Andrée Chedid n'allait pas bien, on le savait depuis que son fils Louis avait dû modifier certaines dates de concerts. Apprendre sa mort n'a donc pas été une véritable surprise, d'autant qu'elle avait 90 ans. Je me souviens d'une petite dame en apparence fragile mais dont les mots, dans ses livres comme dans la conversation que nous avons eue en 1989, démentaient la fragilité.
Voici l'article que j'avais écrit, après l'avoir rencontrée, à propos de L'enfant multiple.
Andrée Chedid a dû accorder beaucoup d'importance au sujet de L'enfant multiple. D'abord parce qu'elle lui avait déjà consacré une nouvelle (dans Mondes miroirs magies), ensuite parce qu'Omar-Jo, le petit garçon qui est le personnage principal, lui ressemble beaucoup: il a, comme elle, connu le Liban, et se retrouve en France, loin de ses origines...
Je pense qu'on met toujours de soi, même s'il y a des décalages d'âge et de lieu. Omar-Jo m'est très cher, je me suis attachée à lui. J'avais envie d'imaginer un enfant venu de partout...
Malgré tout ce qu'il y a de tragique dans ce roman - Omar-Jo a perdu ses parents dans le décor apocalyptique de Beyrouth -, le récit est un conte de fées éclairé par la présence magique d'un manège qui, au coeur de Paris, attire les regards.
Il y a le spectacle, évidemment, et le spectacle est toujours une féerie. J'y suis très attachée. J'adore la chanson, la musique, le music-hall, le cirque. J'ai essayé d'implanter cela dans le réel. J'aime bien ce double étagement de réalité et de fable. Je n'y pense pas en écrivant, mais c'est une chose qui m'est naturelle, de passer de la réalité à la fable, des larmes au rire, aux contraires...
Omar-Jo, cet enfant dont le double prénom témoigne d'une double origine, chrétienne et musulmane, a donc rencontré Maxime, un forain fatigué à qui il redonne le goût de vivre, de sourire, au point que ce sourire attirera une femme, et qu'une véritable famille se reconstituera ainsi autour d'un enfant qui est cependant blessé. Il manque un bras à Omar-Jo, mais il ne veut pas de la prothèse qu'on lui offre, sans doute parce que le bras absent est pour lui le symbole de tout ce dont il a été coupé... La fidélité à son passé, à ce qu'il est, se manifeste aussi par l'attitude de son grand-père qui est resté au Liban et qui, là-bas, construit un manège pour vivre dans le même univers que son petit-fils. Par-delà la Méditerranée, les deux personnages se répondent.
Le grand-père était un artiste, et l'enfant est sauvé par son imaginaire. L'homme est fait de rêve et de réel.
Avant d'en venir au roman, Andrée Chedid a écrit de la poésie. Elle ne conçoit pas pour autant le langage d'un récit comme celui d'un poème.
C'est assez différent sur le plan de la discipline. Il y a une construction, aussi, qui est différente. Ce sont deux formes d'écriture. Je n'arrive pas à écrire des poèmes quand j'écris un roman. Mais ce que j'essaie d'écrire, c'est la même chose: un cri à l'intérieur de l'âme. La poésie est essentielle. Elle permet de toucher à des choses plus quotidiennes, plus événementielles même.
Sans le savoir, Andrée Chedid a construit une œuvre, livre après livre. Ce qu'elle nous dit parle de l'homme dans ce qu'il a de plus fort en lui, d'indestructible malgré les assauts du monde. On peut l'appeler, pour être simple, la force de vivre. Une force qui se communique à la lecture: comme ses précédents ouvrages, L'enfant multiple est d'une grande générosité envers le lecteur.
Voici l'article que j'avais écrit, après l'avoir rencontrée, à propos de L'enfant multiple.
Andrée Chedid a dû accorder beaucoup d'importance au sujet de L'enfant multiple. D'abord parce qu'elle lui avait déjà consacré une nouvelle (dans Mondes miroirs magies), ensuite parce qu'Omar-Jo, le petit garçon qui est le personnage principal, lui ressemble beaucoup: il a, comme elle, connu le Liban, et se retrouve en France, loin de ses origines...
Je pense qu'on met toujours de soi, même s'il y a des décalages d'âge et de lieu. Omar-Jo m'est très cher, je me suis attachée à lui. J'avais envie d'imaginer un enfant venu de partout...
Malgré tout ce qu'il y a de tragique dans ce roman - Omar-Jo a perdu ses parents dans le décor apocalyptique de Beyrouth -, le récit est un conte de fées éclairé par la présence magique d'un manège qui, au coeur de Paris, attire les regards.
Il y a le spectacle, évidemment, et le spectacle est toujours une féerie. J'y suis très attachée. J'adore la chanson, la musique, le music-hall, le cirque. J'ai essayé d'implanter cela dans le réel. J'aime bien ce double étagement de réalité et de fable. Je n'y pense pas en écrivant, mais c'est une chose qui m'est naturelle, de passer de la réalité à la fable, des larmes au rire, aux contraires...
Omar-Jo, cet enfant dont le double prénom témoigne d'une double origine, chrétienne et musulmane, a donc rencontré Maxime, un forain fatigué à qui il redonne le goût de vivre, de sourire, au point que ce sourire attirera une femme, et qu'une véritable famille se reconstituera ainsi autour d'un enfant qui est cependant blessé. Il manque un bras à Omar-Jo, mais il ne veut pas de la prothèse qu'on lui offre, sans doute parce que le bras absent est pour lui le symbole de tout ce dont il a été coupé... La fidélité à son passé, à ce qu'il est, se manifeste aussi par l'attitude de son grand-père qui est resté au Liban et qui, là-bas, construit un manège pour vivre dans le même univers que son petit-fils. Par-delà la Méditerranée, les deux personnages se répondent.
Le grand-père était un artiste, et l'enfant est sauvé par son imaginaire. L'homme est fait de rêve et de réel.
Avant d'en venir au roman, Andrée Chedid a écrit de la poésie. Elle ne conçoit pas pour autant le langage d'un récit comme celui d'un poème.
C'est assez différent sur le plan de la discipline. Il y a une construction, aussi, qui est différente. Ce sont deux formes d'écriture. Je n'arrive pas à écrire des poèmes quand j'écris un roman. Mais ce que j'essaie d'écrire, c'est la même chose: un cri à l'intérieur de l'âme. La poésie est essentielle. Elle permet de toucher à des choses plus quotidiennes, plus événementielles même.
Sans le savoir, Andrée Chedid a construit une œuvre, livre après livre. Ce qu'elle nous dit parle de l'homme dans ce qu'il a de plus fort en lui, d'indestructible malgré les assauts du monde. On peut l'appeler, pour être simple, la force de vivre. Une force qui se communique à la lecture: comme ses précédents ouvrages, L'enfant multiple est d'une grande générosité envers le lecteur.
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