquent, les secrets des meilleures familles ne sont pas plus jolis que ceux des milieux modestes. Encore qu’il ne faut pas compter sur Marc Levy pour nous expliquer de quoi ces milieux modestes sont capables, ils n’entrent pas dans son champ de vision. Chez ceux dont il nous parle, il n’y a pas de maisons, il y a des demeures. Demeures victimes, parfois, de revers de fortune, mais quel est le propriétaire qui ne se trouve, un jour ou l’autre, dans la gêne ? Heureusement, il aura mis de côté des titres ou des toiles de maître susceptibles de le tirer d’affaire jusqu’au prochain coup gagnant.
Marc Levy joue sur du velours, sous les apparences cossues dont il reste toujours des traces même lorsque la splendeur s’est évanouie. Certes, ses personnages contemporains, Eleanor-Rigby et George-Harrison (prénoms toujours aussi difficiles à écrire), ont des professions « normales ». Elle est journaliste de voyages, il est menuisier, vaguement spécialisé dans le faux mobilier ancien. Mais ils agissent comme s’ils étaient protégés par un passé qui leur fournirait une sorte d’immunité par rapport aux ennuis communs.
Bon, c’est Marc Levy, pourquoi fait-on mine d’être surpris par cette médiocrité ?

P.S. Je sais, je sais, un nouveau roman est sorti depuis. Mais une érédition au format de poche est toujours bonne (ou non) à prendre...

jeudi 15 septembre 2016

Prix du Style, c'est le jury qui est drôle

Les Goncourt ayant coopté Eric-Emmanuel Schmitt, qui marqua du sceau de ses visions antiques les épreuves d'athlétisme des Jeux olympiques de Rio, les autres jurys sont bien décidés à tout oser (et non, je ne reviendrai pas à ceux qu'on reconnaît parce qu'ils osent tout).
Donc, deux nouveaux jurés, apprends-je par Livres Hebdo, ont rejoint la fine équipe qui attribuera, le 22 novembre, le Prix du Style. Le moins qu'on puisse dire d'eux, c'est qu'ils sont d'authentiques spécialistes du sujet, des fines gâchettes de l'écriture, des trapézistes de la phrase volante, voire même d'audacieux précurseurs. Je salue l'entrée de, et je nomme (écoutez les roulements de tambour, j'ai hésité à écrire tambours mais un seul suffira)... Tristane Banon et Marc Levy. (On les applaudit bien fort.)
Voilà qui a de la gueule, non?
Toujours est-il que leur première sélection est la suivante (la seconde sera annoncée le 17 octobre):
  • Vincent Borel, Fraternels (Sabine Wespieser)
  • Jérôme Chantreau, Avant que naisse la forêt (Les Escales)
  • Négar Djavadi, Désorientale (Liana Levi)
  • Gaël Faye, Petit pays (Grasset)
  • Philippe Forest, Crue (Gallimard)
  • Valentine Goby, Un Paquebot dans les arbres (Actes Sud)
  • Maëlle Guillaud, Lucie ou la vocation (Héloïse d'Ormesson)
  • Serge Joncour, Repose-toi sur moi (Flammarion)
  • Luc Lang, Au commencement du Septième jour (Stock)
  • Andreï Makine, L'Archipel d'une autre vie (Seuil)
  • Véronique Ovaldé, Soyez imprudents les enfants (Flammarion)
  • Sylvain Prudhomme, Légende (Gallimard)
  • Antoine Rault, La Danse des vivants (Albin Michel)
  • Alexandre Seurat, L'Administrateur provisoire (Le Rouergue)
  • Arnaud Sagnard, Bronson (Stock)
  • Karine Tuil, L'Insouciance (Gallimard)
  • Éric Vuillard, 14 juillet (Actes Sud)

