dimanche 28 juin 2009

Avec vue sur la rentrée littéraire (31) - Le Seuil

Puisque je viens de vous parler de Lydie Salvayre, voici dans la foulée la rentrée littéraire du Seuil, où elle se trouve aussi. Je reprends donc la suite interrompue des programmes du mois d'août et septembre, avec l'ambition de vous en donner le maximum, voire la quasi totalité, avant vendredi - et de brûler la politesse à Livres Hebdo qui sortira, ce jour-là, son numéro spécial rentrée.

Marc Augé, Quelqu'un cherche à vous retrouver (20 août)

Un prof, à peine à la retraite, se fait draguer par une jeune femme… «Elle lui planta son sourire dans les yeux. Les femmes les plus dangereuses, disait son oncle, sont les blondes aux yeux bruns et les brunes aux yeux bleus. Il connaissait, il reconnaissait ce sourire (mais où? mais quand?) et les toutes petites pattes d’oie qui accentuaient l’éclat moqueur, innocent et provocateur du regard clair. C’est alors que tout bascula. La pensée qu’elle jouait un peu trop bien les naïves ne l’eut pas plus tôt effleuré, qu’il l’entendit prononcer d’une voix un peu étouffée ces mots incroyables : “Monsieur Arnaud, il faut que je vous parle.”»

Marc Augé, ethnologue et écrivain, a publié au Seuil, dans «La Librairie du XXIe siècle», Domaines et Châteaux (1989), Non-lieux. Introduction à une anthropologie de la surmodernité (1992), La Guerre des rêves. Exercices d’ethnofiction (1995), Casablanca (2007) et Un métro revisité (2008).

Edem Awumey, Les pieds sales (20 août)

De sa petite enfance, Askia n’a conservé en mémoire qu’une image quasi biblique: son père, sa mère, un âne et lui, marchant sans fin dans la poussière. Il avait cinq ans. «Longtemps, nous avons été sur les routes, mon fils. Et partout, on nous a appelés les pieds sales. Si tu partais, tu comprendrais.» Répondant à cette injonction maternelle, Askia est parti à Paris où il est devenu chauffeur de taxi. Ses passagers qui l’épient dans le rétroviseur lui trouvent quelquefois une ressemblance frappante avec un certain «homme à turban» qui fut peut-être son père. Ce père qu’il recherche, Sidi Ben Sylla Mohammed, et que tout le monde croit avoir vu quelque part. L’auteur nous donne à déchiffrer les labyrinthes d’un Africain en France, confronté aux figures de l’Absence et de l’Exil.

Edem Awumey est un jeune écrivain togolais vivant actuellement au Québec. Âgé de 34 ans, il a publié un premier roman chez Gallimard, Port-Mélo (2006). Titulaire d’un doctorat en littérature francophone, il est aussi l’auteur d’un essai sur Tierno Monénembo.

Jocelyn Bonnerave, Nouveaux Indiens (20 août)

A., un jeune anthropologue français, débarque sur le campus d’une prestigieuse université californienne. Il est venu observer un professeur qui dispense à ses étudiants des théories très originales. Mais notre chercheur s’intéresse également à son environnement plus immédiat: on est en pleine campagne pour les présidentielles de 2004, le duel John Kerry-Georges W. Bush bat son plein. Il y a aussi de curieuses affiches placardées un peu partout sur le campus, à l’effigie d’une ravissante étudiante, Mary, morte dans des circonstances un peu troubles. Petit à petit, Mary va devenir le véritable sujet d’étude de A.: anorexique, elle menait aussi des recherches sur le cannibalisme de certaines peuplades indiennes d’Amérique du Sud. Avec Barry, son petit ami, elle avait même réalisé un documentaire. A. découvre finalement que les cannibales ne sont pas forcément ceux qu’on croit: en effet, Barry aurait tourné un snuff movie avec Mary dans le rôle du plat de résistance…

Jocelyn Bonnerave est né en 1977 dans la Marne. Il est anthropologue. Nouveaux Indiens est son premier roman.

Pavel Hak, Warax (20 août)

Warax est composé de cinq scènes qui se développent tout à tour. Tout d’abord, celui d’un magnat de l’armement, Ed Ted Warax, mégalomane cynique qui voit dans la guerre une source de profits à renouveler à tout prix. Il y a également «la meute», celle des clandestins: en quête d’une vie meilleure, ils réussissent à franchir le mur qui les sépare du pays fantasmé, à survivre à la traque policière puis à la mégalopole surpeuplée où l’homme est un loup pour l’homme. Parallèlement nous trouvons l’histoire d’un jeune «loup» sur le retour, qui se laisse prendre au piège du système médiatico-politique dont il essayait de tirer gloire et profit, le tout dans un climat panique d’épidémie qui gagne la ville. Enfin, s’ajoutent le récit d’une équipe de forces spéciales à la recherche d’armes de destruction massive, et celui d’un homme errant dans un monde apocalyptique.

Pavel Hak est né en 1962 en Bohême. Il est l’auteur de trois livres publiés chez Tristram: Safari (roman, 2001), Sniper (roman, 2002) et Lutte à mort (théâtre, 2004). Son dernier roman, Trans (Prix Wepler 2006), a paru au Seuil en 2006.

