vendredi 26 avril 2013

David Lodge réinvente H.G. Wells


Que reste-t-il, aujourd’hui, de H.G. Wells et de son œuvre ? Lit-on encore ce pionnier de la science-fiction ? Se souvient-on de l’effet que fit, aux Etats-Unis, La guerre des mondes dans une adaptation radiophonique d’Orson Welles en 1938 ? Sait-on assez qu’il est en outre l’auteur de La machine à explorer le temps, L’île du docteur Moreau, L’homme invisible, Les premiers hommes dans la lune, ou de La guerre dans les airs, brève liste de titres choisis dans une bibliographie surabondante, et dont bien d’autres écrivains se satisferaient d’être les auteurs ?
Il était cela, H.G. (pour les intimes). Et bien d’autres choses, comme le montre magistralement David Lodge dans un roman biographique qui est le pendant d’un livre précédent, L’auteur ! L’auteur !, consacré à Henry James. Celui-ci fait d’ailleurs quelques apparitions dans Un homme de tempérament. Wells se situe lui-même, dans le paysage littéraire, à l’exact opposé de James. Un des entretiens imaginaires menés avec Wells, au cours desquels celui-ci est parfois malmené par son interlocuteur, pose la question de savoir si le romancier est considéré comme un grand écrivain. La réponse fuse : « j’ai abandonné cette ambition il y a bien longtemps – j’ai laissé cela à Henry James et aux gens de son espèce. »
H.G. Wells manifeste son tempérament sur trois terrains principaux.
D’abord, il est un véritable visionnaire, comme l’atteste la part de son œuvre évoquée plus haut. A quoi on peut ajouter l’« invention » des tanks, qu’il délaissera au profit de l’aviation comme force militaire. Ainsi que, dans un entretien du roman, la prescience supposée (on peut évidemment… supposer que David Lodge s’est amusé à ce petit jeu) d’Internet et de Wikipédia : « Plus tard, j’ai essayé d’intéresser les éditeurs à l’idée d’une encyclopédie qui engloberait toute la connaissance, mais les difficultés de droits de reproduction étaient trop nombreuses. Mon idée était qu’ils devaient être libres. J’imaginais une Société internationale de l’Encyclopédie, qui conserverait et mettrait continuellement à jour sur microfilm toute donnée de connaissance humaine vérifiable et les rendrait universellement accessibles – une toile d’informations à l’échelle mondiale. »
Politiquement, il affiche des convictions socialistes et milite, parfois avec maladresse, en faveur de profondes modifications dans la société. Il y déploie beaucoup d’énergie mais se trouve souvent en désaccord avec ses proches. Il a aussi l’intuition de la nécessité d’un gouvernement mondial, supranational, et a pu se réjouir, l’année précédant sa mort, de la signature du texte fondateur de la Charte des Nations Unies. « C’était une cause à laquelle il avait œuvré toute sa vie, et il avait personnellement joué un rôle déterminant dans le comité de rédaction Sankey de la Déclaration des Droits de l’Homme, qui fut incorporée à la Charte. »
Enfin, c’est sexuellement que son tempérament s’exprime le mieux. Fervent partisan de l’amour libre, il met ses théories en pratique – à moins qu’il ait adapté ses pratiques à la théorie. Marié deux fois – seulement, a-t-on envie de commenter –, il multiplie les liaisons, ce qui rend souvent sa vie compliquée à cette époque puritaine. Il est séduisant, incapable de résister à une femme disponible et, plus fondamentalement : « Je serai le premier à admettre que j’ai besoin de nouveauté et de variété dans ma vie sexuelle. »
Des aspects les moins connus de cette existence gourmande, agitée et bien remplie, David Lodge a fait un roman où tout est authentique et réinventé.


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