dimanche 22 mai 2016

Inutile de lire ça cet été 1. Marc Levy

Les chemins les plus improbables sont ceux que préfère Marc Levy. Ses lectrices et ses lecteurs aussi, probablement, puisque son dix-septième roman, L’horizon à l’envers était appelé à rejoindre les précédents dans la catégorie poids lourds du succès. Pourquoi ? La question est embarrassante tant, d’un livre à l’autre, les mêmes schémas se répètent.
Au début et à la fin, il y a une histoire d’amour. Entre les deux, elle est contrariée et c’est là que le récit emprunte des voies de traverse pour regagner la lumière après avoir sombré dans les profondeurs du désespoir. Marc Levy semble parfois se demander comment il va s’en sortir, ou plutôt en sortir ses personnages. Et, hop ! un coup de théâtre, sur la vraisemblance duquel il est préférable de ne pas s’interroger, remet en place les pièces dispersées du puzzle.
Josh et Hope se tournent autour comme on se flaire, avec prudence, et rivalisent d’ironie pour ne pas s’avouer leur attirance réciproque. Les deux étudiants en neurosciences finiront par se rendre à l’évidence, ils sont faits l’un pour l’autre. Luke, le meilleur ami de Josh, a aidé celui-ci à en prendre conscience, avec une belle abnégation puisque Hope était loin de le laisser indifférent.
Le jeune couple pose un léger problème d’organisation aux recherches que conduisent Josh et Luke au sein d’une organisation qui finance leurs études et leur offre en outre la possibilité d’explorer, dans le plus grand secret, des hypothèses scientifiques audacieuses : « Rien n’est plus imminent que l’impossible », affirme l’adage inscrit sur les murs des salles de repos de Longview.
Et le romancier de s’engouffrer dans la brèche ouverte vers un futur qui adviendrait presque tout de suite. Hope souffre d’une tumeur au cerveau rebelle aux traitements chirurgicaux et chimiques ? Pas grave ! (Enfin, c’est une manière de parler, car l’atmosphère est quand même celle d’un drame.) Les deux garçons surdoués vont élargir le champ de leurs recherches, sauvegarder le contenu du cerveau de Hope, faire cryogéniser son corps et on lui réinstallera sa mémoire quand les progrès de la médecine auront permis de se jouer du cancer. Pas plus compliqué que de sauvegarder une configuration d’ordinateur sur une clé USB ? Si, un peu, car les interactions entre les réseaux de neurones artificiels et les circuits électroniques supposent une maîtrise à l’explication de laquelle Marc Levy passe beaucoup de temps. (Et on le croit volontiers quand il avoue, en note, que son niveau en neurosciences n’est pas fameux, même après l’écriture du livre.)
Jules Verne est appelé en renfort, mais l’imminent prend malgré tout quarante ans avant de se produire, accompagné du coup de théâtre nécessaire à ce que devient la deuxième partie du roman.
Le scénario fonctionne pour ce qu’il est : un montage entre idylle et science, les passerelles entre les deux étant cependant fragiles et menaçant à chaque instant de se rompre pour peu que le lecteur ne se contente pas de suivre sans se poser de questions. Mais admettons.
Les faiblesses les plus visibles de Marc Levy sont ailleurs. D’abord dans la platitude d’une écriture dont il n’a, c’est vrai, jamais essayé de faire autre chose que le support des histoires qu’il nous raconte, et on serait bien sot, par conséquent, d’en espérer autre chose. Ensuite et surtout dans la manière dont les personnages surjouent leur rôle, et le mot « rôle » est évidemment un problème, car tout cela manque d’incarnation, et donc de crédibilité.
Je est décidément bien un autre, se dira-t-on en refermant le livre. La charge poétique en moins, dans le cas de L’horizon à l’envers.

