jeudi 26 février 2009

Les livres des proches

C'est inévitable, quand on baigne depuis aussi longtemps que moi (je n'ose même pas dire combien de décennies) dans le milieu littéraire, quand on rencontre sans cesse des écrivains, d'avoir parfois à lire des livres signés par des personnes qu'on connaît bien - pas seulement signés, d'ailleurs, écrits aussi, car je fréquente peu les "peoples" qui font écrire par d'autres...
Là, je viens d'en lire deux le même jour. Sentiment étrange de renouer une conversation provisoirement interrompue, de retrouver quelqu'un autant que de découvrir un texte.

J'ai commencé par Nadine Monfils, à qui je suis fidèle depuis le début des années 80, quand j'avais été son premier véritable éditeur - elle n'avait auparavant publié qu'un ou deux recueils de poèmes à compte d'auteur. Les manuscrits que j'ai reçus à ce moment n'étaient pas parfaits. Mais ils sortaient d'un imaginaire riche et les images y étaient belles - piquantes, aussi, puisqu'il y était question de petites filles perverses bien que très peu réalistes. L'univers merveilleux de Nadine Monfils a grandi en même temps que l'écrivaine faisait son chemin entre polar et érotisme, publiant un peu partout. Et réalisant même en personne l'adaptation cinématographique d'un de ses romans, Madame Edouard.
Il y a deux ans, elle a reçu le prix Polar du salon Polar & Co de Cognac, pour Babylone dream.
Elle réinvite donc l'inspecteur Lynch, son adjoint Barn et la profileuse Nicki dans une nouvelle aventure, Tequila frappée. Une enquête tordue habitée par des personnages à la Magritte et quelques drôles d'individus. Cela s'ouvre sur l'explosion d'une maison et se termine presque par un coup de couteau. Entre les deux événements, il s'en passe de belles et de moins belles, tout pour plaire aux amateurs de thrillers.

Le deuxième écrivain du jour, William Bourton, en est avec Je plaisante à son premier roman. Il y a vingt ans, je n'aurais pas parié un ariary sur sa capacité à écrire un bon livre. Il était alors journaliste, dans le même quotidien que moi, mais s'occupait de matières qui étaient très éloignées de la littérature. Il a pourtant pris, petit à petit, et toujours dans la même rédaction, une dimension de plus en plus importante. Il a écrit des ouvrages sur la philosophie, un sur le western.
Puis ce roman...
Je peux vous le dire, j'étais très inquiet avant de l'ouvrir. Car enfin, il pouvait tout aussi bien être mauvais que bon. Franchement, cela m'aurait ennuyé, après la conversation que nous avions eue il y a quelques années sur le chemin qu'il avait fait, lui aussi, comme Nadine Monfils, bien que sur une autre voie.
Heureusement pour moi (et un peu pour lui aussi, car s'il avait été mauvais je l'aurais dit), c'est un livre brillant, et même mieux que cela.
D'autant plus qu'aux premiers mots - pardon, aux premières lignes, mais c'est un monologue -, j'avais craint le pire. Cela sentait le bavard qui allait casser les pieds de sa voisine, et du même coup les miens, pendant toute la durée d'un vol entre les Etats-Unis et l'Europe. Et puis, très vite, la mayonnaise prend, le personnage acquiert de la consistance. Plus encore: il séduit. Son vagabondage verbal, qui passe de la philosophie à son voyage en voiture sur le territoire américain, devient une aventure qu'on a plaisir à suivre jusqu'au coup de théâtre final.
Un romancier à découvrir, donc.

Pour finir sur ces deux-là que rien ne semble rapprocher en théorie, j'ajoute une double coïncidence. Dans leurs livres, Nadine Monfils et William Bourton parlent de tequila et, plus étrange encore, de la Fée Clochette. Mais où vont-ils chercher ça?

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