mercredi 3 avril 2019

Avril à la Bibliothèque malgache : Bernanos



Georges Bernanos. Scandale de la vérité



Dominique Fernandez, dans Ramon (Grasset & Fasquelle, 2008), l’ouvrage qu’il consacre à son père, cite la phrase avec laquelle Bernanos dédicace, le 26 mars 1936, Journal d’un curé de campagne au critique littéraire : « Mon cher ami, ce curé si peu cartésien vous paraîtra peut-être d’abord un peu bête, mais je suis sûr que vous finirez par l’aimer, car votre cœur est avec ceux de l’avant, votre cœur est avec ceux qui se font tuer. » Trois ans et demi plus tard, Ramon Fernandez consacre dans Marianne un long article à Scandale de la vérité et Nous autres Français. Stupeur du fils en lisant ce qu’il considère comme une tentative de réconciliation entre deux hommes que les circonstances et les positions divergentes ont séparés : « Je trouve extrêmement curieux que mon père, peu de temps avant qu’il ne se décide à la trahir, cette mission, ait hissé sur le pavois les deux écrivains qui étaient le mieux faits pour le retenir sur la voie de l’honneur. On dirait l’appel au secours d’un homme qui craint de se noyer. »
Cet article paradoxal, le voici « en guise de présentation » de Scandale de la vérité. Ses lecteurs d’alors formaient, rappelle Dominique Fernandez, un « public de gauche ». En mai, Ramon Fernandez avait présenté tout autrement Scandale de la vérité aux lecteurs de La Liberté, « public d’extrême-droite ». Le grand écart suscite, chez le fils, une série de questions. Du moins l’auteur des lignes qui suivent n’était-il pas, cette fois, dans une posture de mépris adoptée ailleurs.

Si quelqu’un doit souffrir en ce moment d’être éloigné de France et comme en exil, c’est assurément M. Georges Bernanos, qui partait voici quelques mois pour l’Amérique du Sud, avec un peu de la sombre amertume de Platon quittant Athènes. Que les temps sont changés ! Munich avait irrité M. Georges Bernanos. Il entretenait avec son pays une de ces querelles que l’amour inspire et que l’humeur complique. M. Georges Bernanos est naturellement polémiste, et beaucoup de ses contemporains, comme on dit, l’ont senti passer… Les deux livres que j’ai sur ma table, Scandale de la vérité et Nous autres Français, sont des manières de premiers testaments, comme dirait M. Julien Benda, où l’auteur s’est appliqué à définir l’âme de son pays et son destin. Écrits entre les deux guerres, la blanche et la rouge, ils sont pour nous d’un particulier intérêt.
Mais situons d’abord M. Georges Bernanos dans nos perspectives littéraires. Il n’a pas été d’abord facile à définir. Sous le soleil de Satan le faisait apparaître comme un romancier du surnaturel, spécialité assez rare en France et qui n’a pas de province littéraire bien établie. L’imposture et La joie semblaient préciser M. Georges Bernanos comme le romancier du prêtre, autre spécialité extrêmement difficile et chez nous peu commune. Mais bientôt, les dons de polémiste de M. Georges Bernanos éclataient dans la Grande peur des bien-pensants, mettant alors sa pensée, sa tradition intellectuelle en pleine lumière.
[…]
Ramon Fernandez.
Marianne, 4 octobre 1939.

1,99 euros ou 6.000 ariary
ISBN 978-2-37363-080-0

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