samedi 21 mars 2015

Salon du Livre, les écrivains sont de sortie

Porte de Versailles, à Paris, les visiteurs se dirigent vers le pavillon où on a enfermé des écrivains pour quelques jours. Ils sont affalés derrière des piles de leurs derniers livres, grignotent un sandwich entre deux soupirs, avalent discrètement une gorgée de vin. Les politiciens ne viennent pas leurs tâter la croupe, comme ils le font aux vaches du Salon de l’Agriculture. Mais presque… En tout cas, on sort les auteurs des placards où ils ruminent leurs mots et, l’espace d’une manifestation qui n’a pas que ses défenseurs, on en parle.
Mais s’agit-il de littérature ? François Bégaudeau et Iegor Gran, qui viennent tous deux de publier des romans où il est question de la vie des écrivains, en doutent dans L’Obs de cette semaine qui les a rassemblés. « Ce n’est pas une expérience agréable », dit Gran, tandis que Bégaudeau nuance : « C’est amusant à regarder, cette grande foire. »
La presse rivalise d’inventivité – ou de redites – pour marquer l’événement. Jeudi, le Figaro littéraire publiait un sondage « exclusif » qui, avant l’échéance électorale de dimanche, était pour une fois étranger à tout ce qui porte des sigles en guise de noms (UMP, PS, FN, UMPS, FNPS, on en oublie). Il s’agissait de savoir quels sont les écrivains préférés des Français.
Sans grande surprise, chez nos contemporains, c’est un des auteurs aux plus gros tirages qui a été choisi : Marc Levy. Il se dit « à la fois très ému, touché, surpris et heureux. » Son principal concurrent en chiffres de ventes, Guillaume Musso, n’arrive qu’en troisième position, précédé par l’inoxydable Jean d’Ormesson – qui entre le mois prochain dans la Bibliothèque de la Pléiade. Et puis, on trouve Max Gallo, Amélie Nothomb, Michel Houellebecq, Fred Vargas, etc. Le Figaro a aussi sondé les Français sur leurs écrivains classiques préférés. Victor Hugo garde la prééminence, d’une courte tête devant Marcel Pagnol que suivent Jules Verne, Emile Zola, Guy de Maupassant… Victor Hugo a préféré ne pas réagir, ou aucune table tournante n’a pu être trouvée pour entrer en communication avec lui.
Depuis 1987, Libération demande à des écrivains de rédiger le journal du jour précédant l’ouverture du Salon du Livre. Ils sont 37 à s’y être collé cette année. Aucun d’entre eux n’est dans la liste des écrivains préférés des Français. Aucun d’entre eux ne s’attendait non plus à la brutalité de ce qui allait survenir dans l’après-midi de mercredi : l’assaut, par un commando terroriste, du musée du Bardo à Tunis. C’est là où l’écrivain se révèle journaliste. D’autant plus aisément qu’il l’est parfois, comme l’Algérien Kamel Daoud. Leila Slimani, qui a écrit un roman nymphomaniaque (Dans le jardin de l’ogre), l’est aussi. Et Olivier Guez, le seul des trois à n’être pas originaire d’Afrique du Nord. L’actualité brûlante est pour eux et ils s’en sortent bien.
Mieux, en tout cas, que Sylvie Granotier, empêtrée dans une rencontre imprévue avec le ministre de l’Intérieur de passage dans les locaux de Libération (qui sont, depuis la reparution de Charlie Hebdo, l’abri provisoire de l’équipe réalisant cet hebdomadaire) – mais c’est souvent drôle quand les choses fonctionnent moins bien que prévu, et c’est le cas.

Oui, les écrivains sont de sortie. Pas trop longtemps : ils ont des livres à écrire !
Et, si vous avez l'ambition de réussir une carrière littéraire, un Manuel du plus que parfait arriviste littéraire est paru il y a quelques jours, qui semble avoir été écrit pour vous... il y a cent ans et des poussières.

