mercredi 5 avril 2017

Une disparition et ses conséquences

Après Au revoir là-haut, et avant de poursuivre sa grande fresque du 20e siècle, Pierre Lemaitre a éprouvé le besoin de souffler un peu et de revenir aux atmosphères noires de romans moins amples, plus proches de ce qu’il avait écrit avant son Goncourt, celui-ci attribué à un roman en effet très épais, et qui avait besoin de l’être pour restituer une époque ainsi que la complexité des personnages.
Trois jours et une vie possède les qualités de tension qu’on espère d’un bon thriller, en particulier dans sa première partie – les trois jours du titre, situés fin décembre 1999. Les conséquences des événements survenus ces jours-là sont mesurées une douzaine d’années plus tard, avant un épilogue inattendu en 2015.
Au point de départ, il s’agit d’une histoire de disparition. Un gamin n’est pas rentré chez lui, le petit Rémi Desmedt, en quête duquel se lance, dans les forêts qui entourent Beauval, toute la population, encadrée par les forces de l’ordre et les pompiers qui sondent aussi un petit lac. Mais les battues sont bientôt interrompues par la tempête, la pluie, les inondations, comme si une catastrophe ne pouvait arriver seule et que les éléments devaient s’en mêler aussi.
Antoine, douze ans, voisin de Rémi, observe tout cela en tremblant. Il est trop jeune pour participer aux recherches qui, cela le trouble, pourraient se diriger vers la cabane secrète qu’il a construite dans un arbre. De toute manière, il sait que ces journées apocalyptiques ont commencé avec la mort d’un chien, celui des Desmedt, précisément, qu’Antoine aime beaucoup et qu’il a vu achevé au fusil par son maître après avoir été écrasé par une voiture. Signe funeste. Mais piste à creuser : le conducteur de la voiture, qui n’est pas du coin, ne serait-il pas coupable aussi de l’enlèvement de Rémi ?
Le lecteur sait que l’hypothèse ne tient pas. Et Antoine le sait mieux encore que le lecteur. Il en souffre, il est poursuivi par le sentiment d’une fin aussi proche qu’inéluctable, les médicaments de sa mère lui permettront peut-être d’échapper à son destin…
Pierre Lemaitre est assez fin raconteur d’histoires pour savoir que l’intérêt d’un récit ne réside pas essentiellement dans l’anecdote. Celle-ci, tragique, a sa place dans la construction romanesque. Mais ce que vit Antoine dans la durée, comment il intègre à sa vie les inquiétudes nées de ces trois jours et comment elles continuent longtemps à peser sur ses actes, voilà le ressort principal d’un livre qui se traverse dans une fièvre de plus en plus intense, le temps qui passe renforçant les risques au lieu de les réduire.

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