Eric Holder, Bella Ciao (20 août)

Après 33 ans de vie commune et deux enfants ensemble, Mylena met son homme à la porte. «J’en ai assez». Difficile de lui donner tort. «Je ne veux plus d’un homme soûl dans mon lit». On soupçonne pourtant que ces deux-là s’aiment encore. Pour conclure en beauté sa piètre vie, le narrateur décide de s’accorder une dernière cuite mémorable avant de se déshabiller et de se jeter nu dans l’Atlantique. Les noyades sont récurrentes chez Holder, mais cette fois il inverse le thème, l’homme étant sauvé «avec l’aide du courant de baïne». On est saisi par l’autoportrait si peu glorieux de ce type émergeant de l’eau à quatre pattes comme un chien fourbu, nouveau Robinson. Le matin, au comptoir, des amitiés sans chichis entraînent des propositions de boulot, comme autant de bouées de sauvetage. Notre romancier brisé se reconvertit dans les métiers manuels…

Eric Holder, 49 ans, est passé maître dans l’art du roman bref, brillant et ciselé. On se souvient de Mademoiselle Chambon, de L’Homme de chevet (deux livres dont les adaptations au cinéma sortiront cette année).

Vincent Message, Les veilleurs (20 août)

Un matin, Nexus, un jeune marginal, tue de sang froid, sans raison apparente, trois passants croisés dans une rue de Regson. Amnésique, condamné à perpétuité pour meurtre, Nexus fait la perplexité des psychiatres de la clinique Bentlam où il purge sa peine, et notamment du docteur Traumfreund. L’enquête sur la personnalité de Nexus est relancée lorsque Paulus Rilviero débarque à la clinique. Représentant de la police judiciaire, Rilviero a été chargé par Samuel Drake, le gouverneur de la région, d’enquêter sur un possible complot politique dont Nexus aurait été le bras armé: au nombre des victimes de ce dernier figure en effet Ania Waleska, une jeune sociologue polonaise qui était aussi la maîtresse de Drake: s’agit-il de déstabiliser le gouverneur à la veille d’une campagne électorale? Nexus affirme avoir agi à la suite de rêves qui l’auraient conduit à découvrir un monde parallèle. Le psychiatre conclut à une pathologie mentale. Traumfreund et Rilviero rendent compte de leurs conclusions au gouverneur Drake. Seul problème: eux-mêmes semblent désormais convaincus de l’existence de cet autre monde…

Vincent Message est né en 1983 à Paris. Les Veilleurs est son premier roman.

Pascal Quignard, La barque silencieuse (20 août)

La Barque silencieuse est comme Vie secrète (Gallimard, 1998). Il s’agit de la recherche d’un mode de vie, plus singulier, plus radical, plus profond, sans jugement, sans société, sans dieux. C’est une suite de contes. C’est une suite de petits romans, d’anecdotes historiques, de fragments biographiques (la mort de Madame de La Fayette, Ninon de Lenclos, Henriette d’Angleterre, Arria l’Aînée, Etienne de La Boétie…). C’est une suite d’étymologies (l’origine du mot corbillard, l’origine du mot liberté, de la négation, du mot vertu, du mot hiver…). Avec Dernier Royaume, Pascal Quignard a trouvé une forme littéraire nouvelle, il casse les genres, décloisonne les domaines et brouille les images.

Pascal Quignard est né en 1948 à Verneuil-sur-Avre (France). Il est romancier (Le Salon du Wurtemberg, Tous les matins du monde, Terrasse à Rome, Villa Amalia...). La Barque silencieuse est le tome VI de Dernier royaume. Le premier tome de Dernier Royaume, Les Ombres errantes, a obtenu le prix Goncourt en 2002.

Lydie Salvayre, BW (20 août)

C’est l’histoire d’un homme qui, à plusieurs reprises dans sa vie, choisit de partir, et de tourner le dos à ce qui ne répond pas à sa soif de liberté. Il s’appelle BW. Adolescent, il part en solex sur les routes de France. On appelle ça une fugue. Sa passion, c’est la course sur 800 mètres. Il gagne un championnat national, mais la discipline d’une Fédération l’étouffe, il s’en va. C’est l’Orient, à rebours des clichés: pas de drogue, non, la marche en avant, jusqu’en Afghanistan, puis au Népal, avec une ascension de l’Himalaya. Plus tard, la passion des livres devient un métier. BW est représentant d’une grande maison d’édition. Il part bientôt pour le Liban, où il découvre le concret de la guerre.

Lydie Salvayre a écrit treize ouvrages dont la plupart sont traduits dans une vingtaine de langues. Elle a obtenu le Prix Novembre pour La Compagnie des spectres.