samedi 7 février 2015

Marc Levy, en attendant Guillaume Musso

Pour les lectrices et lecteurs lents, le timing est parfait: le nouveau roman de Marc Levy est paru jeudi, le prochain de Guillaume Musso (son concurrent ou son complément, c'est selon) n'est pas attendu avant le 22 mars. Voilà qui laisse le temps nécessaire à la dégustation, à l'infusion et même aux prolongations si l'on veut.
Je veux bien reconnaître qu'il était temps, un mois après, de passer à autre chose qu'à Soumission, de Michel Houellebecq, dont je n'ai pas eu le courage de vous parler - vous vous souvenez peut-être qu'il s'est passé autre chose le jour de sa sortie. Courageux et professionnel, j'ai donc lu Elle et lui (ce ne sont pas deux magazines, ça?), et pas seulement la page 99 ainsi que le font certains pour bâcler le travail. De la page de titre à l'achevé d'imprimer, au cas où il y aurait eu une plage cachée, comme sur certains disques dont on n'atteint le terme qu'après un long moment de silence.
Vous souvenez-vous de l'an 2000? On avait franchi le cap du bug du millénaire, les tours du World Trade Center étaient toujours debout et ne semblaient menacées en rien, les discussions les plus acharnées voyaient se déchirer les meilleurs amis du monde pour savoir si l'on était déjà, ou non, dans le XXIe siècle. Et Marc Levy sortait son premier roman, Et si c'était vrai... Un invraisemblable conte de fées, dont on allait retrouver les principaux protagonistes, pour les lecteurs fidèles du moins, cinq ans plus tard dans Vous revoir. Et devinez qui revient frapper chez vous par l'intermédiaire de votre libraire préféré ou de votre grande surface abhorrée (depuis que vous avez lu Annie Ernaux)? Les mêmes, ou à peu près, parce qu'on ne lâche pas des personnages auxquels on s'attache, n'est-ce pas?
Marc Levy aime ses personnages, il ne s'en cache pas, chaque page le prouve. En particulier Paul, cet architecte américain devenu écrivain dans l'intervalle plus long que le romancier nous a laissé pour avoir le temps de réfléchir au destin, à ses caprices et à la manière de les mettre en scène.
Le premier roman de Paul a très bien marché, surtout dans un espace géographique restreint: dans les jours qui suivent sa publication, il ne cesse de rencontrer des gens qui le lisent, qui l'ont lu, qui l'ont à la main, bref, il est partout et n'en peut plus de voir son intimité, ou plutôt celle de ses meilleurs amis, puisqu'il avait raconté leur histoire, sous les yeux de tout le monde et n'importe qui.
Donc, Paul s'est exilé. Je ne vous ai pas dit qu'il habitait San Francisco? Bon, ce n'est pas grave puisqu'il est maintenant installé à Paris dont les charmes lui paraissaient, de loin, inépuisables, et qu'il continue à écrire. Avec un succès très relatif, sauf en Corée du Sud où chacun de ses romans est un best-seller pour des raisons incompréhensibles, au moins jusqu'au voyage qu'il fera là-bas.
Le texte est émaillé de pensées fortes, en particulier du côté de Mia, une actrice britannique en rupture d'amour qui trouve, même si elle ne raconte à peu près que des mensonges, une oreille attentive chez cet Américain de Paris.
Quelque chose en elle était en train de changer, elle aimait cette voix intérieure qui la poussait à s'affirmer.
Relisez lentement: le moment est essentiel pour la compréhension de la psychologie du personnage. Parce que, entre Paul et Mia, les meilleurs amis du monde et rien que des amis, la situation va se modifier et il est nécessaire de gravir chaque marche de leur évolution séparée et commune (oui, oui) jusqu'à l'acmé de leur relation:
À l'étreinte furieuse se mêlaient aussi leurs souffles exaltés, jusqu'à ce que les forces leur manquent et qu'ils s'endorment dans la moiteur des draps.
Ce n'est pas beau, ça? Même si, reconnaissez-le, vous vous doutiez qu'il fallait en passer par là.
C'est bientôt fini? Oui. Malgré un retournement spectaculaire, après le voyage coréen, dans la carrière d'écrivain de Paul. Poussé par l'irrépressible volonté d'ôter le masque derrière lequel il ignorait qu'il était caché (vous ne voyez pas ce que je veux dire? normal, vous n'avez pas encore lu), il écrit un livre d'un tout autre genre qui lui vaut enfin la reconnaissance d'un prix littéraire, le Médicis étranger.
Et si c'était vrai que Marc Levy allait écrire, dès la prochaine fois, d'une manière totalement différente?
Je m'égare. restons-en là.

