dimanche 19 août 2012

A paraître cette semaine : l'impossible choix

Dans l'agenda où je note les principales sorties de livres (en privilégiant les romans), cette semaine déborde comme aucune autre dans l'année. Cela ne se calmera pas vraiment les semaines suivantes mais, jeudi et vendredi, pour seulement jeter un œil sur les nouveautés, il va y avoir du boulot! Heureusement, je vous ai déjà dit un mot de quelques ouvrages à paraître ces 22 et 23 août. Je mets donc de côté les romans d'Amélie Nothomb, de Patrick Deville, de Tahar Ben Jelloun et de Claro. Je ne retiens pas non plus le livre de Laurent Binet, parce que Rien ne se passe comme prévu n'est pas un roman et que, de toute manière, vous en avez déjà lu tellement sur le sujet que je ne veux pas vous écœurer. Avec une bonne part d'arbitraire, parce que les trois titres ci-dessous auraient pu être remplacés par trois autres, voici donc des livres que j'ai vraiment aimés. Mais, pour faire mine de rester objectif (aujourd'hui seulement), ils sont présentés par leurs éditeurs (objectifs, les éditeurs? hum...).

Jakuta Alikavazovic, La blonde et le bunker
A Paris, dans une maison blanche et moderne, vivent la blonde Anna, une photographe reconnue, Gray, son jeune amant, et John Volstead, un écrivain dont elle vient de divorcer. Anna habite au premier étage, Gray occupe la chambre bleue du rez-de-chaussée tandis que John hante le sous-sol en forme de bunker. John, qui a connu la gloire avec son roman Les Narcissiques anonymes, se remet à l’écriture: un livre sur Anna et la fin du monde, dont il prie Gray de lui lire des fragments. Ce livre restera inachevé car John meurt subitement. Il lègue à Gray la Castiglioni, une collection d’œuvres d’art mythique dont l’existence même n’est pas avérée. Gray doit alors mener deux enquêtes qui pourraient bien n’en faire qu’une : comprendre l’origine d’une mystérieuse photo qu’Anna n’a de cesse de détruire, et retrouver la fameuse collection.
Hommage au cinéma et au roman noir, La blonde et le bunker met en scène un trio qui a fait ses preuves – la femme fatale, l’époux et l’amant – dans un décor qui multiplie à l’infini trompe l’œil et faux-semblants. Hypothétique (comme chez J.-L. Borges), policier (comme chez R. Bolaño), moderne (comme chez J.-J. Schuhl), ce roman sera sans doute l’un des objets littéraires les plus fascinants de la rentrée.
L'auteur
Jakuta Alikavazovic est née en 1979 à Paris d'une mère bosniaque et d'un père monténégrin. Sa jeunesse est bilingue et multiculturelle, protégée du conflit des Balkans bien qu'assombrie par ses répercussions. La littérature lui fournit tôt un refuge et un exutoire.
Ancienne élève de l'École normale supérieure de Cachan, elle a séjourné aux États-Unis, en Écosse et en Italie. Elle poursuit une thèse sur les cabinets de curiosités et les chambres de la mémoire. Elle a participé au projet "5 mn avant l'aube", performance réalisée au jardin des Doms pendant l'édition 2006 du festival d'Avignon. D'autre part elle collabore de façon régulière avec l'artiste irano-américaine Rosha Yaghmai. Elles s'attachent à développer une architecture à quatre mains: leurs projets, alliant sculpture et littérature, sont faits de regards croisés sur l'histoire. Elles devaient exposer leurs premiers travaux en 2010 à Los Angeles.
Jakuta Alikavazovic a publié en 2006 un recueil de nouvelles, Histoires contre nature, obtient en 2007 la Bourse écrivain de la Fondation Lagardère, et la même année publie Corps volatils, couronné par le prix Goncourt du Premier Roman en 2008. En 2010, paraît Le Londres-Louxor.

