De livre en livre,
Nicolas Fargues pose son regard aigu sur des personnages auxquels il paraît craindre
de ressembler. Il les traite donc avec une ironie souriante au lieu de leur
enfoncer la tête sous l’eau définitivement, comme on le sent parfois sur le
point de le faire. Il leur gratte les plaies comme s’il les soignait, alors
qu’il les entretient.
Le nouveau triste héros
avec lequel il compte nous amuser cette fois est un écrivain de quarante-trois
ans. Outre qu’il prend conscience, parfois, de son âge, il n’est plus l’auteur
à succès qu’il a été – et n’envisage pas vraiment, faute de sujet, de le
redevenir. Son père ne trouve plus son nom quand il le cherche dans les
actualités de Google, son éditeur annule un dîner sous un prétexte qui pue la
mauvaise foi.
A propos de puer,
signalons l’importance capitale des odeurs dans La ligne de courtoisie. L’écrivain achète « des bougies odoriférantes », il se contraint à « tolérer dans le métro les exhalaisons
dermiques et autres remugles intestinaux de mes congénères anonymes ».
Dorothée, rentrant de son cours de yoga sans avoir pris le temps de prendre une
douche, exacerbe « par tous les
pores de son derme cette odeur apocrine naturellement soufrée qui, jadis,
m’avait fait tant hésiter à partager de nouveau son lit au terme de notre
première copulation. » Et autres notations du même genre, pendant les
quatre-vingts premières pages soumises aux réflexes d’un homme occidental
respectueux des codes sociaux. Parmi lesquels la courtoisie, qu’il a développée
comme un art de l’esquive peu convaincant dans la pratique, n’est pas le
moindre. D’autres conduisent à évaluer les qualités respectives des produits
proposés à la convoitise de celui qui peut les acquérir, soupesées en fonction
des regards des autres…
Mais tout va changer. Il
s’installe à Pondichéry. Du moins, tout changerait peut-être si les contraintes
ne lui retombaient pas d’emblée dessus. La maison qu’il a louée n’est pas
libre, c’est lui qui finit par se faire engueuler. Et son éventuel avenir
d’écrivain ne se dessine qu’à l’ombre de Stephen King, auprès duquel il se sent
tout petit… Malgré un séjour bourré d’inconvénients qu’il glisse sous le tapis,
au contraire de la crasse contre laquelle il s’acharne, cela pourrait n’être
pas si mal. Sinon qu’il faut rentrer en France, pour d’autres aventures
dérisoires.
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