samedi 27 décembre 2014

Bilan 2014 : bof ! ou presque

© Frankie Fouganthin
Avouons-le : quand on lit en français, on se sent plus proche d’un écrivain qui utilise la même langue et le sacre d’un Patrick Modiano (notre photo) par le Nobel, comme celui d’un Le Clézio il y a huit ans, a tout pour nous réjouir. Surtout quand l’œuvre est à la hauteur de la récompense, comme c’est le cas pour l’un et l’autre. Modiano, c’est un univers romanesque construit dans le brouillard, dans lequel on se perd parfois, mais avec délices. De nombreux détails concrets rendent le Paris des années d’occupation aussi proche que si nous y avions vécu, en même temps que les pistes ouvertes dans les fausses enquêtes constituant souvent la trame romanesque se dissolvent. Toute l’ambiguïté de son art est dans la distance qu’il place entre des narrateurs, qui lui ressemblent sans être vraiment lui-même, et d’autres personnages dont les silhouettes se précisent et s’estompent dans un seul mouvement. L’écriture est souveraine, elle est la valeur suprême sans laquelle il n’y a pas de création littéraire. Le succès public du nouveau roman de Modiano, Pour que tu ne te perdes pas dans le quartier, est donc très réjouissant.
Pourtant, les fausses valeurs dominent, et de loin, les classements des meilleures ventes. L’année a commencé avec un élan d’enthousiasme, dont on se demande encore ce qui le justifiait, pour le premier roman d’Edouard Louis, En finir avec Eddy Bellegueule. Ou comment réussir à affirmer son homosexualité dans un milieu provincial qui n’est pas prêt à l’accepter. Le sujet et les prises de position fracassantes de l’auteur ont fait oublier la facture médiocre de l’ouvrage, porté aux nues et devenu emblématique. Un sujet d’étonnement, au moins.
Moins étonnant est le succès, devenu habituel, des auteurs qui publient, comme des métronomes, un nouveau livre au printemps, leur assurant une vie confortable jusqu’aux migrations d’été vers les plages. Il s’agit de Guillaume Musso (Central Park) et de Marc Levy (Une autre idée du bonheur), abonnés aux gros tirages. Mais ils ont été, cette année, rejoints, parfois même dépassés, par les trois volumes dans lesquels Katherine Pancol a étiré Muchachas, roman dont nous aurions pu nous passer aussi facilement que ceux de Musso ou Levy.
L’été septentrional passé, nous allions, pensions-nous, renouer avec des ouvrages plus proches de l’idéal littéraire que chacun nourrit, plus ou moins consciemment, au plus profond de soi. D’ailleurs, la rentrée avait bien commencé, avec le volumineux et ambitieux roman d’Emmanuel Carrère, Le Royaume, où la fondation du christianisme était évoquée de manière bien plus fine et intelligente que dans des productions à grand spectacle dont Hollywood a le secret.
Mais personne, ou presque, n’avait vu venir Valérie Trierweiler et son livre en forme de règlement de comptes avec un président infidèle. Merci pour ce moment est devenu un incompréhensible phénomène de société. Quoique, en réfléchissant un peu, il est aisé de constater que le livre prolonge, selon la même logique du voyeurisme à succès, la ruée vers Closer quand ce magazine à la réputation construite sur les « paparazzades » avait publié, en janvier, les premières photos de François Hollande et de Julie Gayet.
On n’avait pas trop vu venir non plus l’emballement autour du nouvel essai d’Eric Zemmour, Le suicide français. Quoique, même sans réfléchir, il est aisé de voir quelle direction l’opinion publique a prise dans ce pays.
Faut-il pour autant désespérer ? Non. La littérature, à laquelle n’appartiennent pas les derniers livres cités, n’est pas morte. Le Goncourt à Lydie Salvayre pour Pas pleurer redonne foi dans la lecture de qualité.

vendredi 2 mai 2014

Ça fait mal...

