En ces temps épidémiques, les rassemblements sont suspects.
On dira donc que c’est par prudence que je ne fréquente pas, cette année (une
fois de plus), la Foire du Livre de Bruxelles, malgré l’assurance de pouvoir s’y
désinfecter les mains plutôt trois fois qu’une. (J’interprète un peu un article
de Livres Hebdo par lequel j’apprends
aussi qu’une bière spéciale de la Foire du Livre se déguste sur place – mais pourquoi
ne m’en avait-on rien dit ?)
Mes souvenirs de la Foire du Livre, quasiment le seul
événement du genre à faire de la résistance devant les risques de contamination
(reportés ou annulés, les salons ou foires de Bologne, de Paris, de Leipzig, de
Londres, j’en oublie), sont multiples et j’ai dû les éparpiller ici ou là dans
des notes de blog que ni vous ni moi n’aurons le courage de compiler.
J’en retiendrai aujourd’hui, la faute à un rêve flou qui m’y
transporta dans la nuit de mercredi à jeudi, au moment où la Foire était
inaugurée, une impression générale. L’excitation d’y être, le plaisir de
retrouver des têtes connues et pas croisées depuis longtemps, de faire de
nouvelles connaissances, aussi. Et puis, assez vite, après une heure ou deux de
ce capharnaüm livresque, l’envie très forte d’être ailleurs, dans un endroit
plus calme – pour lire.
Quant à ce qui se passe à Bruxelles ces jours-ci, les échos
m’en arrivent comme assourdis par la distance, mais ils arrivent – malgré le
peu d’enthousiasme qui se manifeste dans l’animation des réseaux sociaux par l’équipe
de la Foire. Rassemblez Twitter, Facebook et Instagram, et vous ne saurez pas
grand-chose de ce qui se passe à Tour & Taxis.
Heureusement, la RTBF, partenaire de l’événement, ouvre
largement ses antennes aux acteurs de la Foire, en particulier aux auteurs et
autrices qui passent par là. Hier, j’ai donc croisé deux fois Barbara Abel, en
télé et en radio, qui parlait de la famille trouble installée dans son nouveau
roman, Et les vivants autour. Je ne l’ai
pas lu (il vient de m’arriver), j’en découvre les premières lignes en même
temps que vous.
Gilbert referme doucement la porte derrière lui. Il s’avance de quelques pas vers le centre de la pièce, retenant son souffle comme s’il cherchait à dissimuler sa présence. L’obscurité l’empêche de distinguer les contours de cette chambre dont il connaît pourtant les proportions par cœur. Normal, elle servait autrefois de salle de jeux, et même s’il n’y faisait que de rares incursions, il en garde un souvenir très précis. Il se rappelle parfaitement le vieux canapé dans lequel ses filles se vautraient pour lire leurs bandes dessinées, les étagères surchargées de jeux et de livres, la table qui leur servait de bureau pour faire leurs devoirs, des bricolages ou du dessin…
Hier aussi, le Prix Première (encore la RTBF) a été attribué
au premier roman d’Abel Quentin, Sœur.
C’est bien, c’est surtout dans l’air du temps.
Intégrée nulle part, Jenny est une adolescente en manque de
relations de confiance. Tandis que le président français navigue sans illusions
dans ses derniers mois de pouvoir, Jenny trouve avec l’islam radical, à travers
une de ses jeunes représentantes, une porte d’entrée dans un groupe soudé. La
voici enfin reconnue comme personne. À condition, bien sûr, de suivre les
instructions jusqu’à croiser le chemin du président. Une dérive de plus.
Mon choix n’aurait pas été celui-là. Dans la liste des
ouvrages sélectionnés, j’aurais sans hésitation (et tant pis pour ceux que je n’avais
pas lus) voté pour Ténèbre, de Paul
Kawczak (La Peuplade), un roman d’une grande puissance qui m’a laissé une impression durable.
Je vous en reparlerai peut-être un jour, les abonnés du Soir ont pu (et peuvent encore) lire l’entretien que j’ai réalisé
avec ce débutant qui a tout pour faire parler de lui.
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