Olivier Sebban, Le jour de votre Nom (20 août)

Fin 1939. Contraint à l’exil suite à un guet-apens tendu par son beau-père, Alvaro Diaz quitte l’Espagne fasciste pour la France, laissant derrière lui son épouse et ses deux enfants. Détenteur d’un carnet écrit par sa soeur où lui sont révélés ses origines juives et le destin tragique de son père, Alvaro traverse à pied les Pyrénées, seul, sans vivres ni argent. Malade et épuisé, il est arrêté à la frontière française et interné au camp de concentration de Gurs. Il y passe six mois dans des conditions effroyables, avant de s’évader avec deux camarades d’infortune. Tous trois sont recueillis à Montauban par un prêtre qui leur propose de rejoindre un réseau de résistance. Alvaro aide ainsi des groupes d’enfants juifs à passer en Suisse sous des fausses identités. Sabotages, guérilla contre l’occupant... il est à la fois témoin et acteur d’opérations héroïques et de plus en plus désespérées. Le destin finit par le rattraper: trahi par son ami prêtre, il est arrêté par la gestapo et déporté en 1944 à Auschwitz.

Olivier Sebban a 38 ans. Il est l’auteur d’un premier roman, Amapola, paru au Seuil en 2008. Le présent ouvrage a bénéficié d’une bourse attribuée par le C.N.L.

Nadeem Aslam, La vaine attente (20 août)
Traduit de l'anglais par Claude Demanuelli

2005. L’Afghanistan près de la frontière pakistanaise: dans une maison aux murs ornés de fresques persanes, aux plafonds couverts de livres cloués, avec sa serre où autrefois on distillait des parfums, le docteur anglais, Marcus Caldwell, s’est installé 40 ans plus tôt par amour pour sa femme médecin Qatrina, aujourd’hui décédée. Ils ont eu une fille, Zameen. Vers cette maison convergent des êtres esseulés: la Russe Lara à la recherche de son frère, soldat disparu pendant l’invasion communiste. L’Américain David, ex-agent de la CIA ayant aidé les Afghans à chasser l’occupant soviétique, à la recherche de Zameen (disparue après avoir partagé sa vie à Peshawar). Marcus qui désespère de retrouver sa fille Zameen et son petit-fils Bihzad. Casa, le jeune orphelin afghan endoctriné par les talibans et qui brûle de faire ses preuves. Dans ce récit à tiroirs, tout s’emboîte de façon inéluctable. Avec de nombreux retours en arrière.

Nadeem Aslam est né en 1966 au Pakistan. À l’âge de 14 ans, il a fui, avec sa famille, le régime du général Zia pour le nord de l’Angleterre. L’auteur confirme le talent avec lequel il nous avait surpris dans son premier roman traduit en France, La Cité des amants perdus (2006 au Seuil).

Mo Yan, La dure loi du karma (20 août)
Traduit du chinois par Chantal Chen-Andro

Ximen Nao, jeune propriétaire foncier dynamique et bon, est fusillé le 1er janvier 1950, peu après le triomphe de Mao Zedong. Selon la loi du karma, il est condamné, pour ses fautes, à être réincarné en animal. Très mécontent de sa fin brutale et plus encore de ce verdict injuste, Ximen Nao obtient du roi des enfers de renaître chez lui. Il sera âne, bœuf, cochon, chien, enfin singe, revenant sans cesse sur ses propres traces et auprès de ses descendants. Témoin et acteur décalé, comique et déguisé, il suit cinquante ans durant, de la «libération» maoïste à l’époque marchande actuelle en passant par la Révolution culturelle, le destin de ce qui fut la propriété Ximen dans le village de Ximen, près de Gaomi, au pays de Mo Yan.

Mo Yan, né en 1955, fils de paysans pauvres, quitte tôt l’école pour travailler aux champs puis s’enrôle dans l’armée – c’est grâce à elle que l’autodidacte pourra devenir écrivain. Une dizaine de ses romans sont traduits en français dont Beaux seins, belles fesses (2004), Le maître a de plus en plus d’humour (2005), Le Supplice du santal (2006) et Quarante et un coups de canon (2008).

Paul Beatty, Slumberland (3 septembre)
Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Nicolas Richard

Après avoir obtenu la note maximale à l’examen d’entrée à UCLA, un jeune afro-américain surnommé Ferguson Sowel, jugé non «convenable» pour intégrer les programmes de recherche en aérospatiale, se retrouve dans une Académie de musique. Grâce à sa mémoire phonographique, il crée rapidement sa «Joconde sonique», le beat parfait (beat: mixage de différents morceaux de divers genres musicaux qui, assemblés entre eux, donnent un moment de musique idéal). Mais seul Charles Stones, alias le Schwa, musicien de génie qui a disparu de la circulation, pourra le consacrer comme tel en l’utilisant sur scène. La quête du Schwa commence alors et le conduit à Berlin Ouest, peu de temps avant la chute du Mur. Ferguson Sowel devient DJ au Slumberland, haut lieu multiculturel de la capitale. Avec son maître enfin retrouvé, ils conçoivent un projet fou: un mur sonique destiné à remplacer celui écroulé.

Paul Beatty est né en 1962 à Los Angeles. Il a publié deux recueils de poésie, Big Bank Take Little Bank (1991), Joker, Joker, Deuce (1994) et deux précédents romans: The White Boy Shuffle (1996) et Tuff (2001). Il a aussi publié récemment une Anthologie de l’humour noir-américain.

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