Comme chaque semaine, Livres Hebdo met à jour ses listes de meilleures ventes. Cette semaine, rien ne change puisque tout change. Les cinq livres en tête de liste sont signés 1. Marc Levy; 2. Guillaume Musso; 3. Marc Levy; 4. Guillaume Musso; 5. Katherine Pancol.
Mais qu'avons-nous fait pour mériter ça?
Car, si je n'ai pas lu les nouveautés nouvelles de ces producteurs à la chaîne (dans l'ordre, Une autre idée du bonheur, Central Park et Muchachas 2), je me suis quand même appuyé, de la première à la dernière ligne (et je me demande un peu pourquoi, mais je renonce à chercher une autre explication que le facile: on ne se refait pas), leurs nouveautés anciennes. Soit les rééditions au format de poche des romans de Marc Levy (Un sentiment plus fort que la peur - si vous vous demandez quel est ce sentiment, voici la réponse: le courage) et de Guillaume Musso, Demain (de quoi sera-t-il fait?) et le premier volume affligeant de la trilogie romanesque de la dame Pancol.
Bien sûr, les gens lisent ce qu'ils veulent et achètent de même.
Malgré tout, je m'inquiète: plus c'est pareil aux livres précédents, mieux ça marche?
Il serait donc là, le secret?

mercredi 15 janvier 2014

Des livres par camions : les meilleures ventes de 2013

Si cela a un intérêt, je m'arrête un instant sur les chiffres que GfK a communiqués hier dans son Top 50 des meilleures ventes de livres en 2013. Sébastien Rouault, chef du groupe livres chez GfK, semble admirer le dynamisme du secteur - par "secteur", il faut entendre les cinquante meilleures ventes et rien d'autre. Elles représentent 14,2 millions d'exemplaires en 2013 contre 12 l'année précédente et la hausse du chiffre d'affaires est comparable: 183 millions d'euros contre 162.
Mais que la vie est belle et comme tout va bien! Le livre reste donc un créneau porteur et sa santé est loin d'être chancelante, comme s'en inquiètent quelques alarmistes!
Le livre? Non: le best-seller, espèce transgénique poussée au gigantisme et à l'enflure, où les spécialistes du "marché" ne se préoccupent en rien du goût et ne s'intéressent qu'à la quantité. Si cela vous rappelle d'autres pans du commerce, vous ne vous êtes pas trompé. Pendant ce temps, personne ne nous dira comment se portent de plus humbles artisans appliqués à donner le meilleur d'eux-mêmes.
Car enfin, que nous sert-on, dans cette mirifique liste?
Un énorme Astérix chez les Pictes, vendu à.... (Non, je n'ose même pas le dire, allez voir les chiffres dans le document original.) Une honnête suite des aventures gauloises dont on se demande s'il était nécessaire de s'écraser les pieds dans les boutiques (je n'ose pas trop non plus parler de librairies) pour en acheter, parfois en pièces détachées comme aux pires moments des soldes quand on s'arrache les bonnes affaires, 1.634.490 exemplaires. Bon, je l'ai lâché. J'avais même parlé de l'album, pour ne pas en dire de mal, d'ailleurs, mais je concluais sur ce que représentait vraiment cette publication: une extraordinaire machine à cash. Et cela sans boule de cristal, admirez l'artiste!
On trouve ensuite, mon dieu! mon dieu! les trois inoubliables volumes de Cinquante nuances de Grey et ses suites. Ne reculant devant aucun sacrifice, j'avais lu le premier. Ne comptez pas sur moi pour les autres. Maso un peu mais pas trop. Je ne comprends pas ce qu'on peut trouver d'émoustillant dans la construction ou l'écriture telles que les pratique l'inénarrable E.L. James, que l'on croirait sortie d'une émission de variétés genre Nouvelle Star, ou appelez-la comme vous voulez, dans laquelle on aurait accepté, probablement suite à une erreur de casting, une... euh... une... bon, disons écrivaine. (On ne dit dans l'oreillette que le côté émoustillant n'était pas à chercher dans l'écriture mais dans les scènes érotiques - désolé, je n'ai pas été émoustillé non plus.)
Et puis, et puis... le Dan Brown de l'année, Inferno, que j'avais commencé à lire en anglais, plutôt séduit, et que j'ai terminé en français, beaucoup moins convaincu.
J'ajoute, en 7e, 9e, 13e et 14e place de ce classement qui commence à me sortir par les oreilles, les quatre romans annuels (deux en grand format, deux rééditions en poche) des frères ennemis du best-seller français fabriqué sur mesure au printemps pour être emporté sur les plages l'été, j'ai nommé, vous les avez reconnus, Guillaume Musso et Marc Levy, que j'avais malicieusement (puisqu'il faut bien un peu de légèreté dans ce monde du pavé) associés lors de la sortie presque commune de leur annuelle nouveauté sans rien de neuf en 2012, ce qu'il n'est pas insolite de rappeler maintenant puisque ces deux originaux sans rien d'original sont les poches parus en 2013, ceux qui se retrouvent donc dans la superbe liste de GfK.
Rien à sauver, donc, au royaume du best-seller? Mais si, mais si...
Le prix Goncourt de Pierre Lemaitre, Au revoir là-haut, n'est sans doute pas le roman qui va révolutionner la littérature, mais ce n'était pas le but et c'est une lecture solide (10e dans le classement), quoi qu'en pensent d'autres commentateurs - les mêmes, généralement, qui ont dit le plus grand mal du roman de Joël Dicker, La vérité sur l'affaire Harry Quebert, encore 18e en 2013 alors qu'il est sorti l'année précédente. Je vous renvoie à la note que j'avais publié le jour où il a reçu le Grand Prix du roman de l'Académie française.
La longue durée, c'est un peu la spécialité du format de poche qui redonne vie à des titres de Gilles Legardinier, Michel Bussi, Grégoire Delacourt, Jonas Jonasson, Delphine de Vigan, Victoria Hislop ou Hélène Grémillon. Voire Boris Vian, grâce au film, ou David Foenkinos, grâce au film aussi, hélas!
Je note quand même, car il ne faut pas jeter les 50 best-sellers de 2013 avec l'eau du bain de la prochaine rentrée littéraire, que Michel Serres et Antoine Compagnon se sont introduits (par effraction?) dans cette liste, le premier avec Petite Poucette, le second avec Un été avec Montaigne - ce qui fait beaucoup d'avec en une seule phrase, mais je ne suis pas responsable de tous.
Et je termine sur une note optimiste, avec grâce à la 25e place de Romain Puèrtolas, dont L'extraordinaire voyage du fakir qui était resté coincé dans une armoire Ikea a été une des belles révélations de l'automne dernier, même s'il est sorti en août, le jour où je vous proposais un entretien avec son auteur.
Je n'ai pas cité tous les titres, ceux-ci suffisent, me semble-t-il, à donner un aperçu du paysage rarement réjouissant, à quelques exceptions près, du monde du best-seller.

