mercredi 21 août 2013

Le premier premier roman : Romain Puértolas

Dans la chasse aux premiers romans, sport traditionnel qui se pratique à l'ouverture de la rentrée littéraire, j'épingle L'extraordinaire voyage du fakir qui était resté coincé dans une armoire Ikea, de Romain Puértolas. Une petite bombe bourré d'humour, dont je parlais la semaine dernière avec lui - trois heures et demie avant que, comme il me l'écrivait le lendemain matin, "ma petite fille sortait du ventre de sa maman pour découvrir notre monde"... Un événement digne de ceux qui sont racontés sur un rythme irrésistible dans son livre.
Une partie de cet entretien est paru dans un article du Soir, publié samedi. Mais en voici l'intégralité, rien que pour vous...

Les premiers romans sont souvent autobiographiques. Le vôtre aussi ?
Ce serait difficile qu’il soit autobiographique – vous avez lu le livre. J’aurais bien aimé. J’ai vécu une aventure avec Ajatashatru, mais pas dans une armoire. Si le livre était autobiographique, je pense que je serais quelque part entre l’embouchure du Nil et Israël, dans le coffre d’une voiture ou enfermé dans une soute de bateau, mais ce n’est pas le cas : je vis à Paris.
Avez-vous eu la tentation d’écrire quelque chose de plus proche de vous ?
En fait, c’est le premier livre publié mais j’ai écrit beaucoup de choses avant. Il y a toujours un peu de moi dans ce que j’écris mais dans des situations et des histoires assez rocambolesques. J’aime beaucoup la surprise qui, dans une aventure, survient en une seconde, dans notre vie à nous, bien ancrée, avec nos portables et tout ça. J’aime bien qu’une personne se trouve d’un seul coup propulsée dans une autre dimension.
Dans son cas, dans de multiples dimensions…
Oui, mais toujours en restant proche de la réalité. En fait, si vous regardez l’histoire du fakir, ce n’est pas de la science-fiction, en soi. C’est très rocambolesque mais ça pourrait exister. D’ailleurs, j’ai appris il n’y a pas très longtemps que Ikea, en 2009, avait sorti un modèle de lit à clous. J’étais cloué, parce que j’avais imaginé ça dans ma folie et ma folie était au-dessous de la réalité.
Ajatashatru est un fakir qui mystifie les gens. Comme un romancier ?
Effectivement, mystifier quelqu’un c’est le tromper en abusant de sa crédulité. C’est ce que fait Ajatashatru au début du livre, c’est un arnaqueur professionnel qui utilise des trucs en faisant croire à ses pouvoirs surnaturels. Et le roman, c’est exactement comme dans la magie : vous avez une espèce de contrat tacite entre le magicien et le spectateur qui fait que celui-ci va se laisser faire pour que le magicien ou l’écrivain l’emmène dans son imaginaire, dans l’impossible. Pour moi, le rôle de l’écrivain est de sortir le lecteur de son quotidien. Vous avez des écrivains qui veulent rester dans la réalité, moi je suis partisan de faire voyager le lecteur.
En fait, vous parlez aussi de choses réelles, vous parlez d’immigration, de sans-papiers, d’inégalités, etc. A ces moments-là, le sérieux passe un peu avant l’humour…
Dans ce roman, les situations sont humoristiques, le style fait référence à des choses de la vie moderne, actuelle, qui sont assez marrantes, ce ne sont pas des références très culturelles. Et j’aime contrebalancer ça avec des choses plus graves, plus tristes, comme la vie en fait. La vie est faite de joies et de pleurs. Il y a donc à la fois de l’humour et du drame, sinon cela aurait été un livre de blagues et ce n’était pas le but recherché.
Les manuscrits précédents dont vous parliez, aviez-vous essayé de les faire publier ?
Oui, j’avais envoyé des manuscrits. Mais celui-ci, je ne l’ai envoyé qu’à une seule maison d’édition, au Dilettante.
Et donc pas aux Editions du Grabuge ?
Les Editions du Grabuge, je les ai inventées et je pourrais peut-être les concrétiser dans l’avenir en les créant…
L’avez-vous fait passer par une célèbre actrice ?
