Patrick Deville vient de passer quelques jours à Madagascar, à la
veille de terminer et de remettre à son éditeur le manuscrit de son prochain
roman, qui doit paraître à la rentrée littéraire. Il était un peu stressé par l’obligation
où il se trouvait de boucler les dernières pages de ce livre. Il a quand même
pris le temps de quelques rencontres, et nous l’avons écouté avec intérêt.
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Patrick Deville ne vous est pas inconnu si vous
lisez fidèlement ce blog. Si vous lisez, tout simplement... En 2012, Peste & choléra lui a valu le prix du roman Fnac et le Prix Femina. Cette fois, nous l'avons rencontré à Antananarivo (la fois précédente, c'était dans le TGV entre Saint-Malo et Paris, ainsi sont les voyageurs).
Le projet dont Patrick Deville a donné la première partie en
2004 avec Pura Vida est
pharaonique : raconter, en douze volumes bourrés de personnages dont
beaucoup reviennent, plus ou moins discrètement, d’un livre à l’autre, toute une
histoire du monde de 1860 à nos jours. En couvrant, dans le même temps,
l’espace de la planète : Pura Vida
est centré sur l’Amérique, Equatoria,
qui l’a suivi en 2009, sur l’Afrique, Kampuchéa
(2011) sur l’Asie. Ont suivi Peste & choléra, qui part d’Asie et Viva
(2014), au Mexique. Le sixième volume, prévu pour le mois d’août chez son
éditeur habituel (Le Seuil), sera axé sur la France. Un gros volume, nous
a-t-il dit.
Mais il y a un petit problème et c’est, a-t-il confié, la
première fois que cela lui arrive : l’éditeur aurait dû recevoir le
manuscrit il y a trois semaines, pour être dans les temps du calendrier de
fabrication, et le texte n’était pas tout à fait terminé. Ce qui nous
renseigne, au passage, sur la manière dont une rentrée littéraire se prépare
très en amont du mois d’août, moment où les livres arriveront dans les
librairies. Et explique la réponse sibylline faite par une attachée de presse
de sa maison d’édition, quand nous lui avions demandé, avant de rencontrer Patrick
Deville, si un nouveau roman était au programme : « Peut-être pour la rentrée. Mais rien de confirmé encore. »
Et pour cause : sans manuscrit, pas de livre.
Alors, vous demandez-vous probablement, pourquoi Patrick
Deville prend-il une semaine de vacances à Madagascar au moment où le directeur
de la collection qui édite ses textes attend le prochain avec impatience ?
C’est qu’il n’était pas du tout en vacances, l’écrivain, bien au contraire. Il
avait besoin de venir sur place pour écrire deux ou trois paragraphes qui se
situeront à la fin de son livre et devraient lui avoir permis, à l’heure où
vous lisez ces lignes, de mettre le point final au sixième volume de son grand
cycle. Ce qu’il réalise à l’intérieur de celui-ci, il l’appelle « Romans
sans fiction », malgré la nuance qu’il apporte rapidement en disant que ce
n’est pas tout à fait vrai – la présence d’un narrateur, lui-même, l’autorise
quand même à imaginer ce qu’il pense et vit par rapport aux événements qui
constituent la matière principale de l’œuvre. Mais il insiste : tous les
faits sont vérifiables.
Voilà pourquoi il ne croyait pas possible de rédiger les
quelques lignes consacrées à Madagascar sans tâter concrètement le terrain. Il
est d’ailleurs allé à Moramanga visiter le Musée de la Gendarmerie nationale où
se trouvent des objets et documents liés aux événements de 1947. Il voulait
voir aussi le célèbre wagon qui illustre un des épisodes tragiques de ce moment
historique.
Tout ça pour ça ? Oui, et la démarche est exemplaire.
Dans la hâte, mais sans précipitation, Patrick Deville ne lâche rien de la
précision quasi horlogère avec laquelle il monte son projet. Et, puisqu’il
avait obtenu de son éditeur un délai de trois semaines pour la remise du
manuscrit, il a mis celles-ci à profit comme il l’entend. C’est-à-dire en se
mettant physiquement en présence des lieux et des souvenirs, pour leur donner
l’épaisseur qui caractérise chacune des pages de ses romans.
Et, dans l’intervalle, celui-ci, dont nous ne connaissons
pas le titre (c’est idiot : on n’a pas pensé à le lui demander), a déjà
fait l’objet d’une présentation en interne aux Editions du Seuil. Sans
manuscrit, sans même un argumentaire écrit par Patrick Deville qui se sentait
incapable de résumer un livre non, et qui a demandé au directeur de la
collection où il paraîtra de le faire à sa place.
On aurait été anxieux à moins si nous nous étions trouvé dans sa situation…
On aurait été anxieux à moins si nous nous étions trouvé dans sa situation…
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