jeudi 17 janvier 2013

Erratum : Marc Levy avant Guillaume Musso

Hier, je m'étais avancé en supposant que le nouveau roman de Marc Levy paraîtrait un peu après celui de Guillaume Musso. Comment puis-je commettre des erreurs de cette dimension? Je sais qu'on ne me pardonnera pas mais je vais quand même essayer de remettre les pendules à l'heure.
Donc, disais-je, Demain, de Guillaume Musso, sort le 28 février. Et, ajouté-je aujourd'hui, Un sentiment plus fort que la peur, de Marc Levy, le précédera de deux semaines dans les librairies.
J'ajouterai même, puisque la maison ne recule devant aucun sacrifice, que le nouveau roman de Dan Brown, Inferno, sortira le 15 mai. Ce qui nous donne, avec ceux-là, quelques titres dont l'horoscope de la librairie prédit qu'ils se retrouveront en tête des meilleures ventes, accompagnant les trois fois cinquante nuances de quoi vous savez...
A propos de ces cinquante machins (riquiqui, quand on pense qu'Apollinaire avait recensé onze mille verges), je ne résiste pas non plus à signaler la sortie, le 28 janvier, de l'ouvrage collectif et prometteur Cinquante nuances de cul aux Editions Incultes, qui porteront bien leur nom.
Mais, mais... Savez-vous ce qui paraît en même temps que le nouveau, l'immense, l'incontournable Marc Levy? Un roman de Marie Ndiaye (Ladivine), le tome 2 des Oeuvres de Claude Simon en Pléiade et une enquête de Haruki Murakami sur l'attaque du métro de Tokyo au gaz sarin (Underground). Entre autres.
En même temps que Guillaume Musso, un autre poids lourd de la fiction internationale, Stephen King et son très attendu (en français) 22/11/63.
Bon, bon, et alors?
Choisissez vos lectures.
(Je n'ai pas toujours la possibilité de le faire, si vous saviez comme je vous envie parfois!)

