Georges Bernanos. Scandale de la vérité
Dominique Fernandez, dans Ramon
(Grasset & Fasquelle, 2008), l’ouvrage qu’il consacre à son père, cite la phrase avec laquelle
Bernanos dédicace, le 26 mars 1936, Journal d’un curé de campagne au critique littéraire : « Mon cher ami, ce curé si peu
cartésien vous paraîtra peut-être d’abord un peu bête, mais je suis sûr que
vous finirez par l’aimer, car votre cœur est avec ceux de l’avant, votre cœur
est avec ceux qui se font tuer. » Trois ans et demi plus tard, Ramon
Fernandez consacre dans Marianne un
long article à Scandale de la vérité
et Nous autres Français. Stupeur du
fils en lisant ce qu’il considère comme une tentative de réconciliation entre
deux hommes que les circonstances et les positions divergentes ont
séparés : « Je trouve
extrêmement curieux que mon père, peu de temps avant qu’il ne se décide à la
trahir, cette mission, ait hissé sur le pavois les deux écrivains qui étaient
le mieux faits pour le retenir sur la voie de l’honneur. On dirait l’appel au
secours d’un homme qui craint de se noyer. »
Cet article paradoxal, le voici « en guise de présentation »
de Scandale de la vérité. Ses
lecteurs d’alors formaient, rappelle Dominique Fernandez, un « public de gauche ». En mai,
Ramon Fernandez avait présenté tout autrement Scandale de la vérité aux lecteurs de La Liberté, « public
d’extrême-droite ». Le grand écart suscite, chez le fils, une série de
questions. Du moins l’auteur des lignes qui suivent n’était-il pas, cette fois,
dans une posture de mépris adoptée ailleurs.
Si quelqu’un doit souffrir en ce moment d’être
éloigné de France et comme en exil, c’est assurément M. Georges Bernanos,
qui partait voici quelques mois pour l’Amérique du Sud, avec un peu de la
sombre amertume de Platon quittant Athènes. Que les temps sont changés !
Munich avait irrité M. Georges Bernanos. Il entretenait avec son pays une
de ces querelles que l’amour inspire et que l’humeur complique. M. Georges
Bernanos est naturellement polémiste, et beaucoup de ses contemporains, comme
on dit, l’ont senti passer… Les deux livres que j’ai sur ma table, Scandale de la vérité et Nous autres Français, sont des manières de premiers testaments,
comme dirait M. Julien Benda, où l’auteur s’est appliqué à définir l’âme
de son pays et son destin. Écrits entre les deux guerres, la blanche et la
rouge, ils sont pour nous d’un particulier intérêt.
Mais situons d’abord M. Georges Bernanos
dans nos perspectives littéraires. Il n’a pas été d’abord facile à définir. Sous le soleil de Satan le faisait apparaître comme un romancier du
surnaturel, spécialité assez rare en France et qui n’a pas de province
littéraire bien établie. L’imposture
et La joie semblaient préciser M. Georges
Bernanos comme le romancier du prêtre, autre spécialité extrêmement difficile
et chez nous peu commune. Mais bientôt, les dons de polémiste de M. Georges
Bernanos éclataient dans la Grande peur des bien-pensants, mettant alors sa pensée, sa tradition
intellectuelle en pleine lumière.
[…]
Ramon Fernandez.
Marianne, 4 octobre 1939.
1,99 euros ou 6.000
ariary
ISBN 978-2-37363-080-0
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