mercredi 17 avril 2013

Hervé Le Tellier sur des rails


Parler avec Hervé Le Tellier de son roman, Eléctrico W, expose à une (petite) déception. Voire deux. Le narrateur explique, dans les premières pages, qu’il a ajouté un paragraphe pour obtenir un nombre total de mots qui soit un nombre premier. Cette exigence, bien dans l’esprit de l’Oulipo (Ouvroir de littérature potentielle) auquel appartient le romancier, celui-ci y a été moins attaché que son personnage : « Je ne suis pas certain du nombre exact de mots. Je laisse au narrateur ses superstitions. » Par ailleurs, il était agréable de croire en l’existence de la ligne de tramway de Lisbonne qui donne son titre au roman. Malheureusement, elle n’existe pas. D’ailleurs, « le w est une lettre qui n’existe pas en portugais. » Mais elle est présente chez Georges Perec, W ou le souvenir d’enfance.
Le livre a été commencé il y a longtemps. En 1992 ou 1993, précise l’auteur. « Le point de départ, c’était l’idée d’un homme qui veut rentrer chez lui après des années d’absence et qui, en neuf jours à Lisbonne, reparcourt L’Odyssée. Et puis, je me suis un peu éloigné du projet, tout en gardant l’aspect de roman initiatique, éclairé par le moment lumineux où António et Canard font connaissance. »
António est photographe. De retour dans la ville de son enfance, en compagnie de Vincent, le narrateur, avec qui il doit suivre un procès, a raconté à son compagnon de travail sa lointaine rencontre avec Canard. Touché, Vincent décide de retrouver la femme…
Les deux personnages principaux développent une complémentarité déjà expérimentée lors de reportages précédents : les mots pour l’un, les images pour l’autre. C’est pourtant une image qui suit Vincent, une carte du delta de l’Okavango, ce fleuve africain qui n’arrive pas jusqu’à l’océan. Pour le romancier, « l’Okavango est la métaphore des deux personnages, dans leur incapacité à aller au bout de leur destin, pour l’un devenir un auteur en écrivant son roman, pour l’autre réaliser, comme homme, son amour d’enfance.
De ces destins inaboutis, Hervé Le Tellier a tiré un livre qu’on suit comme si on était soi-même placé sur les rails de la ligne Eléctrico W

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