vendredi 24 janvier 2014

Antoine Choplin à Tchernobyl

Antoine Choplin ne prend pas le temps de faire les présentations. Dès la première phrase, Gouri est là, arrêté après les derniers faubourgs de Kiev pour vérifier l’attache de la remorque. Gouri est sur la route, dans un paysage qu’il n’a pas vu depuis deux ans, il « devrait rejoindre Chevtchenko avant la nuit. » Il se dirige vers « la zone » où, comprendra-t-on, il a habité avant qu’elle soit interdite et où il veut récupérer une porte de son appartement, avec des inscriptions et les marques faites aux anniversaires de sa fille. C’est toute une expédition, semble-t-il, rendue difficile à cause d’un accident qui s’est produit dans la région. Antoine Choplin ne le dira pas non plus, car l’écrivain est économe de mots et d’informations (c’est d’ailleurs une de ses grandes qualités), mais il n’est pas difficile de deviner qu’il s’agit de l’explosion de la centrale nucléaire de Tchernobyl. Des hommes et des femmes sont morts, d’autres sont malades, toute une région a été contaminée : la zone.
Pour s’y rendre, il faut rouler de nuit, étudier le parcours, éviter les postes de garde et les patrouilles. Une expédition, en effet. Dont le camp de base sera, avant d’entrer en territoire hostile, une maison amie dans laquelle un homme se meurt doucement, dans la fausse paix qui suit les grandes catastrophes. Là, on mange, on boit, on se donne des nouvelles des uns et des autres, on fait le point sur la situation dans les environs. Puis c’est le départ, avec Piotr pour accompagner Gouri, l’inquiétude devant ce qu’on ne connaît pas puisque personne ne sait dans quel état se trouve la ville où ils se rendent.
La nuit tombée est un roman bref qui étreint le cœur. Tout ce qui n’est pas dit est présent dans les gestes. Et les mots de la conversation ne s’écoulent que pour marquer le temps de ce voyage hors du temps, pendant lequel gagne le sentiment de la fragilité humaine.

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