jeudi 31 octobre 2013

Kerouac et Burroughs à quatre mains

Il n’y en avait, depuis quelque temps, au moment de la sortie de ce livre, que pour Jack Kerouac. Le rouleau original de Sur la route, l’adaptation au cinéma, un roman inédit datant de 1942 et pas encore traduit (The sea is my brother). Et en français, un autre roman, écrit en 1945 à quatre mains avec William S. Burroughs, à une époque où aucun des deux n’avait encore publié. Mais ils étaient amis. Allen Ginsberg appartenait au même groupe, avec quelques autres, dont Lucien Carr et David Kammerer. Le 14 août 1944, Lucien tue David. Dans le roman, Philip tue Al. Les personnages d’un fait divers qui fut à l’époque abondamment commenté par la presse et repris ensuite par plusieurs écrivains ne changent à peu près que d’identité. Pour le reste, ils ressemblent beaucoup aux originaux. A tel point qu’il a fallu attendre la mort de Lucien Carr, devenu entretemps un journaliste brillant, pour exhumer le manuscrit. Paru en 2008 aux Etats-Unis, le voici, avec son titre énigmatique : Et leshippopotames ont bouilli vifs dans leur piscine. Dans le livre, la phrase, prononcée avec une « onction réjouie », est attribuée au présentateur d’un journal entendu à la radio. Elle fait partie du décor : New York dans les années quarante, une ville hantée par une bande de jeunes gens désœuvrés mais ambitieux sur le plan culturel. Quand ils ne boivent pas, ne se droguent pas, ne baisent pas, ne se bagarrent pas, ce qui les occupe quand même une bonne partie du temps, ils lisent, vont au cinéma ou discutent en attendant de s’engager, pour quelques-uns d’entre eux, sur un bateau qui partirait vers la France où la guerre se termine.
L’atmosphère générale n’est pas fondamentalement différente de celle qui a fait la réputation de Sur la route. Il s’agit davantage de se chercher que d’affirmer, en prenant quelques risques du côté de la marginalité. Les deux auteurs se cherchent aussi du côté de l’écriture, empruntant un peu au roman noir de leur époque. Et créant entre eux une émulation qui sert leur livre.

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