samedi 8 mars 2014

Entre l'Eglise et la vérité, Brian Evenson a choisi

Brian Evenson est un écrivain radical. Assez radical, au moins, pour avoir quitté l’Eglise mormone à laquelle il appartenait, parce qu’il lui était interdit de continuer à produire ses textes en toute liberté. Ayant repris cette liberté, il peut s’en donner à cœur joie – mais avec un sentiment que l’on devine douloureux devant la nécessité où il se trouve d’aborder des sujets difficiles.
Celui-ci est particulièrement âpre. Eldon Fochs, doyen de sa communauté religieuse, consulte un psychothérapeute pour résoudre les problèmes de sommeil causés par des rêves troublants. Il se trouve en présence d’enfants auxquels il est tenté de faire du mal. Puis ses récits évoluent jusqu’à la description du mal qu’il leur fait. Et le docteur Alexander Feschtig, en charge du patient, commence à penser que celui-ci ne parle pas de rêves mais d’événements vécus. Les choses se compliquent d’accusations portées par deux mères contre le doyen : il aurait violé leurs fils.
Père des mensonges parle donc de pédophilie à l’intérieur d’une institution chrétienne. Mais surtout de la manière dont Fochs utilise son pouvoir spirituel sur les jeunes. Et aussi de celle dont la hiérarchie se rassure en excommuniant les deux mères accusatrices. Puisque, en s’opposant à un membre de l’Eglise, elles s’en prennent à Dieu lui-même.
Brian Evenson démonte le système de l’intérieur, détaille les mécanismes qui interdisent de croire à la culpabilité d’un responsable religieux. Le lecteur est assez intelligent pour en tirer lui-même les conséquences, au-delà de la fin du récit. Car la vérité ne correspond pas ici, une fois pour toutes, à ce qui s’est passé. Elle correspond à ce qu’il faut croire, serait-ce en dépit de la vraisemblance. Et sans, faut-il l’ajouter, aucun souci de justice. Le pouvoir a gagné.

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