On peut regarder la télé et aimer les bons livres. La preuve par le Prix France Télévisions qui couronne cette année Tropique de la violence, de Nathacha Appanah.
C’est peut-être parce que Nathacha Appanah a publié, en même
temps que ce roman, un Petit éloge des
fantômes qu’on est si sensible au passage des âmes dans son sixième roman, Tropique de la violence. Le monde des
vivants est parfois investi par les fantômes qui surgissent deux fois, ou
presque : quelqu’un réagit comme si
il ou elle avait vu un fantôme. Mais laissons cet aspect annexe, pour en venir
à l’essentiel.
Cinq personnages se croisent jusqu’au vertige sur la terre
française de Mayotte. Française, mais peu semblable à l’image traditionnelle de
la France. Stéphane, venu faire une année de bénévolat dans une ONG, a trouvé
des paysages splendides et un décor humain pour le moins contrastés : « Chaque matin, ce paysage magnifique
et irréel sur la baie de Mamoudzou suffisait pour me donner de l’énergie, et
j’oubliais la lie, j’oubliais la violence, j’oubliais la fange. Mais
aujourd’hui, je ne vois qu’un bidonville, je n’entends que la colère, je ne vois
que la mer violée par les morts et le sang et je voudrais fouiller cette lie,
retourner cette violence peau à l’envers, je voudrais plonger dans la fange
pour retrouver Mo. »
Mais Stéphane est surtout spectateur du drame qui se joue
entre les autres protagonistes, avec Mo, Moïse, à l’avant-plan : « j’ai quinze ans et, à l’aube, j’ai
tué. […] Je suis seul et j’ai tué Bruce, à l’aube, dans les bois. Bruce et son
cœur de sauvage et son cerveau de malade et sa langue de serpent, Bruce qui me,
qui m’avait… »
Qui m’avait quoi ? C’est l’énigme d’où tout le reste
découle, bien que très loin en amont on puisse lire aussi, entre les lignes du
roman, des causes plus profondes à cette violence. Une société en si piteux
état que n’importe quelle étincelle peut se transformer, à tout moment, en
embrasement général.
Tropique de la violence est un livre puissant, qui ne se substitue pas à une analyse sociologique mais qui trouve dans l’invention de quelques vies le chemin vers les racines du mal. Cela nous en donne une perception plus fine, probablement, que dans un exposé scientifique. Et, puisque nous sommes au plus près des personnages dont chacun prend tour à tour la parole, dans une polyphonie finalement révélatrice, nous comprenons mieux comment ils en arrivent là. A ce point de non-retour.
Tropique de la violence est un livre puissant, qui ne se substitue pas à une analyse sociologique mais qui trouve dans l’invention de quelques vies le chemin vers les racines du mal. Cela nous en donne une perception plus fine, probablement, que dans un exposé scientifique. Et, puisque nous sommes au plus près des personnages dont chacun prend tour à tour la parole, dans une polyphonie finalement révélatrice, nous comprenons mieux comment ils en arrivent là. A ce point de non-retour.
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