lundi 17 mars 2014

Dominique Sylvain dans les intrigues franco-africaines

Dans Passage du désir, en 2004, Dominique Sylvain a lancé sur le terrain un couple improbable d’enquêteuses que rien ne destinait à courir ensemble sur les traces de criminels. Lola, qui fut commissaire du 10e arrondissement parisien, a quitté ses fonctions un an avant la retraite, minée par la mort d’un agent, Toussaint Kidjo. Elle se consacre à des puzzles qu’elle accompagne de porto et ne néglige aucune autre boisson alcoolisée ni les excellents plats préparés par Maxime, le patron des Belles de jour comme de nuit. Son amie Ingrid est une Américaine sportive qui tente de survivre à Paris en combinant deux professions, masseuse le jour et, la nuit, effeuilleuse vedette du Calypso, un cabaret classieux. Mais ces deux-là, « les infernales pétroleuses du canal Saint-Martin », se complètent admirablement dès qu’une affaire les passionne.
La mort de Florent Vidal a de quoi susciter la curiosité de Lola, qui entraîne donc sa comparse dans l’aventure. L’avocat de Richard Gratien a été retrouvé à moitié carbonisé, avec un pneu autour du cou. Comme Toussaint Kidjo, cinq ans plus tôt. La méthode des meurtres évoque l’Afrique, dont Toussaint était originaire et où l’avocat se rendait souvent en compagnie de Gratien. Celui-ci trempe en effet dans les combines les plus sordides de la Françafrique, puisqu’il sert d’intermédiaire dans le secteur de l’armement. « Un maillon fort de la Françafrique qui tutoyait les pontes du Quai d’Orsay et de la Défense. » Commissions et rétrocommissions à la clé…
Certains crimes sont plus sensibles que d’autres, et on ne va pas tarder à comprendre que celui-ci en fait partie. Cela s’agite dans les hautes sphères, en raison des secrets que Vidal détenait et qu’on a peut-être voulu lui extorquer. Ils sont nombreux à trembler, parmi ceux qui ont tiré bénéfice de transactions pas très nettes. Hommes de pouvoir, ils ont les moyens d’exercer des pressions sur la hiérarchie policière afin que l’enquête ne respire pas de trop près les effluves de l’argent sale. Tandis que, dans la police, le divisionnaire Mars aimerait s’offrir un coup d’éclat avant de se retirer.
Au milieu de ce jeu embrouillé, Lola et Ingrid sont des chiens fous qui s’ébattent sans règles sur un terrain très balisé. Au risque de saccager des réputations bien installées. De provoquer, involontairement, la mort d’un des protagonistes. De court-circuiter des plans laborieusement établis…
Tout cela est aussi réjouissant, du point de vue de l’énigme, qu’effrayant si l’on prend en compte les implications des uns et des autres ainsi que leur totale absence de scrupules.
Mais Dominique Sylvain va plus loin dans la sophistication du récit. Elle a monté, avec des personnages tous dotés d’une biographie complète et complexe, une formidable machination qui fait des uns et des autres les pions d’une partie dont on ne découvrira les véritables enjeux qu’à la fin. Et encore. Dominique Sylvain n’a pas pour habitude de lâcher ses lecteurs dans une situation confortable.

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