Christophe Donner, A quoi jouent les hommes
«J'ai plein de regrets: les détails précis que l'écriture a sacrifiés; l'écriture trace un sillon aléatoire à travers l'histoire, mes souvenirs, il trie dans ce que je rencontre, il écarte ce que j'ignore, et choisit toujours ce qui me va droit au cœur. Le dix-neuvième siècle fut celui des courses ou n'aura pas été. J'ai le regret des milliers de citations qu'il aurait fallu laisser dans leur jus, ne serait-ce que par respect pour les auteurs, chroniqueurs de leur temps, ici aspirés, digérés, resservis à la sauce romanesque, sans parler des acteurs, que deux siècles d'histoire ont changés en personnages et dont je n'ai gardé que le point faible : leur fantasme de fortune, leur suicidaire passion du jeu. Un roman historique? Mais d'une histoire insignifiante ayant glissé depuis longtemps dans l'oubli.
L'histoire de France, ce monument de morale, je l'ai rayée comme une carrosserie de voiture, gribouillant sur la portière une "histoire des courses" qui rendrait audibles les bagarres secrètes entre ce qu'on sait de l'amour des hommes pour les chevaux et l'obsession du jeu qui conteste cet amour affiché. Le roman parie sur l'instinct pour donner l'illusion d'un exploit: il s'agissait ici de traverser deux siècles d'histoire de France qui tiendraient en cinq générations de désespérés, d'enthousiastes, de petits génies des affaires et de losers chroniques.
Quel rapport entre les joueurs et ceux qui ont inventé le jeu et continuent de l'organiser, entre ceux qui en crèvent et ceux qui en tirent profit? Que le malheur des uns fasse le bonheur des autres, c'est entendu, mais comment ça se passe? Ça passe par l'argent. La joie du jeu circule sous forme de monnaie, laquelle semble ne subir aucune usure et lier indéfiniment les hommes obsédés et les prétendus raisonnables, banquiers de toutes les folies, misérables croupiers des rêves de fortunes.
J'ai pêché dans l'histoire des poissons qui ressemblent à certains de nos contemporains. Il y avait Jacques-René Hébert, dans mon livre sur Louis XVII. Il y a Léon Pournin dans celui-ci: encore un journaliste, écrivain contrarié, fumasse, vengeur, révolté, maître chanteur, ennemi de ces courses qu'il adore, dans lesquelles il veut rentrer par amour, pour les détruire. Telle une murène, il y a toujours un Père Duchesne caché sous une pierre.»
C. D.
 
L'auteur
Né à Paris en 1956, Christophe Donner est l'auteur d'une œuvre importante où l'on retiendra, entre autres, L'Empire de la morale (2001, prix de Flore), Ainsi va le jeune loup au sang (2003, prix Jean Freustié), Bang ! Bang ! (2005), Un roi sans lendemain (2007), Vivre encore un peu (2011), tous publiés chez Grasset. 

Nicolas d'Estienne d'Orves, Les fidélités successives
«"Double jeu", tel pourrait être mon surnom, maintenant que ma vie, mes actes, mes pensées, mes paroles, comme autant de chapeaux d’illusionniste, possèdent un double fond.»
Anglais et Français, résistant et collaborateur, traître et héros, Guillaume Berkeley, en ce printemps 1942, ne sait plus ni qui il est ni quelle vie est véritablement la sienne. Toujours sincère, et ne faisant en somme que changer de sincérités, il vit au rythme de ses «fidélités successives».
Nicolas d’Estienne d’Orves déconstruit à sa manière de romancier les lectures officielles d’une des périodes les plus sombres de notre histoire sans jamais les trahir. Servi par une écriture limpide et fluide, cultivant l’ambiguïté, il explore, avec beaucoup de sensibilité et de virtuosité, la dualité d’un jeune homme confronté à ces circonstances exceptionnelles.
Nicolas d’Estienne d’Orves, auteur d’une vingtaine de livres traduits en treize langues, prix Roger Nimier avec Othon ou l’aurore immobile, nous donne ici son livre le plus abouti et le plus ambitieux.
L'auteur
Nicolas d’Estienne d’Orves, né en 1974, a collaboré pendant cinq ans au Figaro Littéraire et à Madame Figaro. Il a également travaillé sur France Musique. Il est aujourd’hui critique musical au Figaro et à Classica, et chroniqueur au Figaroscope
Il est l’auteur d’une vingtaine d’ouvrages dont Le Sourire des enfants morts (Les Belles lettres, 2001), Othon ou l’Aurore impossible (Les Belles lettres, Prix Roger Nimier 2002), Jacques Offenbach (Actes Sud, 2010), Fin de Race (Flammarion - Prix Jacques Bergier 2002), Les Orphelins du mal (XO, 2007), ou encore Je pars à l'entracte (NiL éditions, 2011). 

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