jeudi 16 janvier 2014

Un ballet amoureux et meurtrier

Christophe Carlier a beaucoup écrit sur la littérature avant d’arriver au roman. Le changement de cap lui réussit : son arrivée sur le terrain de la fiction lui a valu, le Prix du Premier roman. L’assassinà la pomme verte le méritait bien, bourré de qualités auxquelles s’ajoute un clin d’œil à Magritte. Sébastien, réceptionniste de nuit à l’hôtel parisien Paradise, a dû voir passer le meurtrier du locataire de la chambre 205. Mais « il devait être aussi anonyme que l’homme à chapeau melon dont Magritte dissimule le visage derrière une pomme verte. »
Le lecteur en sait plus que Sébastien. Il connaît mieux que lui, grâce à un récit mené par différents narrateurs, les principaux personnages. Craig, d’abord, un universitaire britannique qui enseigne aux Etats-Unis, de passage pour un colloque. Et Elena, une Italienne qui fait des allers-retours entre Florence et Paris pour une maison de couture. Chacun d’eux cède progressivement, au cours de la semaine pendant laquelle se déroule le roman, au charme de l’autre. Seule leur première soirée a été gâchée par la présence d’un importun, un séducteur partagé entre trois femmes, et qui s’en vante. Elena fulminait, Craig la regardait fulminer. Le lendemain, le séducteur importun de la chambre 205 avait été assassiné…
Le romancier joue finement des regards entrecroisés, chacun d’entre eux observant surtout les attitudes et les réactions des autres. Dans le ballet sentimental de Craig et Elena, les parasites doivent être gommés, d’une manière ou d’une autre – serait-elle la plus brutale des manières. L’assassin n’est pas anonyme seulement pour Sébastien (et Amélie, une femme de chambre qui est la quatrième voix). Il l’est presque pour lui-même, son geste n’ayant répondu qu’à une nécessité soudaine, sans longue réflexion. Le meurtre est léger pour celui qui n’en éprouve pas le remords. Et le livre est tout aussi léger, qui ne bascule jamais dans la morale mais reste fidèle au Marivaux cité en épigraphe.

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