Pas par une actrice, par une factrice ! J’ai envoyé le manuscrit par la poste, tout simplement. Je n’ai pas la chance de connaître Sophie Marceau ou Sophie Morceaux, qui a un beau rôle dans le livre. J’espère qu’elle sera contente. On lui a envoyé un roman, bien sûr, mais je n’ai pas eu d’échos pour l’instant.
Il faut espérer qu’elle ne va pas vous faire un procès.
J’espère, oui. Ce serait dommage…
Entre l’envoi du manuscrit au Dilettante et la publication, comment les choses se sont-elles passées ?
En fait, je l’ai envoyé en septembre de l’année dernière. J’ai reçu, à peu près un mois après, une lettre de l’éditeur, Dominique Gaultier, expliquant que mon manuscrit sortait du lot et qu’il voulait me rencontrer. On a pris rendez-vous, on s’est vu, il m’a dit qu’il avait aimé le manuscrit, qu’il y avait deux ou trois petites choses à approfondir, notamment le côté migrants. Au départ, je n’avais pas trop insisté dessus. Il faut savoir que je travaille à la police des frontières et je pensais que ce n’était pas trop intéressant. Il m’a dit que si et j’ai un peu approfondi cet aspect-là, celui du clandestin. Je lui ai donné ma dernière mouture deux semaines après, il a dit que c’était bon. J’ai signé le contrat en décembre, pour une sortie à la rentrée littéraire – la semaine prochaine. C’est très long : il y a presque un an que j’attends ça, qu’on travaille sur la couverture la mise en page, les relectures des correcteurs. Je ne vous cache pas que j’attends mercredi prochain avec impatience !
Le titre est-il de vous ou de l’éditeur ?
C’est le mien.
Aviez-vous noué des contacts dans l’édition après vos premiers envois de manuscrits ?
Non, pas du tout. Je ne connais personne dans l’édition. J’ai ma profession et j’écris vraiment pour le plaisir. C’est un besoin, j’écris comme je respire. Ce livre-là a été écrit en deux mois, dans les transports en commun. Je l’ai écrit sur mon portable et sur des post-it, à l’aller et au retour de mon travail, une heure de RER chaque fois. Il a été écrit aussi dans des avions et dans beaucoup de transports. Je prends beaucoup l’avion, j’ai travaillé dans un aéroport et j’adore le monde des aéroports, du voyage. Le taxi aussi, d’ailleurs, et c’est pourquoi ça se passe, au début, dans un taxi. J’ai l’impression que, quand vous êtes dans un taxi, tout peut arriver, c’est déjà une aventure…
Quelle serait la meilleure chose qui pourrait arriver, dans vos rêves les plus fous, à ce premier roman ?
En fait, c’est exactement ce qui est en train de m’arriver en ce moment. Le livre connaît déjà un grand succès à l’étranger,il va être traduit dans beaucoup de langues – alors qu’il n’est même pas sorti en France ! Apparemment, il a touché des pays comme Taïwan, la Corée, l’Albanie, les Etats-Unis, le Canada, l’Australie… On a été pris par ce qu’on peut appeler la fakirmania. Les gens ont été fakirisés. Je n’imaginais pas du tout ça en écrivant ce livre, surtout pas l’accueil qu’il allait recevoir. J’espère qu’il va y avoir un grand accueil français, bien que nul ne soit prophète en son pays. Ce qui m’arrive là, c’est un conte de fées, plus que ce qui arrive à Ajatashatru.
Le pire n’est plus possible, maintenant ?
Le pire n’est plus possible, à moins de me réveiller, peut-être…
Ce qui se produit avec votre roman pour les traductions ressemble à ce qui s’est passé avec celui de Joël Dicker l’an dernier…
On est peut-être sur les traces. En plus, dans certains pays, c’est le même traducteur. Il devrait sortir dans plusieurs langues l’année prochaine et en 2015 dans les pays anglo-saxons.
Vous disiez écrire comme vous respirez. Cela veut dire que ce premier roman sera suivi d’autres ?
Oui. Mon éditeur a déjà le prochain livre et il a adoré. On ne va pas parler du deuxième, puisque le premier n’est pas encore paru, mais le premier est là.
Vous en avez le titre ?
Oui, mais je ne vous le dirai pas. Et ça ne parle pas d’immigration illégale. C’est quelque chose d’humoristique, de très léger, avec, sous-jacent, un sujet plus grave.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire