samedi 31 octobre 2009

Veillée d'armes pour quatre écrivains


Comment vivent, ce week-end, les quatre écrivains encore sélectionnés pour le prix Goncourt de lundi? A vrai dire, je n'en sais rien. Je ne ne suis pas dans la peau de Laurent Mauvignier, Marie Ndiaye, Jean-Philippe Toussaint ou Delphine de Vigan.
Mais j'ai le souvenir d'avoir rencontré, en 1990, un de ces membres du dernier carré, quelques jours avant la proclamation. Jean Rouaud avait publié son premier roman, Les champs d'honneur (chez Minuit, tiens, tiens, ils sont deux cette année à porter cette casaque). Il jouait à l'homme détaché de ce qui pourrait arriver le lundi suivant. Mais je voyais bien qu'il y pensait beaucoup. Il croyait, me disait-il, avoir une chance sur deux. Pile ou face. La pièce est retombée du bon côté.
Deux ans plus tôt, le vendredi soir précédant ce fameux lundi, Bernard Pivot avait invité les quatre derniers sélectionnés, chez Drouant, pour un Apostrophes assez spécial.
J'y étais.
Récit.

Concevoir un «Apostrophes» chez Drouant, dans le salon même où se réunit l'Académie Goncourt, avec le président de celle-ci et quatre des plus sérieux candidats aux lauriers 1988, est un joli coup pour Bernard Pivot. Une manière d'ouvrir au public une des scènes les plus secrètes et les plus convoitées de la vie littéraire française...
Trois quarts d'heure avant le début de l'émission on se croirait presque, d'ailleurs, un jour de remise de Prix Goncourt. Les photographes tiennent là, il est vrai, un joli cliché: le peut-être futur lauréat déjà dans le salon Goncourt!
Triés sur le volet, les invités qui font habituellement tapisserie derrière les auteurs se réunissent, champagne à la main, dans une pièce annexe où Bernard-Henri Lévy, malgré la courtoise autorité du réalisateur de l'émission, reste plus longtemps que les autres qui se contentent d'une brève apparition avant de rejoindre Bernard Pivot et Hervé Bazin autour de la table. Mais B.H.L. veut tout savoir: «Est-ce que je suis à côté de Bernard? Comment est-ce que je dois me tenir à table?» Puis, maquillé de manière à rendre son visage presque aussi pâle que la chemise ouverte jusqu'au nombril, il se décide à passer au salon.
Dans les coulisses, puisqu'on est entre gens du monde, on se fait des sourires, on s'embrasse. Mais il est des baisers entre éditeurs qui ressemblent à celui de Judas. Même les plus rompus à cet exercice en ressentent un certain malaise: «Ce n'est pas que je sois tout à fait incapable d'hypocrisie, mais quand même...», nous glisse l'un d'eux.
Petit à petit, tout le monde s'installe. Sur les écrans de contrôle, Bernard Pivot prend encore quelques notes, réclame de l'eau pour Patrick Besson. B.H.L. s'ébouriffe les cheveux. Le réalisateur prend ses repères. Deux portraits des Goncourt à montrer au début de l'émission. «Non, lance Bernard Pivot, il manque Jules; c'est deux fois Edmond. On n'en montrera qu'un!». B.H.L. change de micro, s'ébouriffe encore les cheveux. On le voit beaucoup. Peut-être parce que le blanc de sa chemise - deux boutons refermés - permet de régler les caméras. Le feuilleton est terminé. «Combien de temps, pour les publicités?» demande Bernard Pivot, qui vient de régler sa montre.
Dans la salle annexe, le silence s'est fait. Les visiteurs sont tendus. Un des «Apostrophes» les plus importants de la rentrée commence. Conséquence logique de ce trop-plein de tension, des rires éclatent au générique style «Champs-Elysées», au sourire crispé - comme un tic d'un coin des lèvres - de Patrick Besson, puis c'est la franche gaieté pendant les explications d'Hervé Bazin. Sauf de la part de son épouse, qui se contente de sourire doucement...
La suite, elle était sur l'écran. A commencer par les platitudes des quatre goncourables devant Bazin.
Restent, l'émission terminée, les compliments rassurants des éditeurs à leurs poulains: «Tu as été très bien quand tu as dit que...» Et les espoirs de ventes spectaculaires à partir du samedi matin, en attendant de reparler des prix littéraires.

A lundi, tout le monde...

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