vendredi 13 avril 2012

Le match du printemps : Marc Levy - Guillaume Musso

Au premier tour de l’élection de printemps, Marc Levy et Guillaume Musso n’ont qu’à faire une apparition dans les librairies pour emporter tous les suffrages. Sorti le 29 mars, Si c’était à refaire, du premier, s’est immédiatement porté en tête des meilleures ventes, remplacé la semaine suivante à cette place par 7 ans après…, du second, paru le 5 avril. Avec des tirages de départ comparables : 370.000 exemplaires pour Marc Levy (d’après Livres Hebdo), 400.000 pour Guillaume Musso (Le Parisien). Les volumes sont assez semblables, eux aussi : 421 et 400 pages. En revanche, pour la brièveté des chapitres, Musso est le maître : 65 et un épilogue, contre 24 « seulement » chez Levy.
C’est une des caractéristiques des auteurs populaires : ils ne laissent pas au lecteur le temps de souffler. Marc Levy pousse la technique à l’extrême. Phrases courtes à la construction incomplète, rythme haché, dialogues serrés. Guillaume Musso est plus classique, dans un balancement régulier presque hypnotique.
Encore faut-il, première condition pour retenir un lecteur qui cherche à l’évidence une distraction plutôt qu’une littérature exigeante, construire un récit à rebondissements.
Si c’était à refaire fonctionne sur un unique ressort principal : assassiné pendant qu’il fait son jogging, Andrew Stilman, journaliste au New York Times, se trouve projeté soixante-deux jours en arrière. Avant son deuxième voyage en Argentine sur la piste d’un tueur de la dictature. Avant son mariage qu’il a fait foirer le soir même de la cérémonie. Et, forcément, avant sa mort. « Andrew ne croyait pas à la réincarnation et encore moins en une résurrection qui lui aurait permis de revenir sur terre un quart d'heure avant sa mort. » Si lui-même n’y croit pas et qu’il est pourtant obligé d’admettre que sa vie s’est rembobinée, que voulez-vous que fasse le lecteur, sinon l’accepter aussi, au mépris de toute logique ? Le romancier utilise une arme imparable. Mais presque la même que dans des livres précédents, ce qui réduit son efficacité.
7 ans après… est un peu plus sournois, parce que tout ce qu’on croit savoir se démonte au fur et à mesure pour laisser la place à une réalité bien différente. Le scénario, dont je ne dirai rien pour laisser quand même un peu de plaisir à ceux qui aiment ça, pourrait se résumer en quatre lignes. Sur lesquelles le romancier plaque des fausses pistes désignées avec trop de complaisance pour être crédibles. Les personnages sont à la limite de la caricature : le père autoritaire, à ce point désireux de préparer un bel avenir à sa fille qu’il ne lui laisse aucun espace de liberté ; la mère volage, dont le fils – ils sont jumeaux – semble sur une mauvaise pente. Puis on voyage, autant pour résoudre une énigme que pour en arriver à une conclusion prévisible.
Il y a du mouvement dans les deux livres, mais chaque fois au départ de New York – fantasme du romancier français à succès qui se pose sur le terrain de la concurrence principale, le best-seller américain ? Le mouvement est cependant un peu vain et ne parvient pas à occuper l’espace.
Ceci dit, si les fans de ces écrivains m'exilaient, par mesure de rétorsion, sur une île déserte en me sommant de choisir l’un ou l’autre de leurs nouveaux romans, je pencherais quand même du côté de Marc Levy plutôt que de Guillaume Musso. Mais pas avant d’avoir envisagé le suicide.